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Gogo Zitha, portant un écran facial protecteur pour se prémunir contre la propagation du nouveau coronavirus, vend du maïs grillé au coin de la rue à Katlehong, à l'est de Johannesburg, en Afrique du Sud, le mercredi 6 mai 2020. L'Afrique du Sud a commencé à assouplir progressivement ses mesures strictes de confinement le 1er mai, alors que les cas confirmés de Covid-19 continuent d'augmenter. Photo AP/Themba Hadebe

L'Afrique face à la Covid-19 : une riposte inégale

Dans certains pays d’Afrique comme le Ghana, le Sénégal et l’Afrique du Sud, l’expertise acquise lors des épidémies précédentes (Ebola, Cholera, typhoïde, VIH/Sida, trypanosomiase, rougeole) a été utile pour prendre en charge les personnes infectées et empêcher la propagation de la Covid-19, apparue en Chine en décembre 2019.

Des recherches scientifiques sont aussi en cours pour trouver un vaccin et un médicament et des efforts de coordination ont été faits entre les ministères responsables de la santé aux niveaux régional et continental.

Tout cela explique en partie la résilience du continent à la pandémie jusqu’ici, alors qu’on appréhendait le pire.

Dans d’autres États, la maladie a été au tout début banalisée et considérée comme « une affaire des autres », ce qui a donné lieu à la stigmatisation de certaines nationalités. « Les autres » étant les ressortissants des pays occidentaux et asiatiques et, dans une plus large mesure, ceux des pays nordiques. Ce déni du danger a été exacerbé par les études controversées du docteur marseillais Didier Raoult sur la chloroquine, un médicament anti-malaria,laissant croire que la Covid-19 s’apparente au paludisme.


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Les prophéties et les messages véhiculés par certains leaders religieux, y compris les médecins traditionnels et quelques personnalités politiques, ont aussi nourri la conviction que l’Afrique avait des solutions pour faire face à la pandémie.

Du confinement à la prière

La détection du premier cas de Covid-19 sur le continent – le 14 février 2020, en Egypte – a provoqué des réactions très diverses. Certains États ont adopté des mesures radicales de surveillance, de suivi et d’interventions, dispensées notamment par des organisations communautaires.

D’autres pays ont évité le confinement en raison de la fragilité de leurs systèmes politique et de santé. Les uns prônent la prière pour s’en sortir, d’autres proposent des mesures pour valoriser le potentiel local, notamment la consommation de cognac Hennessy et un remède à base des plantes locales.

La tyrannie amplifiée

Cinquante-trois États sont actuellement touchés sur le continent africain et les différentes mesures de lutte paralysent l’économie, accroissent la tyrannie dans certains États et « amplifient les risques d’instabilité, de troubles et de conflits » dans d’autres. La progression de la maladie est néanmoins lente. L’Afrique n’a jusqu’au 3 mai enregistré que 1600 décès, soit 0,7 % du total des morts survenues ailleurs dans le monde.

Le cas de la RDC

La République démocratique du Congo (RDC) qui fait encore face à l’épidémie d’Ebola, a officiellement annoncé son premier cas de Covid-19 le 10 mars 2020 et un premier décès le 21 mars 2020.

Ces nouvelles n’étaient que « la pointe de l’iceberg », puisque dès le lendemain, L’Institut national de recherche biomédicale (INRB) confirmait sept nouveaux cas.

Sur cette photo prise le vendredi 10 avril 2020, Martine Milonde, à gauche, une mobilisatrice communautaire congolaise qui travaille avec le groupe d’aide World Vision à Beni, dans le nord-est de la RDC, sensibilise le public sur la prévention des coronavirus. La RDC lutte depuis plus de 18 mois contre une épidémie de virus Ebola qui a tué des milliers de personnes. Il doit maintenant faire face à un nouveau fléau : la pandémie de le Covid-19. AP/Al-hadji Kudra Maliro

Ainsi, le 24 mars 2020, le président de la RDC, Felix Tshisekedi, qui venait de prendre des mesures de distanciation sociale, est allé plus loin en proclamant l’état d’urgence sanitaire. L’application de cette mesure s’est heurtée à de nombreux défis. La fermeture des frontières ayant occasionné une flambée des prix, des manifestations ont eu lieu dans certaines villes et les citoyens se sont bousculés vers les marchés pour s’approvisionner.

Arrestations controversées

Les interpellations judiciaires et les arrestations de personnalités politiques impliquées dans la corruption et le détournement de fonds publics entravent les mesures d’urgence sanitaire. Ces convocations, tolérées par le Président pour se séparer de ses conseillers et alliés gênants, incitent à la violence et exposent le peuple entier à la contamination par le coronavirus. Elles provoquent des rassemblements, aussi bien de partisans que de journalistes et autres curieux qui sortent pour manifester leur joie, leur colère ou pour faire enquête.

L’occasion de régler des comptes

Si la promulgation de l’état d’urgence sanitaire a été saluée par la population et le reste du monde pour venir à bout de cette pandémie, elle représente aussi une occasion de régler des comptes et déstabiliser le régime. Remettant en cause la procédure de l’état d’urgence, le parlement et le gouvernement, constitués principalement des fidèles de l’ex-président Joseph Kabila, voudraient profiter de cette brèche pour reprendre le pouvoir. Cependant, le congrès visant à mettre le président « en accusation » pour le démettre de ses fonctions a été évité.

En janvier dernier, Felix Tshisekedi avait menacé d’user de ses prérogatives constitutionnelles pour dissoudre le parlement si celui-ci continuait à bloquer ses actions. Certains groupes armés (Bakata Katanga, Bundu Dia Mayala, CODECO) profitent également de la situation pour faire évader leurs combattants des prisons et déstabiliser le gouvernement.

Une population fragile

Le confinement et le télétravail sont quasi impossibles en RDC au vu de la crise. Outre l’insécurité permanente et la promiscuité dans lesquelles vivent les populations, certaines provinces sont à présent confrontées aux inondations et très peu de personnes ont un travail rémunéré. Le pays ne dispose pas de politique d’assurance-maladie ni de chômage et à peine 9 % des habitants sont connectés à Internet. Aussi, seuls 8 % des habitants ont accès à l’électricité, dont 1 % en milieu rural.

À peine 9 % des habitants de la République démocratique du Congo ont accès à Internet. Shutterstock

Bien que la population congolaise soit jeune (96 % a moins de 60 ans)), son système immunitaire est fragile. Outre la consommation excessive de l’alcool chez les jeunes, près de 7 % de la population est diabétique et au moins 450 000 personnes vivent avec le VIH selon l’ONUSIDA. De plus, 7,2 millions de femmes souffrent d’anémie et 6 millions d’enfants sont malnutris.

Des scientifiques désemparés

La prise en charge des personnes testées positives à le Covid-19 est chaotique. En plus des mauvaises conditions hygiéniques, les cas graves de Covid-19 ne sont pas soignés, faute d’équipements appropriés et de personnel qualifié.

L’équipe de la riposte, supervisée par, Denis Mukwege dans la province du Sud-Kivu et Jean‑Jacques Muyembe au plan national, est désemparée. Elle ne peut compter que sur le respect des mesures de prévention, la solidarité collective et le vaccin expérimental pour sauver des vies.

Le docteur Denis Mukwge est au cœur de la riposte à la pandémie de Covid-19. Ce chirurgien, lauréat du prix Nobel de la paix est connu pour avoir traité plus de 50 000 victimes de violences sexuelles dans son hôpital au Congo. Lise Aserud/NTB scanpix via AP

La RDC n’a pas la capacité de produire un vaccin, mais s’est portée candidate pour effectuer des tests et c’est grâce à des essais similaires que l’Afrique a réussi à contrôler l’épidémie d’Ebola.

Plus fondamentalement, la pandémie de Covid-19 est avant tout un révélateur d’enjeux structurels profonds en Afrique et en RDC, dont la faiblesse des systèmes publics de santé, accentués et reconduits par des configurations particulières des pouvoirs en place. Les solutions à plus long terme à cette pandémie et aux prochaines se trouvent à la jonction de ces deux dimensions qui sont inextricablement liées.

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