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Images de science : sur les pavés, un triangle plein de trous

Un triangle plein de trous, dit triangle de Sierpiński, dessiné à la craie sur la place Carnot à Lyon.
Une œuvre éphémère pour illustrer le concept mathématique dit « triangle de Sierpiński ». Bertrand Paris-Romaskevich pour Mathématiques Vagabondes, CC BY-SA

Cette image représente un triangle « de Sierpiński », dessiné à la craie sur la place Carnot, à Lyon. Nous l’avons créé à douze, dont cinq enfants, en deux heures, dans le cadre du projet #StreetMath.

Le but de #StreetMath est de créer des œuvres artistiques et citoyennes d’inspiration mathématique. C’est un laboratoire d’exploration urbaine ouvert à tous et toutes. Nos œuvres sur les places de Lyon sont éphémères et disparaissent avec la pluie. Si vous vivez à Lyon ou pas loin, venez nous rejoindre !

Alors, que dessinions-nous ce jour-là ?

Une carte dont chaque point est un carrefour ?

Nous sommes raisonnablement déçu·e·s par un fromage plein de trous – il n’y a presque rien à manger ! Par contre, mathématiquement, un tel fromage peut s’avérer très attirant.

Un exemple d’un tel objet troué est le triangle de Sierpiński. Il porte le nom du mathématicien polonais Wacław Sierpiński qui a, en 1915, résolu grâce à ce triangle le problème suivant : trouver une carte des routes dont chaque point serait un carrefour. On sent tout de suite que cette carte doit être bien complexe…

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Voici comment construire un triangle de Sierpiński. Prenez un triangle équilatéral plein. Puis, dessinez un trou triangulaire, dont les sommets sont situés au milieu des arrêtes du triangle initial – cela lui enlève un quart de son aire. Continuez à enlever un triangle au milieu dans chaque triangle qui apparaît… jusqu’à l’infini ! La figure obtenue dans la limite n’a plus du tout d’aire, puisqu’à chaque étape de cet amaigrissement, l’aire totale est multipliée par 0,75 (les trois quarts restants).

Et c’est presque une carte de Sierpińsky – à part les trois coins du triangle initial ou notre vélo sera obligé à tourner de 60 degrés. En arrangeant six triangles de Sierpiński ensemble en un hexagone, le problème de coins est géré et notre carte hexagonale est prête !

Le triangle de Sierpiński, ligne par ligne

Trouvez une place dont les pavés soient disposés en quinconce. Prenez des craies, invitez des passant·e·s à se joindre à vous, et commencez.

Coloriez un des pavés (de préférence au milieu d’un bord de la place). Il vaut maintenant 1, les autres pavés, vides, valent 0. Ce premier pavé se trouvera au sommet du triangle de Sierpiński. Sur la ligne en dessous de ce premier pavé, chaque pavé sera « la somme » des deux au-dessus de lui, avec une particularité : 1+1=0 ! Descendez ainsi ligne par ligne. Vous verrez émerger le triangle de Sierpiński, en version « pixelisée » !

Cet algorithme nous a permis de dessiner le triangle de Sierpiński de la photo en 128 lignes. L’intérêt de ce motif est son « auto-similarité » : il est composé de trois copies plus petites de lui-même, chacune un triangle avec des côtés à 64 carrés. En conséquence, on peut séparer le grand motif en trois parties indépendantes, sur lesquelles travaillent simultanément trois groupes. Un petit conseil pratique : faites d’abord avec des croix sur les pavés avant de les colorier. Cela permettra de corriger plus facilement une erreur qui sinon se propagerait rapidement – et donnerait un dessin ressemblant à un coquillage.

D’ailleurs, ce triangle parait plus allongé qui ne l’est en vrai – mais ce n’est que l’effet de perspective !

Une question qui reste

Vous vous demandez peut-être pourquoi ce processus de dessin qui suit un algorithme simple, ligne par ligne, fait apparaître une image de triangle troué, ressemblant au triangle de Sierpiński ? C’est une très bonne question ! Et c’est exactement à cela que servent les mathématiques : trouver les liens entre des objets qui semblent ne rien avoir en commun, mais qui s’avèrent décrire la même chose.

L’idée clé ici est que les lignes de pavés dont les numéros sont les puissances de 2 (1, 2, 4, 8, 16, etc.) sont toutes remplies et forment chacune la base d’un triangle troué. Cela veut dire aussi que les lignes suivant ces lignes pleines n’auront que deux pavés remplis : un au début et un à la fin de la ligne. Ce sont ces deux pavés qui chacun font naître un nouveau triangle troué, similaire à celui qui apparaît au-dessus.

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