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Défense nationale : 3 % du PIB, un impératif pour sortir de la zone critique

Equipements français, au Mali (en mars 2016). Pascal Guyot / AFP

« Si vis pacem, para bellum »
(Si tu veux la paix, prépare la guerre »)

La 14e édition de l’Université d’été de la Défense s’est achevée après deux journées de communications le 5 septembre 2016 à l’École polytechnique et le 6 septembre à l’École militaire [1]. Le Chef d’état-major des armées (CEMA) a rappelé la nécessité d’atteindre les 2 % du PIB national (hors pension) en matière de budget de Défense. Notons que ce niveau de 2 % du PIB de chaque État européen consacré à la Défense constitue pour l’OTAN un objectif minimal souhaitable, mais de fait peu respecté par les membres de l’Alliance en 2016.

Compte tenu de l’engagement des forces françaises sur plusieurs théâtres d’opérations extérieures et intérieures, ce seuil critique fait aujourd’hui l’objet d’un quasi-consensus et devrait être atteint avant 2025 dans les futurs budgets. Rappelons qu’avec un montant total de 31,4 milliards d’euros (hors pensions) en 2013, les dépenses militaires représentaient alors 1,52 % du PIB et que le budget 2015 nous a fait passer du 5e au 7e rang mondial.

1. Trente années de baisse du budget Défense nous font entrer en zone critique

Si l’on observe l’évolution de la dépense militaire française (pension comprise) depuis vingt-cinq ans, on constate une baisse régulière en totale contradiction avec l’augmentation du niveau d’engagement de l’armée française et avec la modernisation et l’évolution technologique des armées au niveau mondial. Depuis une décennie, le monde militaire n’a eu de cesse de sonner l’alarme, en déplorant des baisses de budget qui ont méthodiquement fragilisé notre appareil de défense. La zone critique est désormais atteinte et nous devons en sortir.

Évolution de la dépense militaire (pensions comprises) DR, Author provided

L’heure n’est plus à rechercher les responsabilités des différents gouvernements qui ont « taillé dans le gras puis dans l’os » du budget de l’armée française depuis la fin des années 1980. Disons seulement que la courbe témoigne de réelles capacités d’anticipation et d’évaluation de la menace dans un contexte globalisé… Un observateur extérieur découvrant cette courbe décroissante serait amené à penser que le monde dans lequel nous vivons s’est pacifié et que l’équilibre de la paix ne nécessite plus de dépenses inutiles depuis la chute du mur de Berlin (1989).

Une hausse généralisée des budgets dans le monde… sauf en Europe

Ce même observateur serait surpris en découvrant l’évolution des budgets Défense de la Russie, de la Chine et des États-Unis durant la même période ! L’année 2015 a été marquée par une augmentation généralisée des dépenses militaires dans le monde avec près de 1700 milliards investis dans le secteur de l’armement.

Les États-Unis, à eux seuls, ont consacré plus de 596 milliards à leur budget militaire en 2015 – ce qui les place très en avant dans la position de leader mondial même si l’on note une légère baisse de 4 % sur la période 2006-2015. La Chine, quant à elle, s’est engagée dans un rééquilibrage stratégique face au géant américain avec un budget défense dépassant les 215 milliards de dollars en 2015. Si cet effort intensif ne représente que le tiers du budget américain, il concrétise toutefois une hausse massive de 132 % du budget militaire chinois sur la période 2006-2015.

Défilé de l’armée chinoise (ici en 2011). Bailey Cheng/Flickr, CC BY-NC-ND

La Russie avec 66,4 milliards de dollars vient d’être dépassée par l’Arabie saoudite qui opte pour une fuite en avant de 87,2 milliards consacrés à sa défense ! L’augmentation du budget de Défense russe atteint 91 % pour la période 2006-2015. L’Asie a, elle aussi, vu ses dépenses militaires augmenter considérablement en raison des tensions croissantes entre la Chine, les deux Corées et le Japon.

Globalement, l’Europe a choisi depuis deux décennies de réduire ses dépenses militaires, mais le contexte géopolitique actuel devrait provoquer l’inversion de cette tendance qui confère désormais à une forme d’insouciance stratégique.

2. Dix raisons objectives pour consacrer 3 % du PIB au budget Défense dès 2017

La France doit procéder à un rééquilibrage stratégique de son budget défense afin d’atteindre le seuil des 3 % de son PIB (hors pensions) dès 2017. Voici dix raisons objectives qui justifient cet effort :

  1. L’augmentation mondiale généralisée, on l’a vu, des budgets consacrés à la Défense, notamment ceux de la Chine, de la Russie et des États-Unis.

  2. L’absence d’une Europe de la Défense, la déliquescence du liant européen (Brexit) et la pression croissante aux frontières qui fragilisent la cohésion de l’Union.

  3. L’augmentation de la menace terroriste extérieure-intérieure et la hausse induite du risque de fracturation de la cohésion nationale.

  4. L’augmentation des tensions en mer de Chine opposant le Japon et ses alliés, les deux Corées et la Chine sur fond de revendications territoriales.

  5. Les potentielles turbulences à moyen terme liées au changement climatique et aux mouvements de populations constituées de réfugiés climatiques (élévation du niveau des océans, sécheresses, ouragans).

  6. L’augmentation probable du risque de conflits liés à de futures pénuries de ressources peu ou pas renouvelables (eau, énergie fossile, métaux stratégiques, terres rares…).

  7. La hausse d’un nationalisme russe qui créé de l’instabilité dans son voisinage (Ukraine et ex républiques soviétiques).

  8. Le maintien d’une dissuasion nucléaire française crédible et opérationnelle face à la prolifération et la dissémination de l’arme atomique (Inde, Pakistan, Iran, Corée du Nord…).

  9. La modernisation des armées : la robotisation des systèmes d’armes nécessitant de gros efforts de recherche et de développement et l’émergence des systèmes armés autonomes s’appuyant sur les progrès de l’intelligence artificielle.

  10. Les effets de la convergence NBIC (nanotechnologies, biotechnologies, informatique, sciences cognitives) qui vont modifier la texture des conflits et les doctrines des armées modernes. La projection des conflits sur l’espace numérique transforme l’art de la guerre.

L’effort budgétaire permettant d’atteindre le seuil des 3 % du PIB pourrait résulter d’une consultation référendaire des citoyens dès l’installation du futur président de la République. Il s’agit en effet d’un arbitrage stratégique qui ne peut s’appuyer que sur le consensus national.

Le corps électoral doit exiger des différents candidats à l’élection présidentielle une position claire sur la part du PIB qu’ils souhaitent consacrer à la Défense nationale. Un tel débat ne peut échapper à la société civile qui doit veiller à ce que les promesses de campagne et les engagements soient tenus. Notre sécurité nationale en dépend.

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