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Fausses couches à répétition : le point sur les causes et la prise en charge

Photo d’une jeune femme à l’air mélancolique assise au bord d’un lit
Les femmes subissant des fausses couches à répétition ont longtemps dû faire face à l’errance médicale. Shutterstock / fizkes

On estime qu’environ 10 à 15 % des grossesses se terminent prématurément par une fausse couche, ce qui signifie qu’une femme sur dix fera face à un arrêt spontané de grossesse au cours de sa vie.

De manière plus préoccupante, certaines femmes sont confrontées à des fausses couches récurrentes.

Cette problématique affecte au moins 2 à 3 % des couples cherchant à concevoir un enfant et est reconnue comme un enjeu majeur de santé publique à l’échelle mondiale. Les fausses couches répétées ont en effet des conséquences sur la santé physique et mentale, justifiant la nécessité d’un bilan et d’une prise en charge coordonnée impliquant différentes spécialités médicales.

Que sait-on des facteurs de risques associés aux fausses couches récurrentes ? Comment améliorer leur prise en charge ? Le point sur l’état des connaissances.

Les premières semaines de la vie

La naissance d’un nouvel être humain vivant est l’aboutissement d’un processus de reproduction complexe. Il débute par la fécondation, autrement dit la fusion de l’ovocyte et du spermatozoïde, qui produit un « zygote » (ou « œuf fécondé »). Cette cellule unique se divise ensuite en deux cellules, lesquelles se diviseront à leur tour, tout comme leur descendance, donnant naissance à un embryon.

Une semaine après la fécondation, cet embryon, composé d’environ 200 cellules (stade blastocyste), migre depuis les trompes de Fallope vers l’utérus pour s’y implanter. La condition essentielle à la réussite de cette implantation réside dans la préparation adéquate de l’endomètre, la muqueuse tapissant la paroi intérieure de l’utérus où se déroule la grossesse, afin de permettre la nidation de l’embryon. Cette préparation est minutieusement orchestrée par des fluctuations hormonales.

Si ces conditions optimales sont réunies, l’embryon s’implante puis sécrète des molécules qui stimulent la croissance de vaisseaux sanguins dans l’endomètre, initiant la formation du placenta à partir de ses propres tissus et des tissus maternels. La mise en place du placenta se poursuit jusqu’au début du deuxième trimestre de la grossesse.

Cet organe joue un rôle essentiel en assurant la nutrition, l’oxygénation et l’élimination des déchets métaboliques du fœtus et en sécrétant des hormones nécessaires au maintien de la grossesse. Les cellules immunitaires présentes dans l’endomètre utérin, à l’interface entre les tissus maternels et ceux du fœtus, participent également à l’implantation, au remodelage des artères utérines, à la tolérance maternelle vis-à-vis du fœtus ainsi qu’à la défense contre les infections.

L’implantation et la placentation sont donc déterminées par un ensemble complexe de facteurs génétiques, anatomiques, hormonaux, hématologiques et immunologiques. Des perturbations de ces éléments peuvent altérer le bon déroulement de la grossesse et être à l’origine d’une fausse couche.

Qu’appelle-t-on « fausse couche » ?

La fausse couche est définie comme l’arrêt spontanée d’une grossesse intra-utérine avant que le fœtus ne soit considéré comme viable. Du fait des progrès médicaux, cette limite est fixée avant 20 à 24 semaines de grossesse selon les pays. En France, le seuil pouvant être considéré est celui de 20 semaines de grossesse, ce qui équivaut à 22 semaines d’aménorrhée (absence de règles).

Il peut s’agir d’un arrêt survenant lors d’une grossesse cliniquement connue (suite à la réalisation d’un test urinaire ou sanguin confirmé ensuite par une échographie), ou lors d’une grossesse dite « biochimique », autrement dit ayant été révélée uniquement par un test positif, sans échographie réalisée (dans le cas où la grossesse s’est arrêtée précocement après l’implantation).

En revanche, on ne parle pas de fausse couche dans le cas de grossesses extra-utérines (aussi appelées grossesses ectopiques) ou de grossesses môlaires (terme décrivant la croissance anormale des cellules issues d’un ovule fécondé, qui ne se développe pas normalement en un fœtus). Enfin, le terme de fausse couche est à différencier de l’échec d’implantation après le transfert d’un embryon obtenu par fécondation in vitro.

La fausse couche isolée est une complication fréquente se produisant dans environ 10 à 15 % des grossesses cliniques, la majorité d’entre elles ayant lieu au cours du premier trimestre. D’un point de vue médical, ces fausses couches uniques restent des événements bénins, qui ne nécessitent pas d’exploration complémentaire.

Il en va tout autrement si cet événement se reproduit.

À quoi sont dues les fausses couches à répétition ?

On considère que les fausses couches récurrentes touchent environ 2 à 3 % des couples en essai de conception. Cependant, l’estimation précise de cette prévalence reste incertaine. En effet, la définition ne fait pas consensus, et peut différer selon les sociétés savantes internationales. Par ailleurs, les fausses couches de grossesses non visualisées ne sont pas toujours prises en compte.

Selon les recommandations récentes de l’European Society of Human Reproduction and Embryology (organisation européenne scientifique fondée en 1985, dédiée à la promotion de la recherche, de l’éducation et des soins dans le domaine de la reproduction humaine et de l’embryologie), le diagnostic de fausses couches spontanées à répétition – en anglais recurrent pregnancy loss – doit être retenu dès la survenue de deux ou plus fausses couches, qu’elles soient ou non consécutives. Cette définition englobe les grossesses biochimiques et s’applique même si une naissance vivante est survenue entre deux pertes de grossesse.

De multiples facteurs et causes ont été identifiés comme étant associés à un risque de survenue et de récurrence de fausses couches, avec des degrés de preuve scientifique variés.

Parmi ces facteurs, deux principaux sont connus pour augmenter le risque de fausses couches à répétition : le nombre de pertes de grossesses antérieures chez une femme et l’âge maternel avancé.

Une étude réalisée dans la population danoise a estimé que le risque de nouvelle perte de grossesse était d’environ 30 % après deux fausses couches et de plus de 40 % après trois ou plus fausses couches.

L’augmentation du risque de fausse couche avec l’âge maternel avancé est due en partie à la dégradation de la qualité des ovocytes, avec une accumulation progressive de mutations génétiques au fil du temps. Cela accroît le risque d’embryons présentant des anomalies du nombre de chromosomes, également appelées « aneuploïdies », les rendant souvent non viables.

Si les anomalies chromosomiques constituent l’une des principales causes de fausses couches répétées, on constate une diminution significative de la proportion d’embryons aneuploïdes avortés à mesure que le nombre de fausses couches antérieures augmente. Ils passent ainsi de 60 % chez les femmes ayant déjà subi deux ou trois fausses couches à 25 % chez celles ayant connu six fausses couches antérieures ou plus, suggérant que d’autres mécanismes sont imputables à ces pertes de grossesses répétées.

Les habitudes de vie peuvent exercer une influence négative sur la santé reproductive et accroître le risque de fausses couches, notamment la consommation de tabac et d’alcool, la prise en excès de caféine (au-delà de 300 mg par jour), ou encore le travail de nuit. De même, l’obésité maternelle est associée à un risque accru de perte de grossesse, en raison d’une altération de la réceptivité de l’endomètre ou d’une association avec d’autres pathologies notamment endocriniennes.

Le vieillissement et une mauvaise hygiène de vie (alimentation déséquilibrée, consommation excessive d’alcool, tabagisme, manque d’exercice…) chez le partenaire masculin peuvent également altérer la qualité du matériel génétique spermatique et augmenter le risque d’aneuploïdie chez l’embryon.

Les fausses couches répétées peuvent être aussi attribuées à une diversité de causes gynécologiques, notamment des malformations utérines, des adhérences dans la cavité utérine, une endométriose ou une endométrite chronique (infection de l’endomètre).

Des pathologies endocriniennes, telles qu’un diabète mal équilibré et des troubles thyroïdiens, mais également des troubles de la coagulation sanguine affectant la circulation nécessaire à l’implantation et au développement du placenta, ou des dysfonctionnements du système immunitaire altérant la tolérance envers l’embryon, peuvent également être impliqués dans ces pertes récurrentes.

Un problème majeur de santé publique

Les fausses couches à répétition représentent un enjeu majeur de santé publique à l’échelle mondiale.

D’un point de vue psychologique, ces pertes répétées ont un impact significatif sur le bien-être émotionnel et la stabilité du couple, avec un risque élevé de dépression et d’anxiété pour chacun des partenaires.

De plus, la récurrence de ces fausses couches peut être révélatrice de l’influence néfaste de facteurs comportementaux ou environnementaux sur la santé globale ou de pathologies non diagnostiquées.

La survenue de fausses couches répétées est ainsi associée à un risque accru de complications obstétricales en cas de grossesses évolutives ultérieures, notamment d’accouchement prématuré, et de complications à long terme chez les patientes, en particulier des problèmes cardiovasculaires.

La nécessité d’une prise en charge adaptée

Une part importante de la détresse vécue par les couples faisant face à des fausses couches répétées réside dans la confusion et l’errance de la prise en charge.

Souvent, le fait de n’avoir subi « que » deux ou trois fausses couches est minimisé et considéré comme une réalité « normale ». De plus, les centres proposant des consultations spécifiquement dédiées à l’évaluation des fausses couches à répétition sont encore rares.

Pourtant, dès la survenue de deux fausses couches antérieures, il est recommandé d’orienter le couple vers un gynécologue pour un bilan spécialisé. Cette évaluation débute par un interrogatoire approfondi, englobant le passé obstétrical complet, l’historique médical, les antécédents familiaux et les habitudes de vie des deux partenaires.

Le bilan prescrit comprendra au minimum une échographie pelvienne, si besoin complétée par une hystéroscopie, ainsi qu’une prise de sang pour évaluer la fonction thyroïdienne et rechercher la présence d’auto-anticorps spécifiques (« anticorps antiphospholipides ») qui peuvent entraîner des problèmes de coagulation. Selon la situation, d’autres investigations peuvent être envisagées, telles qu’une analyse chromosomique du couple ou une évaluation des paramètres spermatiques.

De plus, cette consultation offre la possibilité de conseiller si besoin le couple sur l’amélioration de son mode de vie, ainsi que de proposer un soutien psychologique. La collaboration avec d’autres spécialistes, tels qu’un endocrinologue, un interniste, ou un médecin spécialisé en médecine de la reproduction, peut être nécessaire pour garantir une approche complète et personnalisée.

Pas de diagnostic préimplantatoire en France

Le diagnostic préimplantatoire (DPI) est une technique de biologie de la reproduction qui permet d’analyser génétiquement les embryons obtenus par fécondation in vitro avant d’envisager leur transfert, afin de détecter d’éventuelles anomalies chromosomiques embryonnaires.

La DPI est pratiquée dans certains pays, tels que l’Espagne, pour les femmes souffrant de fausses couches répétées, ce qui permet la sélection d’embryons euploïdes. Cette approche semble particulièrement bénéfique pour les femmes d’un âge avancé.

Toutefois, en France, cette technique n’est pas légalement autorisée dans le contexte des fausses couches, en raison de considérations éthiques. Son utilisation demeure réservée à des situations médicales spécifiques, notamment pour prévenir la transmission de maladies génétiques graves et héréditaires.

Vers de nouvelles thérapies

Les chances d’avoir un bébé en bonne santé demeurent favorables pour les couples, mais on l’a vu, le succès d’une grossesse est influencé par des facteurs invariables tels que l’âge de la mère et le nombre de fausses couches antérieures.

Certains couples peuvent être confrontés à un nombre important de fausses couches alors que tous les examens actuellement recommandés montrent des résultats normaux. De plus, même en cas de détection d’une anomalie lors du bilan, le traitement de cette cause ne garantit pas toujours son efficacité, ce qui souligne la complexité et la multifactorialité des fausses couches.

La recherche s’intéresse cependant de plus en plus à cette problématique, afin de mieux en comprendre les mécanismes. De nouvelles pistes thérapeutiques émergent de ces travaux. C’est par exemple le cas des thérapies immunomodulatrices. Mises au point suite à l’identification de déséquilibres immunitaires locaux dans l’endomètre de patientes souffrant de fausses couches répétées inexpliquées, elles font actuellement l’objet d’études approfondies.

Au Japon, un essai thérapeutique a récemment démontré que des perfusions d’immunoglobulines administrées au début d’une nouvelle grossesse augmentait significativement le taux de naissances vivantes chez des femmes ayant connues au moins quatre pertes de grossesses inexpliquées, dont au moins une avec la preuve de la perte d’un embryon euploïde.

Des résultats porteurs d’espoir pour les couples faisant face à des fausses couches répétées inexpliquées…


Pour en savoir plus :

- Chaque année, le Congrès français international sur les grossesses arrêtées répétées est organisé en France. Ouvert à tous les professionnels de santé sur inscription, son objectif est de rappeler les recommandations récentes des sociétés savantes, de partager les résultats de publications récentes et de présenter les protocoles de recherche en cours.

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