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une rangée d'enfants sur des ordinateurs portables
Le nombre de cas de cyberprédation a été multiplié par dix au cours des cinq dernières années au Canada. (Shutterstock)

Le Canada doit mettre en œuvre des mesures de sécurité pour protéger les enfants en ligne

La récente législation sur la vérification de l’âge sur les sites proposant du contenu pour adultes a donné lieu à une situation intéressante au Parlement canadien. Le 13 décembre dernier, le projet de loi S-210, soit la Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, a en effet été adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes à l’issue d’un vote de 189 voix contre 133.

Étonnamment, la plupart des députés libéraux ont voté contre, car le gouvernement travaille sur son propre projet de loi sur les préjudices en ligne. Ce projet de loi a été promis pour la première fois en 2019, mais n’a pas encore été déposé en raison des complications plus vastes qu’il soulève.

Avec le plein appui des conservateurs, du NPD, du Bloc Québécois et de certains députés libéraux, le projet de loi S-210 a pu faire l’objet d’un examen en comité. Il a par ailleurs été adopté par le Sénat au printemps 2023.

Le projet de loi S-210 prévoit qu’avant d’accéder à des sites proposant du contenu pour adultes, toute personne doive obligatoirement passer par un processus de vérification de l’âge afin de prouver qu’elle est adulte. La vérification de l’âge est déjà obligatoire pour accéder aux sites de jeux de hasard et à ceux qui vendent des produits tels que l’alcool, le tabac et le cannabis.

Protéger les mineurs

Une législation semblable au projet de loi S-210 a été adoptée ou mise en œuvre avec succès dans diverses parties du monde, dont l’Union européenne, le Royaume-Uni et plusieurs États américains.

Pourtant, les législateurs canadiens sont divisés quant au projet de loi S-210. Les détracteurs du projet de loi ont en effet émis de vives inquiétudes au sujet de la protection de la vie privée et de la liberté d’expression.

Mes recherches doctorales portent sur les systèmes anonymes de vérification de l’âge visant à protéger la vie privée des personnes utilisatrices. Je collabore aussi volontairement avec le Conseil de gouvernance numérique du Canada à l’élaboration de normes techniques pour les technologies de vérification de l’âge.

Toute discussion sur la protection de la vie privée et la sécurité dans le cadre de la vérification de l’âge en ligne doit tenir compte de certains facteurs clés.

un jeune garçon fixe l’écran d’un ordinateur portable dans l’obscurité
Les partisans du projet de loi S-210 affirment qu’il protégera les enfants, tandis que ses détracteurs ont émis de vives inquiétudes au sujet de la protection de la vie privée et de la liberté d’expression. (Shutterstock)

Vérification de l’âge en ligne

Bien qu’il existe différents mécanismes de vérification de l’âge en ligne, les méthodes les plus populaires sont la comparaison de pièces d’identité, la reconnaissance faciale et la vérification par un tiers.

La comparaison de pièces d’identité est une méthode courante de vérification de l’âge dans le cadre des transactions en personne. Par exemple, on doit présenter une pièce d’identité délivrée par le gouvernement, comme un permis de conduire ou une carte d’assurance maladie, lorsqu’on achète de l’alcool en magasin. De même, lors d’une transaction en ligne, une personne peut téléverser une image de sa pièce d’identité.

La technologie de reconnaissance optique de caractères permet ensuite d’extraire les données du document, en particulier la date de naissance. En outre, une vérification de légitimité peut être effectuée en comparant la photo du document avec une photo instantanée de la personne afin d’en garantir l’authenticité.

Une personne peut également prouver son âge par l’intermédiaire d’un tiers autorisé, tels que sa société de carte de crédit ou sa banque. Cette méthode s’appuie sur les relations existantes avec ces entités de confiance et sur les informations qu’elles détiennent pour confirmer l’âge de la personne.

La vérification de l’âge basée sur la biométrie est un domaine émergent depuis une dizaine d’années, grâce à l’intelligence artificielle. Les chercheurs examinent différentes données biométriques pour estimer l’âge, notamment les images faciales et les vidéos, la parole, les empreintes digitales, les signaux cardiaques et l’iris.

Durant l’analyse faciale, une personne est invitée à fournir un égoportrait en direct sous la forme d’une image ou d’une vidéo, qui est ensuite analysée par des outils d’intelligence artificielle afin d’estimer son âge. Cette méthode a été testée de manière exhaustive et est à présent déployée dans différents pays par diverses entités, notamment Google et Meta.

Une option moins invasive

Lorsque plusieurs options sont disponibles, une personne peut choisir celles avec lesquelles elle se sent le plus à l’aise. Le projet euCONSENT est un réseau fondé par la Commission européenne pour protéger les enfants en ligne. Ce réseau a récemment mené un projet pilote approfondi sur la vérification de l’âge en ligne auprès de 2 000 enfants et adultes dans cinq pays européens.

Les réactions des personnes participantes ont montré que l’estimation faciale était le premier choix, préféré par 68 % d’entre elles. Les répondants la considéraient en effet comme une option facile, rapide et moins invasive. La vérification par un tiers (par l’intermédiaire d’une société de carte de crédit) était l’option la moins populaire, préférée par seulement 3 % des participants.

Les données personnelles des utilisateurs (pièces d’identité, images faciales ou renseignements bancaires) doivent être protégées par l’application de règlements stricts, semblables aux politiques de l’Union européenne en matière de réglementation générale sur la protection des données.

Le projet de loi S-210 propose de mettre en œuvre des méthodes fiables de vérification de l’âge qui collecteront les informations personnelles des utilisateurs uniquement aux fins de vérification, après quoi les données seront immédiatement détruites.

le visage d’un homme est numérisé par son téléphone cellulaire
L’analyse faciale peut permettre de déterminer l’âge d’un utilisateur. (Shutterstock)

Des RPV qui posent des défis

Les réseaux privés virtuels (RPV) sont souvent utilisés pour échapper à la vérification de l’âge. Les personnes utilisatrices font transiter le trafic Internet par des serveurs situés dans différents endroits, ce qui donne l’impression qu’elles accèdent au contenu à partir d’une région où il n’y a pas de restrictions d’âge.

Ce problème peut être résolu par les services de géolocalisation IP, qui comparent la localisation déclarée d’une personne avec son adresse IP réelle, ce qui permet d’identifier toute divergence.

Protéger les enfants

Outre la préparation technologique, la sensibilisation de la société s’avère également cruciale pour garantir l’adoption appropriée de mesures de vérification de l’âge, ce qui nous ramène aux aspects législatifs.

Le nombre de cas de cyberprédation a été multiplié par dix au cours des cinq dernières années au Canada. Des incidents tragiques sont survenus où des enfants se sont suicidés après avoir été victimes d’abus en ligne. En octobre dernier, un garçon de 12 ans s’est suicidé en Colombie-Britannique après avoir été victime de sextorsion virtuelle.

La question est donc la suivante : combien de temps devrons-nous attendre avant que des mesures ne soient mises en place pour protéger les enfants ? Le Canada ne peut plus se permettre de rester à la traîne. Le moment est venu d’aller de l’avant et de sécuriser les espaces en ligne.

This article was originally published in English

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