Menu Close

La génération Z, une cible plus locale que globale

En Chine, la politique de l’enfant unique menée entre 1978 et 2015 a eu des incidences sur l’éducation et les comportements des adolescentes d’aujourd’hui. Pikist, FAL

Ils sont nés après 1997 et représentent 32 % de la population mondiale : il s’agit de la génération Z. Quel que soit le pays, tout peut contribuer à penser que cette nouvelle génération de jeunes sont des consommateurs uniformes : ils ont tous leur iPhone, leur iPad, ils s’habillent tous avec les mêmes marques, ils se rendent tous dans les Starbucks ou McDo. Ils regardent le même clip partout dans le monde, qu’ils se trouvent en Europe, aux États-Unis ou en Asie.

Malgré tout, si l’on considère que tous les jeunes Z du monde se ressemblent, la notion de jeunes consommateurs Z comme cible globale devrait être appréhendée avec beaucoup de précaution. Les jeunes n’ont pas des comportements uniformes, partout dans le monde.

« Petit empereur » en Chine

Pour comprendre d’où viennent ces différences de comportements d’achat et de consommation des adolescents selon les cultures, il faut repartir de la base : la famille, premier agent de socialisation, au sein de laquelle les modes d’éducation diffèrent.

La famille, notamment les parents, apparaît comme le premier agent de socialisation à l’adolescence. Au travers d’un premier ouvrage The New Génération Z in Asia : Dynamics, Differences and Digitalization portant sur une analyse sociétale et managériale de la Génération Z au sein de 12 pays en Asie (Chine, Hongkong, Inde, Pakistan, Indonésie, Vietnam, Japon, etc.) que j’ai éditée, on constate qu’en Asie, les relations entre les parents et les enfants sont hiérarchisées. Chacun a sa place et chacun reste à sa place.

L’iPhone, un produit largement adopté par les jeunes de la génération Z dans le monde entier. Pxfuel, CC BY

Par exemple, les familles chinoises ont été soumises à la politique de l’enfant unique de 1978 à 2015, et dernièrement, la population vieillit, les autorités sont revenues à (un peu) plus de souplesse. On parle d’ailleurs du phénomène du « petit empereur » pour évoquer le statut de l’enfant chinois. Les parents exercent une grosse pression sur leur enfant afin qu’ils accèdent aux meilleures écoles, aux meilleures universités, aux meilleurs emplois.

Les parents cherchent à protéger leur enfant, en développant une relation reposant sur l’interdépendance et l’autorité. Au Japon, la force de la relation parents-enfants est perceptible dans l’image de l’« amae », une notion d’origine japonaise qui se réfère au désir important de recevoir de l’amour ; et explique ainsi pourquoi les jeunes sont dans une relation importante d’amour et de respect envers leurs parents.

Dans les pays occidentaux, les parents accordent à leur enfant une certaine liberté. Les relations parents-enfants ne sont pas fondées sur des relations hiérarchiques et autoritaires, mais plutôt sur des relations égalitaires. Il n’y a donc pas de différences marquées entre les parents et les enfants. L’adolescent participe aux tâches ménagères, aux discussions familiales et contribue au bon déroulement de la vie quotidienne.

Le jeu dual du marketing

Plusieurs études en marketing ont montré que dans les cultures individualistes (telles que les États-Unis), favorisant la prise d’autonomie tôt, les adolescents américains apprennent rapidement à faire du shopping seuls, alors que dans les pays collectivistes (telles que le Japon, la Chine) où l’interdépendance entre les membres de la famille prime, les adolescents recherchent le plus souvent l’aide et les conseils des autres.

On observe ainsi des comportements bien spécifiques chez les adolescents japonais (comme le besoin de retourner au magasin avec maman, le besoin de confirmer le choix des vêtements par maman, le besoin d’avoir l’opinion de maman avant l’achat), qu’on ne retrouvera pas chez les adolescents américains (comme la volonté de faire du shopping sans présence de maman, le refus de réclamer de l’argent à maman).

Les pratiques via l’usage des réseaux sociaux sont même différentes au sein même de l’Asie. En Chine, WeChat est au cœur de l’écosystème d’applications des jeunes alors que les pratiques sont contrastées dans les autres pays asiatiques : en Malaisie, les jeunes utilisent plutôt Instagram (40 %) alors qu’en Thaïlande, ils utilisent Line (84 %).

The New Generation Z in Asia : Dynamics, Differences, Digitalization. Éditions Emerald

De plus, les stratégies que les jeunes utilisent varient d’une culture à l’autre. Par exemple, les résultats d’une étude qualitative menée auprès de 24 dyades (mère – adolescent) français et indiens ont montré que, dans les pays individualistes tels que la France, où les parents valorisent les relations égalitaires et l’échange mutuel, l’adolescent tend à utiliser des stratégies « bilatérales », reposant sur la discussion, le raisonnement.

En revanche, dans les pays collectivistes, tels que l’Inde, où les parents encouragent l’obéissance, l’autorité et la dépendance, l’adolescent a plutôt recours à des stratégies « unilatérales », reposant sur les techniques de persuasion et les techniques émotionnelles.

Par conséquent, les jeunes consommateurs issus de la Génération Z n’ont pas des comportements de consommation uniformes. Les parents transmettent à leurs enfants des principes de socialisation profondément ancrés dans leurs cultures.

Pour les marketeurs, la clé de la réussite est donc de miser sur un jeu dual entre deux composantes interconnectés et interdépendantes, composées des variables de local et de global, afin de cibler les jeunes consommateurs Z par des stratégies adaptées à chaque pays.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,500 academics and researchers from 4,943 institutions.

Register now