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Entreprise libérée : les nouveaux rôles des managers

Dans une entreprise libérée, les managers aident les collaborateurs à mieux cerner leurs responsabilités. Fizkes / Shutterstock

Si l’on s’en réfère à « Liberation Management », l’ouvrage fondateur du consultant américain Tom Peters en 1993, la libération de l’entreprise se fonderait sur l’effacement des lignes hiérarchiques, l’élaboration des tâches en micro-centres de responsabilités et sur la décentralisation de la prise de décision.

Dans bon nombre d’entreprises en cours de libération, les managers endossent ainsi de nouveaux rôles, et notamment celui de « coach ». Cette redéfinition de rôles est tout aussi valable dans des grands groupes comme dans les PME. Il ne s’agit en aucun cas d’intervenir auprès des équipes comme un « coach professionnel », mais plutôt d’adopter des postures telles que l’écoute active, ou le non-jugement, dans le but d’accompagner les individus vers l’autonomisation en rompant avec toute relation de dépendance.

Un garant du respect des règles

C’est dans cette perspective que la chaîne de distribution Leroy Merlin a, par exemple, posé sa vision managériale sous la bannière « tous leader ». Le déploiement de cette vision du leadership est piloté via des équipes projet, la conduite d’ateliers d’appropriation et l’alimentation de la plate-forme de formation en ligne.

Éditions Eyrolles

Comme l’évoque le professeur en ressources humaines Jean‑Marie Peretti, cette vision consiste à considérer que chaque collaborateur est un authentique leader. Ces rôles de coach et/ou leader permettent ainsi aux collaborateurs de cerner plus clairement le périmètre de leurs responsabilités. Quant au dirigeant, leader de la libération, il endosse celui de garant du respect des règles établies mais aussi de leurs évolutions.

Chez le distributeur d’articles de sport Decathlon, les rôles de leader, de coach et de référent viennent se substituer aux fonctions de la traditionnelle pyramide hiérarchique. La réduction de la ligne hiérarchique pourrait voir émerger de nouvelles fonctions de leader sur des périmètres d’agglomération en interaction avec un leader pays.

Rôles chez Decathlon (2017).

Manager de la libération

Au sein du groupe automobile Volkswagen France, une simplification des processus s’est formalisée autour de la nomination d’un « responsable de la simplification », comme le montre une étude que nous avons menée. Ce responsable, directement rattaché à la présidence, a pour objectif de libérer la parole au sein du réseau national pour identifier les processus trop complexes ou incohérents.

La nomination d’un manager de cette libération s’est accompagnée d’un processus formalisé et communiqué à tous. Cette transparence de la libération conduit à des résultats significatifs en termes de gain de temps de travail et de satisfaction générale des salariés.

Volkswagen France s’appuie sur un « responsable de la simplification ». Sergey Kohl/Shutterstock

Dans sa thèse de MBA (en cours), Philippe Grialou souligne l’importance de la nomination d’un tel coordinateur de la libération, avec un rôle transverse, en charge d’homogénéiser l’ensemble du processus. Le psychopédagogue Denis Bismuth rappelle de son côté dans la Harvard Business Review qu’il reste nécessaire de nommer un responsable, malgré le fait que les acteurs deviennent légitimes pour décider.

Survivre aux changements de leadership

Toutefois, le processus de libération ne peut être durablement porté que par un leader visionnaire sous peine de s’effondrer dès son départ de l’entreprise. L’intégration des managers et le déploiement de méthodes managériales s’avèrent donc capitaux, d’autant plus lorsque l’entreprise est grande et dispersée géographiquement. Dans sa thèse,

Hélène Picard, chercheure à Grenoble école de management, a d’ailleurs identifié des situations très contrastées en fonction des sites d’une même entreprise.

L’avenir d’une méthode managériale qui doit se stabiliser dans le temps pour permettre la libération de l’entreprise, notamment pour survivre aux changements de leadership, repose en conséquence en grande partie sur les managers. Certes, la mise en lumière de cas spectaculaires de suppression de la ligne hiérarchique reste préférable pour qui veut faire le buzz, mais ce type de communication ne représente en aucun cas la réalité de centaines d’entreprises qui s’engagent sur la voie de la libération avant tout grâce à leurs managers.

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