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Chrystia Freeland, vice-première ministre et ministre des Finances du Canada, entourée de ses homologues des provinces, dont Éric Girard, à droite, lors d'une rencontre à Toronto, le 3 février 2023. Elle est parmi les seules femmes ministre des Finances dans le monde. La Presse canadienne/Nathan Denette

De nombreux obstacles freinent encore la participation des femmes en politique

Malgré les progrès réalisés en matière d’égalité des sexes, on est encore loin du compte en ce qui concerne la proportion de femmes dans la vie politique canadienne. Avec seulement le tiers des sièges à la Chambre des communes occupés par des femmes, le Parlement a encore un long chemin à parcourir pour refléter la diversité de la population qu’il représente.

Cet article fait partie d'une série d'entretiens en direct avec les meilleurs universitaires en sciences sociales et humaines au pays. Cliquez ici pour vous inscrire à In Conversation With Semra Sevi, le 15 mars à 13 heures (heure de l'Est). Il s'agit d'un événement virtuel organisé conjointement par The Conversation Canada/La Conversation Canada et le Conseil de recherches en sciences humaines.

Plusieurs facteurs contribuent aux disparités persistantes entre les hommes et les femmes en politique. Les recherches sur le sujet ont relevé de nombreux obstacles qui freinent la participation des femmes, dont trois qui ressortent comme les plus déterminants.

Trois obstacles à l’entrée des femmes en politique

Le premier concerne la présence de préjugés sexistes au sein de la population. Ainsi, pour diverses raisons, les électeurs pourraient préférer voter pour un candidat plutôt qu’une candidate.

Le deuxième est un manque d’intérêt des femmes à se porter candidates. Elles sont plus réticentes à prendre des risques lorsqu’il s’agit de campagnes et d’élections, ou elles peuvent avoir moins d’assurance et d’ambition politique que les hommes.

Le troisième tient au fait que même lorsque des femmes souhaitent se lancer en politique, les partis ont tendance à choisir des hommes plutôt que des femmes. Cela peut s’expliquer par le fait qu’on estime que les chances de victoire des hommes sont plus élevées. En d’autres termes, si les partis disposent des outils nécessaires pour diversifier les listes de candidats et remédier à la sous-représentation électorale, dans les faits, ils peuvent y faire obstacle.

Seuls 30 % des sièges de la Chambre des communes du Canada sont occupés par des femmes.

Vérifier les théories par des données

J’ai passé plusieurs années à rassembler des données et à mener des expériences pour analyser les théories qui expliquent la sous-représentation des femmes en politique.

J’ai constitué un ensemble de données longitudinales qui suit tous les candidats aux élections fédérales canadiennes depuis 1867. Il s’agit des premières données complètes et accessibles au public sur les résultats électoraux des candidats au Canada.

Ces données incluent tous ceux et celles qui se sont présentés aux élections fédérales et comprennent des renseignements sociodémographiques tels que le sexe, l’âge, le fait d’être un candidat sortant ou non, la profession, les origines autochtones, l’appartenance à la communauté LGBTQ2+, etc. J’ai également colligé des informations similaires pour les élections provinciales ontariennes.

J’ai utilisé ces données pour déterminer si les femmes obtenaient moins de voix que les hommes au fédéral et au provincial en Ontario.

Je constate que si les femmes obtenaient moins de voix avant, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les femmes qui se présentent ont autant de chances de gagner que leurs homologues masculins.

Cependant, si nous supposons que les électeurs ont un préjugé défavorable à l’égard des femmes, nous devons nous attendre à ce que cela reste le cas après l’élection. C’est pourquoi j’ai cherché à savoir si l’avantage des députés sortants était lié au sexe. Là encore, je n’ai trouvé aucune preuve suggérant que les électeurs ont un préjugé défavorable envers les femmes déjà élues.

La seule femme à avoir été première ministre du Canada, Kim Campbell, prend la parole dans le cadre l’événement Les héritières du suffrage organisé par À voix égales Canada à la Chambre des communes à Ottawa en 2017. Mme Campbell a occupé le poste de première ministre pendant environ quatre mois en 1993. La Presse canadienne/Sean Kilpatrick

Plus récemment, j’ai réexaminé avec mon directeur de thèse, André Blais, la deuxième explication, à savoir que les femmes sont plus réticentes à prendre des risques lors de campagnes et d’élections. Nous avons conçu une expérience de laboratoire en ligne au plus fort de la pandémie. Il s’agissait d’une expérience interactive avec trois élections : 1) une élection par tirage au sort sans campagne ; 2) une élection avec votes, mais sans campagne ; et 3) une élection avec votes et campagne.

Nous constatons que les femmes sont aussi enclines que les hommes à se présenter à ces trois types d’élections. Ainsi, les femmes ne semblent pas moins disposées à se présenter à des élections avec campagne.

Recrutement des partis

En résumé, ma recherche semble montrer que la sous-représentation des femmes en politique n’est pas attribuable à un manque de candidates qualifiées ou aux préjugés des électeurs à l’égard des candidates. Par élimination, mes travaux futurs examineront si l’écart entre les sexes persiste parce que les partis ont tendance à préférer les candidatures masculines aux candidatures féminines.

Les mémoires des hommes politiques semblent témoigner de cet état de fait.

Nous savons, sur une base anecdotique, que les femmes sont moins susceptibles d’être encouragées à se présenter aux élections que les hommes. Les mémoires rédigés par des hommes politiques au Canada révèlent une tendance constante. Ils montrent que les politiciens hommes, en plus d’être convaincus qu’ils sont nés pour diriger un jour et de souhaiter réaliser leur rêve, sont plus susceptibles d’être recrutés par de multiples sources pour se présenter à une élection.

Les femmes, quant à elles, sont plus nombreuses à déclarer être allées en politique en raison d’une préoccupation politique spécifique et, dans les cas où elles ont été recrutées, c’est par moins de sources et en moins d’occasions.

Pour débloquer le goulot d’étranglement qui empêche les femmes de faire de la politique, il faut examiner de plus près le processus de recrutement des partis. En repérant les obstacles auxquels les femmes sont confrontées, nous pourrons ouvrir la voie à un Parlement plus inclusif.

This article was originally published in English

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