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« It’s not OK, millennial » : quand les tensions entre les générations nuisent à nos enfants

Des étudiants participent à une grève climatique mondiale en septembre 2019 à La Nouvelle-Orléans, en Louisiane. Jonathan Bachman / Getty Images / Jonathan Bachman / AFP

« Ok Boomer ! ». En novembre 2019, c’est par cette réponse cinglante que Chlöe Swarbrick, parlementaire néo-zélandaise du Parti Vert, répond à un collègue plus âgé qui cherche à la déstabiliser lors d’une intervention sur le changement climatique.

Cet exemple, devenu viral, est symptomatique des deux aspects qui ont amené à une importante popularisation de cette expression. Le premier de ces aspects est relatif à la perception par les générations milléniales (1980–2000) et Z (après 2000) d’une opposition au changement des générations plus anciennes, notamment les baby-boomers (1946 à 1964) sur des thématiques d’actualités : climat, développement durable, intégration et droit des minorités, etc.

« OK boomer » : la réplique de Chlöe Swarbrick, parlementaire néo-zélandaise, à l’origine d’un buzz mondial (Guardian, 5 novembre 2019).

Le second aspect renvoie à la difficulté grandissante à communiquer entre jeunes et anciennes générations, les premiers reprochant aux seconds d’être condescendants et ne pas prendre en compte leurs revendications sous prétexte qu’ils sont considérés comme trop jeunes (immatures ?), les derniers reprochant aux premiers le manque de valeurs et de politesse.

« Entrer dans le quotidien des individus »

Si l’on considère que de nombreuses études ont montré qu’en vieillissant, les individus deviennent effectivement plus résistants aux changements, alors il semble fondamental d’observer à quel point cette déconnexion entre générations peut freiner la coordination et la mise en place de stratégies intergénérationnelles.

Des centaines de jeunes militants du climat ont organisé une manifestation à l’extérieur des bureaux de BlackRock à San Francisco dans le cadre d’une grève nationale des jeunes pour le climat. Justin Sullivan/AFP

Nous avons dans ce sens conduit des expérimentations en induisant de manière expérimentale des liens entre les « générations » de participants, afin de leur donner une sensation de proximité. Il ressort notamment de nos observations l’incidence particulièrement positive que ces liens entre générations de participants peuvent avoir sur les comportements de préservation des individus.

Nous avons notamment observé que, même sur la base de liens instables, induits de manière expérimentale, peut apparaître une volonté supérieure à protéger une ressource commune pour que les membres d’autres générations puissent également en profiter dans des générations ultérieures.

Les résultats de notre étude suggèrent donc que les actions de prévention et de sensibilisation, insuffisantes jusqu’à présent tant au niveau géographique que temporel, devraient chercher à faire « entrer dans le quotidien des individus » les conséquences de leurs comportements pour être plus efficaces.

En effet, notre volonté immuable à vouloir protéger nos proches, nos enfants, pourrait être utilisée comme un vecteur privilégié de sensibilisation en faveur de la protection de l’environnement, en rappelant notamment que ce sont eux qui sont et seront les plus affectés. Et ces effets négatifs, s’ils existent à long terme (comme le changement climatique), apparaissent également à court terme (par exemple, la pollution).

« Quels enfants allons-nous laisser à la planète ? »

De manière plus large, notre étude prouve que les comportements de préservation prennent sens dans le lien social. Les campagnes de prévention associées à la préservation de l’environnement ne doivent plus se contenter d’encourager les individus à faire des efforts pour la planète, à éteindre les lumières inutilisées pour économiser de l’énergie, à ne pas imprimer en recto simple pour économiser du papier. Ces campagnes doivent encourager les individus à faire des efforts pour les autres, pour leurs proches, avec leurs proches.

Les comportements de préservation prennent sens dans le lien social. Nous préservons l’environnement pour les autres et ceux qui nous succéderont. G-Stock/Shutterstock

Il s’agit donc de redonner du sens à ses actes du quotidien en les ancrant dans le lien social, en privilégiant le groupe (famille, amis, village, ville, etc.) à l’individu isolé. Quelle meilleure motivation que de préserver l’environnement pour que notre famille, nos enfants, puissent en jouir dans les générations à venir ?

Il est donc essentiel de comprendre qu’à la question « quelle planète allons-nous laisser à nos enfants ? » doit se substituer la question « quels enfants allons-nous laisser à la planète ? ».

À quelques endroits dans le monde, il existe des écoles qui ont commencé à insister sur l’apprentissage du lien social. Ces écoles ont fait partie du circuit de recherche-action des School Trotters. Bérénice Stagnara et Adrien Zemour sont allés questionner les enseignants, les parents, les élèves et les chercheurs autour du monde sur la transmission de l’empathie. Ils ont recueilli des données de coopération intergénérationnelle dans plusieurs pays pour démontrer que le lien social peut sauver la planète. Dans leur film, Futur simple, « des enseignant·e·s des quatre coins du monde racontent comment ils transforment leur façon de donner des cours, pour faire naître une génération de citoyens écolos et épanouis. »

Bande-annonce du film « Futur simple » (2019).

Donc non, ce n’est pas « Ok boomer ! ». Il est fondamental que les différentes générations en charge de la vie sociale et politique arrêtent de s’enfermer dans des luttes identitaires et partisanes. Il est en effet à craindre que les changements politiques conséquents exigés pour répondre aux problématiques environnementales ne puissent être instaurés sans une réelle volonté des générations à travailler ensemble.

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