Menu Close
Sur un terrain de football, deux équipes de foot féminines s'affrontent.
Une étude a été menée auprès de footballeuses et de rugbywomen, sous contraception hormonale ou non, pour mesurer leurs dépenses énergétiques en condition de repos, d'exercice et après la prise d'un repas. Yuri A/Shutterstock

Cycle menstruel et contraception hormonale : quel impact sur les sportives ?

En connaissant leurs spécificités hormonales et leur impact sur leur corps, les sportives pourraient bénéficier de conseils appropriés afin d’optimiser l’entraînement et la performance en compétition. Dans ce but, des travaux de recherche sont menés pour analyser la dépense énergétique de sportives de bon et haut niveau en fonction de leur cycle menstruel et leur prise de contraception hormonale.


Les Jeux olympiques de Paris 2024 seront historiques : ils seront les premiers Jeux paritaires. Cependant, les sciences du sport n’en sont pas encore à ce stade puisque seulement 9 % des articles dans les sciences du sport se sont focalisés uniquement sur les femmes.

Les sportives présentent des spécificités hormonales en raison de la sécrétion des hormones ovariennes (œstrogènes et progestérone) qui leur sont propres et qui peuvent varier suivant les phases du cycle menstruel naturel ou la prise d’une contraception hormonale.

Les différents statuts hormonaux ovariens (c’est-à-dire les différentes phases du cycle menstruel ou la prise d’une contraception hormonale) peuvent induire des modifications métaboliques (par exemple une modification de la dépense d’énergie et de l’utilisation des lipides et des glucides pour produire cette énergie) qui peuvent interférer avec les besoins liés à leur pratique sportive, dont les entraînements sont rythmés par le calendrier des compétitions.


Chaque mardi, notre newsletter « Et surtout la santé ! » vous donne les clés afin de prendre les meilleures décisions pour votre santé (sommeil, alimentation, psychologie, activité physique, nouveaux traitements…)

Abonnez-vous dès aujourd’hui.


Des femmes sportives entraînées de la même manière que les hommes

Quel que soit leur niveau, la grande majorité des femmes sportives est entraînée de la même manière que les hommes, sans prendre en compte les facteurs individuels qui leur sont propres. De nombreuses sportives remarquent ce manque de considération de leur statut hormonal sur leur bien-être à l’entraînement.

La championne olympique de handball Estelle Nze Minko se demandait par exemple en 2022 dans le quotidien Le Monde : « Pourquoi ne pas s’intéresser au cycle menstruel qui a une grande influence sur la performance ? »

Il semble important de lever les tabous et surtout les méconnaissances des sportives et de leurs entraîneurs sur le fonctionnement et l’impact que peuvent avoir les variations hormonales ovariennes sur la santé et les potentielles implications sur la pratique sportive.

De nombreuses femmes présentent notamment des symptômes prémenstruels (c’est-à-dire au cours de la semaine précédant les règles) et menstruels (c’est-à-dire en période de règles), qui devraient être davantage décrits et pris en compte.

Les symptômes menstruels et prémenstruels ont-ils un impact négatif sur la pratique sportive ?

Devant le constat d’un manque d’outils validés dans la littérature scientifique pour contrôler le statut hormonal ovarien et les variations de poids chez les sportives, un questionnaire appelé « Answ’Her » a été développé dans une première étude transversale que nous avons conduite (à paraître dans le Journal of Sports Medicine and Physical Fitness).

Le questionnaire a ensuite été utilisé pour réaliser une enquête afin d’évaluer le statut hormonal ovarien et les habitudes de variations de poids chez des sportives, ainsi que la proportion d’entre elles souffrant d’inconfort en relation avec les symptômes (prémenstruels ou menstruels) et leur impact sur la pratique sportive.

Cette enquête a été conduite auprès de sportives françaises de tous niveaux pratiquant différents types de sports : sports d’équipe (rugby, football, volley, handball), de combat (judo, jiu-jitsu, boxe), de force (haltérophilie, musculation, force athlétique), d’endurance (course à pied, cyclisme) ou encore artistiques (gymnastique, danse, patinage).

Qu’elles utilisent une contraception hormonale ou non, la majorité de ces sportives (78,7 % exactement) ont déclaré percevoir un impact négatif de leur statut hormonal ovarien sur leur pratique sportive et sur leur performance, principalement associé aux symptômes menstruels et prémenstruels.

Communiquer sur les douleurs, de la fatigue, des changements d’humeur…

Les principaux symptômes menstruels et prémenstruels relevés par les sportives dans le questionnaire sont des douleurs abdominales, de la fatigue, des ballonnements et des changements d’humeur, en accord avec de précédentes études sur ce sujet. De manière intéressante, 77,3 % des sportives interrogées ont par ailleurs fait l’expérience de variations de poids, pouvant être associées à une interruption des règles de plus de trois mois et à des irrégularités de leur cycle menstruel au cours des trois dernières années.

Le questionnaire Answ’Her apparaît donc comme un outil simple pour permettre d’amorcer des discussions entre les sportives et leurs entraîneurs relatives au cycle menstruel, aux variations de poids et aux ressentis des sportives.

Par ailleurs, celui-ci peut permettre d’initier des consultations avec des professionnels de santé (sages-femmes, gynécologues, nutritionnistes) dans une optique de prise en charge individualisée des sportives, que ce soit au niveau de l’entraînement comme du suivi nutritionnel, afin d’optimiser leur santé mentale et physique.

Le statut hormonal ovarien influence-t-il la dépense d’énergie chez la sportive ?

À ce jour, il n’existe pas de consensus sur les recommandations nutritionnelles et d’entraînement chez les sportives en lien avec leur statut hormonal ovarien. Par ailleurs, aucune étude ne s’est réellement intéressée à l’impact du statut hormonal sur la composition corporelle, les apports et la dépense d’énergie des sportives, en lien avec les différentes charges d’entraînement (désignant le volume, l’intensité, la fréquence des entraînements), variables au cours d’une saison sportive.

Pour le savoir, le laboratoire des Adaptations métaboliques à l’exercice en conditions physiologiques et pathologiques (AME2P) de l’Université Clermont Auvergne est le premier à mettre en place un projet de recherche dont l’objectif est de déterminer les impacts du statut hormonal ovarien sur les dépenses d’énergie et les régulations nutritionnelles des sportives, en fonction de la charge d’entraînement.

Ma thèse en 180 secondes (2024) par Sarah Bagot, 1erprix du jury, prix des lycéens. Son sujet de thèse : Les adaptations métaboliques et nutritionnelles aux variations de poids, au statut hormonal ovarien et au niveau d’activité physique (Laboratoire AME2P).

Cette étude a été réalisée auprès de 32 sportives de niveau national et international (21 rugbywomen et 11 footballeuses, âgées de 23 ans en moyenne). Parmi elles, 23 avaient un cycle menstruel naturel et 9 étaient sous contraception hormonale (pilule contraceptive). Nous avons notamment mesuré leur dépense énergétique en condition de repos à jeun, suite à un repas et enfin lors d’un exercice, ce qui correspond aux trois principaux composants de la dépense d’énergie totale au cours d’une journée.

Une grande variabilité d’une femme à l’autre, et d’un cycle à l’autre

En période de forte charge d’entraînement, nos premiers résultats suggèrent que les sportives utilisant une pilule contraceptive présenteraient une demande énergétique plus importante à l’exercice que celles ayant un cycle menstruel naturel.

Cependant, au repos, à jeun ou après la prise d’un repas calibré, aucune différence n’a été observée entre les sportives utilisant une contraception hormonale ou non, ni entre les phases du cycle menstruel naturel.

L’illustration montre deux schémas représentant les variations des hormones ovariennes naturelles ou synthétiques lors du cycle menstruel ou de l’utilisation d’une contraception orale
Variations hormonales ovariennes au cours du cycle menstruel ou de l’utilisation d’une contraception orale. Author provided (no reuse)

Chez les sportives ayant un cycle menstruel naturel, une différence dans l’utilisation des glucides entre les phases du cycle menstruel a également été observée. Celle-ci étant plus importante en phase lutéale qu’en phase folliculaire.

Finalement, l’analyse de ces premiers résultats permettent surtout de mettre en avant la grande variabilité des réponses métaboliques d’une femme à l’autre et, pour une même femme, d’un cycle à l’autre. Il serait donc plus intéressant d’avoir une approche individualisée de ces résultats.

Pour une meilleure gestion des entraînements et de la nutrition des sportives

Nos résultats en période de faible charge d’entraînement sont encore en cours d’analyse. Les mesures réalisées dans le cadre de ce suivi ont déjà permis d’apporter des éléments de sensibilisation, de conseils nutritionnels et de gestion d’entraînement à l’attention des sportives et de leurs entraîneurs. Le but étant d’optimiser la prise en charge et le bien-être des sportives.

Les résultats des différentes études conduites dans le cadre de ce projet de recherche permettront d’identifier les besoins en énergie et nutriments des sportives en fonction de leur statut hormonal ovarien.

Ainsi, à terme, l’objectif serait de développer des produits alimentaires végétaux adaptés aux besoins en macro (lipides, glucides et protéines) et micro nutriments (vitamines et minéraux) des sportives, pour notamment limiter les désagréments liés aux symptômes prémenstruels et menstruels à travers un projet d’innovation baptisé SportVeg.


Cet article a été publié dans le cadre du concours Ma thèse en 180 secondes organisé par France Universités et le CNRS. La finale nationale se tiendra à l’opéra de Nice le 5 juin.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 185,400 academics and researchers from 4,982 institutions.

Register now