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De nouvelles méthodes d’analyse pour assister la conservation et la restauration des œuvres d’art classiques ou contemporaines

Les objets d’Art et les vestiges archéologiques nous confient, en tant que témoin d’une époque, d’inestimables précisions historiques, sociétales, économiques et culturelles. Toutefois, leur étude précise par l’élucidation de la matière organique qui les constitue reste un véritable challenge analytique.

Ces échantillons, soumis à des stress physiques, chimiques et environnementaux voient alors leur matière organique constitutive, incluse dans des matrices complexes, se dégrader ou se dénaturer de manière irréversible.

La caractérisation de cette matière organique représente donc, en plus de son identification et de la confirmation de son origine biologique, une source inestimable d’information. Elle permet en premier lieu d’identifier les matières premières utilisées par l’artiste, d’élucider ses recettes et d’éventuellement comprendre ses techniques.

L’identification des structures chimiques de ces mêmes molécules permet d’en comprendre les interactions, l’évolution et les modifications. Il est ainsi possible d’étudier l’effet du vieillissement d’une œuvre, d’un traitement de restauration ou même d’une condition de conservation.

Comment les molécules organiques sont-elles analysées ?

Jusqu’à récemment, les composés organiques provenant d’échantillons du patrimoine culturel étaient étudiés par l’analyse de leurs composés constitutifs comme les acides aminés, les acides gras ou les monosaccharides, ces approches menant à des réponses structurales partielles doublées de pertes importantes d’informations.

« Holy Ghost Altarpiece », église St Michael de Mondsee en Autriche. Caroline Tokarski, Author provided

Au début des années 2000, tirant profit des formidables progrès réalisés dans l’instrumentation en spectrométrie de masse et bénéficiant des initiatives globales de séquençage génomique, nous avons proposé de nouvelles méthodes analytiques permettant pour la première fois d’identifier précisément les protéines et certains types de lipides (triglycérides) à partir de quelques microgrammes d’échantillons du patrimoine culturel (peintures historiques et d’échantillons archéologiques).

Basées sur un séquençage peptidique ou sur l’identification structurale des triglycérides, ces études nous ont permis pour la première fois d’identifier les protéines et les lipides présents, leurs modifications chimiques, et plus pertinemment leurs espèces biologiques d’origine.

À titre d’exemple, ces techniques ont permis d’identifier une colle de poissons liée au célèbre effet étincelant de la polychromie « The Holy Ghost Altarpiece » (XVIIe siècle, Mondsee) ; celle-ci est très minoritaire dans la composition de l’œuvre et localisée précisément entre la feuille métallique constitutive de la polychromie et la laque, les composés protéiques majoritaires localisés dans d’autres couches de la polychromie ont été identifiés comme de la colle d’origine bovine.

« Goat » de Arthur Dove. Tableau exposé au Metropolitan Museum of Art de New York.

Plus récemment, nous avons proposé une méthodologie permettant l’identification précise des matériaux polysaccharidiques naturels d’échantillons anciens. La complexité de ces biopolymères a été résolue par l’identification de leurs empreintes saccharidiques constitutives, obtenues par hydrolyse enzymatique spécifique ménagée.

Ainsi cette caractérisation structurale a, par exemple, permis d’identifier la gomme arabique dans la composition de deux aquarelles exposées au Metropolitan Museum of Art de New York, Boat Houses et Goat d’Arthur Dove.

Ces techniques sont actuellement utilisées dans les musées internationaux les plus prestigieux tels que le Metropolitan Museum of Art de New York ou les Harvard Art Museums de Cambridge, Massachusetts.

Quels sont les nouveaux challenges ?

Le challenge analytique auquel nous faisons face actuellement est lié à l’analyse de ces mêmes macromolécules natives par spectrométrie de masse de haute résolution.

Les objectifs sont par exemple d’élucider leurs réticulations (réseaux tridimensionnels moléculaires) ou d’identifier leurs produits de dégradation/fragmentation pour une meilleure compréhension de leurs structures in situ et de leurs dégradations moléculaires.

Ces informations sont de première importance pour proposer des solutions de restauration et de conservation des œuvres toujours plus adaptées et sont le sujet de projets européens que nous portons actuellement en tant que responsable (H2020 JPI-JHEP « LeadART » (2014-2018)) comme en partenariat (H2020 Marie Skłodowska Curie European Training Network « Tempera » (2017-2021)).

Ces nouvelles techniques sont actuellement appliquées à l’étude d’échantillons rares et exceptionnels tels que La Cène de Leonardo da Vinci dans le cadre du projet « LeadART ».


L’auteure de cet article sera présente au Forum du CNRS 2017 dont The Conversation France est partenaire. Elle interviendra le samedi 25 novembre 2017 à 11h30 à la Cité internationale universitaire de Paris.

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