Menu Close
Savoir reconnaître les signaux faibles permet de détecter la radicalisation et de la prévenir. Shutterstock

Face à la radicalisation, l’entreprise a une responsabilité sociale

Cet article a été co-écrit avec Herman Deparice Okomba, Directeur du Centre de Prévention de la Radicalisation Menant à la Violence


À l’instar d’autres comportements sociaux problématiques comme le harcèlement ou la discrimination, la radicalisation menant à la violence ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise. Plusieurs exemples de l’actualité récente sont venus rappeler que la radicalisation et l’extrémisme violent peuvent se développer dans des milieux variés, tels que la famille, l’école, les milieux associatifs ou encore communautaires. Le secteur privé non plus n’est pas immunisé face à un phénomène qui traverse l’ensemble de la société.

L’entreprise, un pilier de la lutte contre la radicalisation

Le plan national de prévention « Prévenir pour protéger », présenté par le premier ministre le 23 février dernier, a pour objectif de développer « une approche plus large de la radicalisation » afin de « prémunir les esprits » contre elle. Les 60 mesures proposées balayent non seulement les services publics, l’école, l’Université ou le sport, mais aussi l’entreprise, faisant de cette dernière un acteur essentiel du dispositif national de prévention face aux phénomènes de radicalisation et d’extrémisme violent. Le plan prévoit à cet effet quatre mesures afin d’aider entreprises et acteurs sociaux (organisations syndicales ou patronales par exemple) à mieux repérer et signaler les situations à risques :

Les mesures concernant l’entreprise du plan « Prévenir pour protéger » Plan national de prévention de la radicalisation

Il s’agit également de renforcer les synergies entre les différents acteurs, pouvoirs publics, entreprises et partenaires sociaux, pour compléter le maillage détection/prévention.

Aider les chefs d’entreprise à détecter les signaux faibles

Les dispositions du plan national de prévention de la radicalisation répondent au besoin de sensibilisation accru des entreprises et des fédérations professionnelles à l’égard des phénomènes complexes de radicalisation menant à la violence. Trop souvent, en effet, les chefs d’entreprise demeurent démunis face à de telles situations. Ils ne savent pas forcément comment détecter les signaux faibles, comment les qualifier ou comment les signaler. Parmi les orientations proposées, il apparaît essentiel d’insister sur la formation et le développement des mécanismes internes au sein des entreprises. Par la formation de ses collaborateurs, l’entreprise pourra adopter une posture de prévention. Par le développement de mécanismes internes, elle se préparera à mieux gérer les situations de radicalisation potentielles ou les tensions qui peuvent émaner des croyances ou pratiques de ses salariés. En ce sens, les entreprises ont plus que jamais besoin d’être accompagnées mais surtout de se saisir de manière proactive, voire innovante, du sujet de la radicalisation.

Lutte contre la radicalisation : un triple enjeu pour l’entreprise

La prise de conscience de la nécessité de lutter contre ce problème au sein de l’entreprise est lente. Pourtant, les phénomènes de radicalisation menant à la violence, quelles que soient leur nature et leurs origines, ont des conséquences directes pour les entreprises, qui peuvent en être la cible ou devoir y faire face. Dans ce contexte, l’enjeu pour est triple. Il est tout d’abord sécuritaire, dans la mesure où une menace extrémiste évolutive et mouvante peut avoir un impact sur certains secteurs stratégiques (transports, énergie, etc.) ou avoir des conséquences sur l’activité économique des entreprises.

Second enjeu : la radicalisation menant à la violence influence aussi la gestion interne et de ressources humaines. Cet aspect se confond parfois avec la question du vivre-ensemble sur le lieu de travail, de la convergence entre croyances individuelles, du respect du cadre organisationnel… Ce qui peut entrer en tension avec des opinions ou des pratiques religieuses ou politiques au sein d’une organisation. Dans ce contexte sensible, il est essentiel de pouvoir mieux s’outiller afin de répondre aux enjeux de gestion organisationnelle qui peuvent surgir dans les milieux privés.

Enfin, la radicalisation menant à la violence pose un enjeu de responsabilité sociale pour les entreprises. Parce qu’elle est le lieu de vie de millions de travailleurs au quotidien, l’entreprise possède une responsabilité vis-à-vis de la société, et a un rôle à jouer dans la prévention de ces phénomènes. Il lui faut s’assurer que ses collaborateurs ne représentent pas une menace pour la collectivité ou pour eux-mêmes (l’employeur y est d’ailleurs tenu par le code du travail). Cette responsabilité, l’entreprise ne peut pas s’en décharger sur l’État ou sur les acteurs de la société civile. D’autant moins qu’aujourd’hui, l’entreprise doit (re)prendre sa place dans la société, comme le signifient les débats en cours autour du futur projet de loi PACTE, qui vise à réformer l’entreprise.

En prenant sa part dans la lutte contre la radicalisation, l’entreprise s’implique dans ce nouvel enjeu sociétal, et montre ainsi qu’elle est une actrice citoyenne engagée.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,100 academics and researchers from 4,941 institutions.

Register now