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Et si Joe Biden jetait l’éponge ?

De nombreux autocollants comme celui-ci, ridiculisant Joe Biden, 81 ans, pour ses moments de confusion ont été collés sur des panneaux de signalisation à Washington (photo prise le 20 mai dernier). Phil Pasquini/Shutterstock

Cet article est une version mise à jour d’un article initialement publié avant le débat présidentiel du 26 juin.

Après le débat télévisé Biden-Trump du 26 juin, la question est sur toutes les lèvres : « Est-il trop tard pour que Biden abandonne la course à la présidentielle ? » Techniquement, non. Le président sortant pourrait encore tout à fait, pour n’importe quelle raison, déclarer que, finalement, il ne briguera pas un second mandat.

Dans ce cas de figure, la personnalité qui lui succéderait serait désignée lors de la convention du Parti démocrate prévue du 19 au 22 août à Chicago. À moins que le parti ne modifie les règles actuellement en vigueur, les délégués qui, à l’issue des primaires démocrates, se sont engagés en faveur de Joe Biden, participeraient à la convention « sans engagement », et pourraient alors soutenir le candidat ou la candidate de leur choix.

Un débat qui change tout ?

Jusqu’à tout récemment encore, il semblait improbable que Biden retire sa candidature ; mais sa piètre performance lors du débat télévisé semble avoir changé la donne.

De nombreux Démocrates se montrent aujourd’hui plus inquiets que jamais et certains demandent ouvertement au président de se désister. « Biden doit faire preuve de patriotisme et se retirer. Nous avons besoin d’une convention ouverte, qui susciterait un enthousiasme sans précédent au sein du peuple américain », a déclaré un militant bien introduit dans les arcanes du parti au Financial Times.

L’ancien directeur de campagne de Barack Obama, David Plouffe, a estimé dans le même journal que le parti se trouvait à un « moment DEFCON 1 », cette formule correspondant à la mise en alerte maximale de la défense américaine en cas de guerre imminente.

Jusqu’à présent, Biden a toujours dit que « puisque [Trump] se présente, je dois me présenter ». Il a longtemps affiché sa certitude de disposer d’un avantage significatif sur l’adversaire qu’il avait vaincu en 2020. Mais cela n’est plus aussi certain, loin de là.

Les racines ouvrières de Biden, sa popularité auprès des électeurs modérés et sa capacité à se présenter comme étant le Démocrate le plus susceptible d’être élu lui avaient permis de l’emporter en 2020. Cette année-là, la confiance que lui avaient accordée les Démocrates s’était révélée payante. Biden avait fait basculer plusieurs États clés, notamment le Michigan, le Wisconsin, l’Arizona et la Pennsylvanie, qui avaient tous opté pour Trump au détriment d’Hillary Clinton en 2016.

Cependant, 2024 s’annonce comme une élection différente. Outre le fait qu’il s’agira dans une vaste mesure d’un référendum sur Trump, l’âge du président actuel et ses hésitations devant les caméras seront beaucoup plus retenus contre lui qu’il y a quatre ans.

Pas de successeur évident

Toutefois, le maintien de Biden pourrait éviter au parti une lutte brutale pour la nomination de celui ou celle qui reprendrait le flambeau. En effet, aujourd’hui, aucune personnalité ne se détache pour prendre sa succession en cas de désistement.

Il y a quatre ans, nombreux étaient ceux qui voyaient en l’actuelle vice-présidente, Kamala Harris, l’héritière naturelle de Joe Biden. Ils sont bien plus rares aujourd’hui. Si les intentions de vote en faveur de Biden sont décevantes, celles en faveur de Harris sont tout bonnement catastrophiques. Son taux d’approbation, qui s’élève à 39 %, est le plus bas de tous ceux enregistrés lors d’un premier mandat de vice-président depuis Dan Quayle au début des années 1990.

D’autres personnalités bien connues qui s’étaient présentées aux primaires de 2020 – comme l’actuel secrétaire aux Transports Pete Buttigieg ou la sénatrice du Minnesota Amy Klobuchar – pourraient remplacer Biden. Mais ce n’est pas un hasard s’ils avaient perdu face à lui en 2020. Personne n’a été capable d’unir les modérés et les progressistes démocrates, et encore moins de convaincre les Républicains et les électeurs oscillant entre les deux camps.

Débat des primaires démocrates en février 2020. De gauche à droite : Mike Bloomberg, Elizabeth Warren, Bernie Sanders, Joe Biden, Pete Buttigieg et Amy Klobuchar. Les quatre premiers ont aujourd’hui tous plus de 75 ans. Joseph Sohm/Shutterstock

Certains observateurs pensent que le gouverneur de Californie Gavin Newsom est déjà en train de mener une « campagne fantôme » pour la Maison Blanche, et le nom de la gouverneure du Michigan Gretchen Whitmer a également été cité parmi les remplaçants potentiels de Biden. Toutefois, pour la plupart des spécialistes, Newsom est « trop hollywoodien », et Whitmer souffre de ne jamais encore avoir été testée sur la scène nationale.

La Représentante de New York Alexandria Ocasio-Cortez, elle aussi, a été évoquée pour succéder à Biden dans la course à la présidence. Mais elle incarne une gauche dure et populiste, et à l’inverse du sénateur du Vermont Bernie Sanders, proche de ses positions politiques, elle constitue un repoussoir pour une majorité d’électeurs modérés. Sa nomination garantirait presque certainement une victoire de Trump.

Plusieurs experts ont également envisagé la possibilité qu’un « sauveur » soit parachuté à la convention démocrate, comme l’ancienne première dame Michelle Obama voire la légendaire présentatrice de télévision Oprah Winfrey. Mais ces hypothèses ressemblent plus à des fantasmes libéraux qu’à des perspectives crédibles.

Et maintenant ?

Biden a eu de nombreuses occasions de se retirer avec élégance. Il aurait pu déclarer qu’il avait accompli tout ce qu’il avait prévu d’accomplir et qu’il souhaitait désormais que la génération montante prenne sa suite. Aujourd’hui, compte tenu de sa piètre performance lors du premier débat télévisé certaines personnalités du parti semblent estimer qu’il est encore temps pour cela, et vont chercher à le convaincre de s’effacer.

Il est compréhensible que de nombreux Démocrates veuillent profiter de leur dernière chance de choisir un autre candidat, plus jeune. Mais même dans un tel cas de figure, il n’y a aucune garantie que les prochaines élections ne se soldent pas par un retour de Trump – ce qui annoncerait, au mieux, un mandat profondément imprévisible marqué par de sérieuses mises à l’épreuve des normes et des institutions démocratiques américaines et, au pire, un « mandat de vengeance » placé sous le signe des slogans brutaux et effrayants clamés le 6 janvier 2021 lors de l’attaque contre le Capitole.

This article was originally published in English

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