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Face à la montée des fondamentalismes : pour une plus grande association entre l’État et la société civile

Latifa ibn Ziaren, la mère de l'une des victimes de Mohamed Merah: l'une des figures de la société civile les plus connues dans la lutte contre la radicalisation en France. Pascal Pavani/AFP

Troisième et dernier volet de notre série sur les nouvelles voies possibles pour lutter contre le fondamentalisme et la radicalisation des jeunes avant le colloque de ce mercredi 15 mars au Collège des Bernardins, à Paris.


À bien des égards, le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) dirigé par Muriel Domenach a fait un travail important et utile en s’appuyant sur les grands réseaux associatifs de la prévention spécialisée, des maisons d’adolescents, des écoles de parents, etc. Le CIPDR, qui a doublé le budget (en 2017, 122 millions d’euros) du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et qui a multiplié par trois ses effectifs, s’appuie sur des spécialistes compétents du désembrigadement tel que le sociologue Gérald Bronner.

Dans la nouvelle stratégie de prévention de la délinquance qu’il prépare pour 2017-2023, le CIPDR gagnerait à s’appuyer également sur les réseaux des cultes et sur les aumôneries qui ont le grand avantage d’être reconnues par la loi de 1905 et d’être présentes dans toute la France.

Pour une laïcité de reconnaissance

Il apparaît donc comme nécessaire, en premier lieu, de favoriser en France, comme c’est déjà le cas au moins sur le plan juridique, au niveau européen, une laïcité de reconnaissance qui ne cantonne pas le religieux à la sphère privée (chose impossible, en réalité) sans pour autant remettre en question la nécessaire et bien comprise neutralité de l’État (indépendance et impartialité, selon Georges Vedel). Ceci est possible dès lors que les religions et les courants convictionnels recherchent activement à mettre en œuvre les principes républicains. L’ensemble des forces actives de la société pourront ainsi être mobilisées en amont par l’État pour participer à la conception mais aussi pour relayer les campagnes de prévention contre les phénomènes d’embrigadements sectaires et djihadistes. C’est ce que recommandent Asiel El Difraoui et Milena Uhlmann, deux spécialistes de la prévention de la radicalisation en Europe.

Elles pourront également être appelées à collaborer au travail de désengagement et de repentir de la part des anciens djihadistes. Il est nécessaire de soutenir toutes les personnes comme Latifa Ibn Ziaten et toutes les associations – comme celle de Hanane Charrihi et Elena Brunet, auteures de Ma mère patrie) –, qui luttent en amont contre la radicalisation et qui cherchent à accueillir les djihadistes repentis souhaitant se réinsérer dans la société.

L’outil développé par Pierre Winicki, les arbres de la confiance, visant à mesurer les niveaux de confiance, ou de défiance de soi, des adolescents, afin de mieux pouvoir aider les jeunes, mérite également d’être reconnu et utilisé par les pouvoirs publics.

Formation à la culture éthique et religieuse

Dans le monde scolaire, on veillera non seulement à renforcer les « fondamentaux » de la culture commune mais aussi à favoriser tout ce qui contribue à l’apprentissage personnalisé, à la formation à la culture éthique et religieuse, selon les recommandations du Conseil de l’Europe, et aux formations transdisciplinaires, comme le préconisent Claude Berruer et Basarab Nicolescu.

Il faut se féliciter du projet de l’enseignement catholique sur l’éthique républicaine lancé en 2015, avec le soutien du ministère de l’Éducation nationale, autour de 5 grands chantiers – laïcité et religions ; accueil des diversités et exclusions ; articulation et mobilisation des savoirs ; éducation relationnelle et coopération ; soutien à la parole des éducateurs – afin de répondre aux questions existentielles des jeunes et aux besoins criants de formation des enseignants et personnels de vie scolaire mais aussi des parents d’élèves.

Ce projet a pu être mis en œuvre grâce à la mobilisation exceptionnelle de Formiris, structure en charge de la formation continue au sein de l’enseignement catholique. Il conviendra également de soutenir des initiatives de formation à la culture éthique et religieuse telles que Agapan, au Collège des Bernardins (à destination des enseignants et personnels de vie scolaire en France et en Outre-Mer grâce à Internet) ayant reçu le soutien des responsables de culte et de l’Observatoire national de la Laïcité. Le programme de recherche de l’université catholique de Lyon sur les fondamentalismes religieux, et la formation Emuna, à l’IEP de Paris, (à destination des responsables de culte et des aumôniers de prison) sont également exemplaires.

On veillera enfin à promouvoir une culture du respect en général (cf. la Charte pour une parole publique crédible de Olivier Abel et Séverine Daudé) et plus particulièrement sur Internet, une interdiction des sites faisant la promotion de la violence ou propageant sciemment des thèses complotistes.

Toutes les initiatives telles que le label Respect zone ou les projets visant, à partir d’une charte éthique, à informer sur les sites de propagande ou de désinformation sont les bienvenues.

Dans tous les cas, il est nécessaire de développer la recherche appliquée sur les contre-discours à la propagande des organisations terroristes et on formera tous les personnels d’encadrement à lutter contre la désinformation.

On recommande enfin au CIPDR de soutenir toutes les initiatives associatives et de médiation faisant la promotion du dialogue interreligieux et de la fraternité : Communauté de Sant Egidio, la Fête des voisins le Mouvement pour la Fraternité.

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