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La personne de confiance : cet accompagnant (mal connu) de la fin de vie

Mains personnes âgées
La personne de confiance peut être le porte-parole qui occupe la première place dans la hiérarchie des témoignages auprès des équipes médicales lorsque vous êtes dans l’incapacité de vous exprimer. Sabine Vanerp / Pixabay

Sur votre trottinette électrique, vous rentrez d’une soirée. C’est bête. Vous n’avez pas senti arriver dans votre dos cette voiture. Maintenant inconscient, vous souffrez d’un traumatisme crânien grave. Vos parents et votre petit(e) ami(e) se déchirent dans les couloirs d’un hôpital sur une décision de limitation thérapeutique. Les soignants les regardent, désemparés. Qui devraient-ils écouter dans cette famille frappée par la douleur ?

Un porte-parole choisi par le patient

La personne de confiance peut être le porte-parole qui occupe la première place dans la hiérarchie des témoignages auprès des équipes médicales lorsque vous êtes dans l’incapacité de vous exprimer. Encore faut-il l’avoir désignée. Auriez-vous choisi votre père, votre mère ou votre petit(e) ami(e) ? Si vous êtes en pleine possession de vos capacités cognitives, la loi française vous autorise, à tout moment de votre vie, à nommer un membre de votre famille, un ami ou même votre médecin généraliste. Cette nomination doit se faire par écrit, sur un document co-signé par le patient et la personne désignée.

En France, seuls 11 % des patients rédigent des directives anticipées. La majorité des patients laissent ainsi leur fin de vie dans les mains de l’équipe médicale et de leurs proches, sans plus d’instructions. Lorsque les proches ont des avis divergents, comme dans le cas de l’affaire Vincent Lambert, il peut être intéressant de nommer une personne de confiance, avec qui vous auriez eu une discussion libre sur vos volontés médicales.

Un dispositif mal connu

Une recherche en cours montre le manque de statistiques nationales régulières et exhaustives sur la désignation de personnes de confiance par les patients en France. Plusieurs articles scientifiques indiquent que la situation varie dans le temps et dans l’espace, avec certaines études rapportant des taux de désignation inférieurs à 50 % et d’autres des taux supérieurs à 50 % .

La connaissance du dispositif est encore perfectible dans la population. Une étude de 2013 rapporte que les patients comprennent mal comment la personne de confiance est désignée : plus de la moitié des patients interrogés pensaient qu’une désignation à l’oral suffisait.

Les individus ont aussi tendance à confondre personne de confiance et personne référente. Certes, la personne référente reçoit des informations en cas de problème, mais elle n’a pas le rôle de porte-parole des volontés du patient.

La recherche montre aussi que les individus attribuent à la personne de confiance des tâches qui ne sont pas celles prévues par la loi. Par exemple, les patients et les personnes de confiance évoquent l’aide aux tâches de la vie quotidienne, la gestion des problèmes administratifs ou encore le rôle de médiateur dans les relations familiales ou dans les relations entre l’équipe médicale et les proches.

Est-ce que je voudrais mourir comme ça ?

Lorsque l’état du patient ne permet pas aux soins médicaux de le guérir se pose la question de la « qualité du décès ». Seulement 35 % des infirmières sont satisfaites de la qualité de la mort de leur patient. Or, la désignation par le patient d’une personne de confiance est un des facteurs favorisant leur perception d’une « bonne » mort.

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La présence d’une personne de confiance peut avoir un effet sur le type de décision prise par les équipes médicales dans les situations de fin de vie. Lorsque les proches perçoivent un traitement comme disproportionné et non bénéfique, cela peut influencer les décisions des équipes médicales. Certaines personnes de confiance endossent un rôle de protecteur du patient et tentent de maintenir leurs proches en vie, malgré l’avis des soignants.

Pourquoi la diffusion du dispositif n’est-elle pas plus large ?

Plus de 20 ans après l’introduction de ce dispositif dans la boite à outils des patients, les taux de désignations de personne de confiance sont variables. Cela provient en partie du défaut d’information de la population, mais ce n’est pas le seul frein. La recherche montre que des facteurs organisationnels, psychologiques et culturels viennent entraver le déploiement du dispositif en France.

Par exemple, les professionnels de santé indiquent qu’ils n’ont pas toujours le temps de fournir des informations sur les droits des patients. On observe une réduction de la durée d’hospitalisation, ce qui limite les interactions des patients et des familles avec les soignants sur ce type de sujet. Dans les hôpitaux, l’arrivée de patients en situation d’inconscience constitue une autre contrainte organisationnelle. Dans les maisons de retraite, une autre recherche en cours indique que le développement de troubles cognitifs empêche régulièrement une désignation adéquate de personnes de confiance lors des admissions.

Couple marchant dans la forêt
Certains patients craignent que le rôle de personne de confiance soit trop difficile à assumer pour leurs proches. Il s’agit de l’un des nombreux facteurs psychologiques freinant la désignation d’une personne de confiance. EddiKphoto/Pixabay

L’absence de désignation d’une personne de confiance peut également s’expliquer par des facteurs psychologiques. Il peut être difficile pour une personne âgée d’envisager la perte de ses capacités physiques et mentales liées au processus de vieillissement et de mort. Les jeunes patients en bonne santé peuvent avoir du mal à imaginer les conséquences d’un accident qui les laisserait inconscients.

Par ailleurs, les conflits familiaux peuvent rendre difficile le choix d’une personne de confiance pour un patient. En outre, s’imaginant le poids que pourrait représenter ce rôle de personne de confiance, certains patients préfèrent n’accabler aucun de leur proche.

Enfin, culturellement, en France, les relations entre les médecins et les patients sont traditionnellement paternalistes. Cela peut conduire certains patients à ne pas s’investir dans les décisions médicales, et par extension s’abstenir de nommer un porte-parole de leurs volontés. Il est également important de noter que la propension des patients à vouloir participer ou non à la prise de décision médicale peut varier selon différents facteurs tels que l’âge, la taille du foyer, le nombre d’enfants, le nombre de médicaments pris quotidiennement ou le type de maladie.

Quel avenir pour la personne de confiance ?

Faut-il alors réformer ce dispositif ? Avant toute chose, il faudrait avoir une vision globale de l’efficacité de celui-ci. Celle-ci manque.

Il est par exemple rare de trouver des données françaises comparant les choix de thérapies des personnes de confiance et des patients… un comble quand le rôle de la personne de confiance est de transmettre les volontés du patient inconscient. Pour pallier cette lacune, une expérimentation est menée par Sciences Po Paris, l’Université Paris Cité et le Laboratoire d’Économie expérimentale de Paris ce printemps-été 2023 avec des personnes en couple depuis plus de 2 ans (les couples intéressés peuvent s’inscrire ici).


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À ce jour, la recherche suggère que l’application du dispositif existant doit être renforcée, en favorisant une véritable culture de l’accompagnement des patients et de leurs proches. Cela nécessite une prise en charge par des professionnels formés à la gestion de la souffrance psychique, tels que les psychologues, à deux moments clés : la désignation de la personne de confiance et la prise de décision médicale.

Enfin, il est nécessaire d’élargir la formation des soignants aux questions relatives à la fin de vie. Celles-ci occupent six à dix heures seulement dans le deuxième cycle des études médicales. Il est urgent de mieux informer tous les acteurs et de redéfinir l’acte de soin comme un accompagnement global du patient, tant psychologique que physique.

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