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La crise confirme la nécessité pour les banques d’allier proximité physique et offre digitale

Les réseaux de banques régionales sont incontournables pour soutenir financièrement les petites et moyennes entreprises. Pascal Pochard-Casabianca / AFP

À la suite de la crise de 2008 et avec le renforcement de la réglementation bancaire, les banques ont fait face à de nombreux défis : nécessité d’augmenter leur fonds propres, amélioration de leurs portefeuilles d’actifs et plus récemment, accélération de la digitalisation de leurs activités et de leurs processus internes.

Les efforts engagés ces dernières années pour se mettre en conformité sur le plan réglementaire et faire face à la menace de nouveaux entrants, notamment les entreprises technologiques du secteur de la finance (fintech), ont réduit leur rentabilité et les ont conduites à repenser en profondeur leur modèle économique.

Cela s’est traduit par une évolution dans leur modèle de financement (rallongement des ressources financières), dans leur choix d’allocation des ressources, leur organisation, leur méthode de travail et leurs relations avec les parties prenantes.

La crise sanitaire actuelle révèle un changement de leur modèle d’affaires marqué par un double mouvement : un recentrage sur les activités de financement au niveau local et une accélération des technologies du digital appliquées aux services financiers. D’où l’émergence d’un nouveau défi à relever : réussir à innover en conciliant le meilleur de l’humain et du digital.

Un rôle de financement à l’échelle locale

En 2017, les groupes bancaires français réalisaient 41 % de leurs produits nets bancaires à l’étranger (24 % dans l’UE et 17 % hors UE) où elles ont essentiellement développé des activités de banques de détail. La crise du Covid-19 pourrait accélérer la baisse de l’activité à l’international des banques universelles françaises, baisse qui a déjà commencé en septembre 2019.

Sur le plan national, les activités d’intermédiation bancaire c’est-à-dire de prêts aux petites et moyennes entreprises (TPE/PME) et aux entreprises de taille intermédiaires (ETI) sont en plein essor.

Les mesures exceptionnelles de soutien à l’économie présentées par la Fédération bancaire française (FBF) sont rendues possibles grâce au relâchement du coussin de fonds propres bancaires contracycliques. En effet, on observe un ralentissement de la réglementation bancaire avec le report d’un an de l’entrée en vigueur des accords de Bâle III.

Les banques françaises s’étaient déjà préparées depuis 2013 à l’entrée en vigueur des premiers ratios de liquidité et disposent donc de fonds propres largement respectueux des normes réglementaires.

Compte tenu du contexte actuel, les ressources des banques sont prioritairement allouées au financement des impacts liés à la pandémie déclenchée par le coronavirus.

La banque ne joue plus seulement un rôle de financement, mais aussi un rôle social en assistant directement l’État dans la relance de l’économie. Le rôle des banques régionales se révèle désormais plus prégnant avec une plus grande latitude dans l’action de soutien financier des TPE/PME et dans l’action sociale.

Le modèle décentralisé et responsabilisant est un modèle qui a fait ses preuves dans le secteur bancaire, avec un renforcement des métiers d’expertise et de conseil et une mise en avant du capital humain.

Concilier « l’humain et le digital »

Dans le contexte actuel de crise, la relation client assure un lien social fondamental bien au-delà des simples transactions bancaires. Dans ce cadre, la responsabilisation et la formation du personnel des banques sur les technologies digitales constituent deux facteurs clés de leur modèle économique.

Depuis quelques années, la digitalisation est un des défis auxquels font face les banques du fait du changement de comportement de leurs clients.

Selon une enquête du cabinet de conseil et d’audit KPMG en 2017, « tous les groupes bancaires communiquent déjà depuis plusieurs années sur leur souhait de continuer à proposer des modèles de services digitalisés et différenciés en réinventant les parcours des clients ».

Avec la crise actuelle, les banques vont devoir accélérer la mutation de leur modèle économique en se rapprochant de celui des fintech, notamment en matière de proposition de valeur. De plus, la digitalisation des processus (grâce par exemple à l’intelligence artificielle) reste indispensable pour réaliser des gains de productivité.

La gestion de la crise va nécessiter de la part des banques plus de simplifications, d’agilité, de réactivité, d’efficacité, de rapidité, de souplesse dans leur réponse aux besoins des entreprises et des particuliers.

La digitalisation des activités bancaires a déjà été anticipée depuis plusieurs années : au niveau des profils de recrutement par la recherche de davantage de spécialisation pour les métiers relatifs à la conformité et à l’informatique, au niveau de la formation, par la création d’une certification autour d’un socle de compétences en matière numérique pour tous les salariés du secteur.

Le Covid-19 a révélé le rôle central de l’humain dans l’intermédiation bancaire et le soutien à l’économie réelle, ce qui constitue une belle revanche pour les banques dites « traditionnelles » par opposition aux pure players que sont les fintech.

Une employée d’une agence bancaire Crédit Agricole à Ajaccio accueille un client en respectant les mesures de distanciation sociale en avril dernier. Pascal Pochard-Casanbianca/AFP

Cette mission d’intermédiation bancaire essentielle jusqu’à la fin des années 1980 en France, reprend ses lettres de noblesse à l’occasion d’une crise d’ampleur exceptionnelle. On revient aux fondamentaux du métier de banquier : accompagner des clients et les aider à surmonter des périodes difficiles.

En restant à côté de ses clients et en les aidant à faire face à leurs impasses de trésorerie, le banquier de proximité renforce leur confiance et les fidélise. Par ailleurs, cette crise exceptionnelle est une occasion d’accélérer la transformation du modèle économique de la banque universelle française.

La banque de demain devra tirer parti des technologies digitales pour améliorer et sécuriser l’expérience consommateurs, tout en renforçant sa capacité de conseil auprès de clients de plus en plus demandeurs de solutions à forte valeur ajoutée.

Comme l’explique Frédéric Oudéa, président-directeur général de la Société Générale, dans la préface du livre Fintech, les banques contre-attaquent, « tout l’enjeu est de réussir à innover en conciliant le meilleur de deux mondes, le meilleur de l’humain et du digital ».

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