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Ichtyosaure de Holzmaden (Jurassique inférieur, -180 Ma), Allemagne. Sylvain Charbonnier

Dans ces gisements exceptionnels, de fabuleux fossiles…

Cet article est publié dans le cadre du 5ᵉ Congrès international de paléontologie qui se tient à Paris du 9 au 13 juillet 2018, organisé par le Centre de Recherche sur la Paléobiodiversité et les Paléoenvironnements (CR2P), laboratoire sous tutelle du Muséum national d’Histoire naturelle et de Sorbonne Université, partenaires de The Conversation France.


Connaissez-vous les Lagerstätten ? Ils sont la providence du paléontologue. Car quelle que soit l’époque considérée, les archives paléontologiques sont incomplètes et livrent le plus souvent, une information fragmentaire sur la biodiversité et les systèmes biologiques anciens. Pourtant, certains gisements à préservation exceptionnelle – aussi appelés Konservat-Fossil-Lagerstätten ou plus simplement Lagerstätten – constituent une exception précieuse en paléontologie.

Souvent qualifiés « d’instantanés à haute résolution », ces gisements sont une source d’information privilégiée et inégalée sur la biodiversité du passé. Ils sont réputés pour leurs fossiles particulièrement bien préservés grâce à la réunion de conditions taphonomiques exceptionnelles : enfouissement rapide, sédiment très fin, anoxie (manque de dioxygène) et intervention microbienne. Ils permettent non seulement de reconstituer avec précision l’anatomie et le fonctionnement des organismes mais aussi de comprendre l’organisation des paléoécosystèmes (interactions biologiques, réseaux trophiques). La qualité de préservation des organismes conservés dans les gisements de type Lagerstätte autorise des comparaisons très précises avec les faunes actuelles. Ces gisements fournissent donc des informations capitales pour reconstituer les relations phylogénétiques au sein des groupes biologiques.

Cinquante gisements à conservation exceptionnelle

Il existe une cinquantaine de gisements à conservation exceptionnelle dans le monde. Cette liste évolue très peu malgré la mode actuelle d’associer le mot Lagerstätte à tous les gisements paléontologiques présentant quelques fossiles sortant de l’ordinaire.

Le plus ancien Lagerstätte est probablement celui d’Ediacara (Australie ; moins 600 millions d’années) où l’on a trouvé parmi les premiers organismes multicellulaires complexes connus. Ces organismes énigmatiques ont été reconnus un peu partout sur Terre et sont morphologiquement distincts des formes de vie ultérieures. Du fait des difficultés pour établir des relations entre ces organismes, certains paléontologues ont suggéré qu’ils pourraient représenter une forme de vie éteinte ne ressemblant à aucun organisme vivant, une sorte d’expérience manquée de la vie multicellulaire.

Viennent ensuite les célèbres gisements liés à l’explosion cambrienne de la vie, à savoir les Schistes de Burgess (Canada, -505 Ma) et la fabuleuse faune de Chengjiang (Chine, -520 Ma) qui est la plus ancienne. La liste des Lagerstätten s’étoffe ensuite dans l’ensemble des temps fossilifères pour atteindre une cinquantaine d’occurrences.

Plante préservée dans un nodule de Montceau-les-Mines (Carbonifère supérieur, -300 Ma), France. Sylvain Charbonnier, CC BY

Toutes les périodes géologiques possèdent des Lagerstätten plus ou moins célèbres en domaine continental et en milieu marin. Par exemple, à la fin du Paléozoïque, deux Lagerstätten (Carbonifère supérieur, -300 Ma) sont très connus pour leurs concrétions de carbonates de fer qui renferment des animaux et des plantes préservés en volume ; il s’agit de Mazon Creek aux États-Unis et de Montceau-les-Mines en France.

Au Jurassique, plusieurs Lagerstätten majeurs sont mondialement connus comme ceux d’Holzmaden (Allemagne, Jurassique inférieur), de La Voulte-sur-Rhône (France, Jurassique moyen) et de Solnhofen (Allemagne, Jurassique supérieur). Au Cénozoïque, il est possible de citer le Lagerstätte du Monte Bolca en Italie (Lutétien, -45 Ma), célèbre pour ces magnifiques poissons fossiles préservés en connexion anatomique. Ces gisements restent toutefois ponctuels et sont loin de livrer une image complète et globale de la vie marine au cours des temps géologiques. Ils se sont peu à peu constitués dans des environnements particuliers et ne reflètent pas la diversité des milieux marins existant à cette époque et colonisés par les organismes.

Pieuvre de La Voulte. Sylvain Charbonnier, CC BY
Poisson du Monte Bolca, Muséum national d’histoire naturelle (Paris, France). Christian Lemzaouda, CC BY

Où les admirer ?

Muséum national d’Histoire naturelle, Paris.

C’est dans la Galerie de Paléontologie qu’il est possible de voir une concentration de spécimens provenant de plusieurs célèbres gisements à conservation exceptionnelle : ichtyosaures et crocodiles d’Holzmaden (Jurassique supérieur, Allemagne), dinosaures, tortues et poissons de Canjuers (Jurassique supérieur, France), crustacés, poissons et ptérosaures des calcaires lithographiques de Solnhofen (Jurassique supérieur, France), poissons des Lagerstätten du Crétacé supérieur du Liban, poissons du Monte Bolca (Lutétien, Italie) arrivés France pendant la Révolution française. Les plantes fossiles sont à nouveau exposées depuis quelques années. Il est ainsi possible de voir des fougères et des prêles en provenance de Commentry (Stéphanien, France) qui, bien que n’étant pas reconnu comme un Lagerstätte majeur, a toutefois livré la célèbre libellule géante Meganeura (70 cm d’envergure !).

Libellule géante Meganeura de Commentry (Carbonifère supérieur, -300 Ma), France. C. Lemzaouda, Charles Brongniart, P. Loubry, CC BY
CC BY

Muséum d’Histoire naturelle Jacques de la Comble, Autun

Situé dans le Morvan, ce muséum régional expose de nombreux échantillons paléontologiques du Carbonifère (Stéphanien de Montceau-les-Mines) et du Permien (Autunien d’Autun). Une salle entière est consacrée aux nodules du Lagerstätte de Montceau-les-Mines qui sont remis dans leur contexte paléoenvironnemental. Des plantes préservées en compression sur les schistes houillers associés aux nodules sont également à l’honneur avec quelques spécimens très spectaculaires.

Musée des Confluences, Lyon

Héritier du Musée d’histoire naturelle Guimet de Lyon, le Musée des Confluences est un musée d’histoire naturelle, d’anthropologie, des sociétés, et des civilisations. La paléontologie occupe une place importante dans le parcours permanent. Une vitrine très impressionnante est notamment consacrée au Lagerstätte de Cerin. Elle présente les fossiles les plus emblématiques : crocodiles, poissons, crustacés, échinodermes (étoiles de mer, comatules).

Vitrine sur le Lagerstätte de Cerin (Jurassique supérieur, -150 Ma), musée des Confluences (Lyon, France). Olivier Garcin, CC BY

Jura-Museum, Eichstätt (Allemagne)

Crustacé décapode des Calcaires lithographiques de Solnhofen (Jurassique supérieur, -150 ma), Allemagne. Christian Lemzaouda, CC BY

Situé en Bavière, ce musée est consacré aux fossiles issus des calcaires lithographiques de Solnhofen et d’Eichstätt. Il abrite notamment un spécimen d’Archaeopteryx, mais aussi de très nombreux autres fossiles (crustacés, poissons, crocodiles, ptérosaures…). Il a récemment acquis un très beau spécimen de Juravenator (dinosaure théropode). Le Musée est par ailleurs aménagé dans le château Willibaldsburg, siège des princes-évêques d’Eichstätt.

Urweltmuseum Hauff, Holzmaden (Allemagne)

Des fossiles du Toarcien d’Holzmaden sont visibles sur place dans le célèbre musée Hauff. Dans ce musée familial et historique, il est possible d’admirer parmi les plus beaux fossiles extraits des schistes bitumineux d’Holzmaden : crocodiles, ichtyosaures avec parties molles préservées, plésiosaures, ptérosaures, poissons, crustacés, crinoïdes, ammonites… etc. Le gigantisme de certaines pièces paléontologiques est impressionnant : ichtyosaure de près de 8 m de longueur, concentration de crinoïdes fixés sur un bois flotté de 18 m de longueur. Le musée Hauff est incontournable dans la région d’Holzmaden : en plus des collections exposées, il est également possible de rechercher quelques fossiles dans les proches carrières, en respectant le patrimoine géologique bien entendu.

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