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Le numérique, de nouvelles propositions pour l’éveil culturel des enfants ?

“Bâti, la lampe à construire”, atelier animé par KutiKuti. Matthieu Barani, Author provided

Faut-il voir l’art et la culture comme la chasse gardée des adultes ? Bien au contraire, ces domaines sont essentiels pour nourrir les pensées et les imaginaires des jeunes enfants, estime la psychologue Sophie Marinopoulos. L’idée est au centre de son rapport sur la santé culturelle des tout-petits, remis au Ministère de la Culture en août 2019. Non seulement cela participe à l’éveil du tout-petit mais cela rééquilibre également la relation entre parents et enfants, fortement perturbée ces derniers temps.

En effet, le confinement dû au Covid-19 a bouleversé les habitudes numériques des familles. Les règles intra-familiales sur l’utilisation des outils numériques par les plus petits se sont assouplies et, avec les grandes vacances, les questionnements se multiplient. Comment favoriser l’attitude active des enfants face au numérique ? Et si l’écran prend de plus en plus de place dans leur vie, comment en repenser les usages ?

Dans une interview qu’elle nous a récemment accordée, Sophie Marinopoulos, fondatrice des Pâtes au beurre, insiste sur l’importance de ne pas opposer « écran » et « culture ». Les outils numériques font véritablement partie de l’environnement dans lequel les enfants grandissent, et, au même titre que d’autres supports, peuvent participer au développement du tout-petit. À condition de réfléchir à son accompagnement, au choix des contenus et à ses usages.

Allier tangible et numérique

Le principal reproche fait aux écrans sur le développement du tout-petit concerne le manque d’interaction, en somme le manque d’échanges humains, verbaux et non verbaux, et de manipulation d’objets réels. Mais depuis quelques années, des éditeurs de contenus numériques pour enfants ont intégré les critiques et développé de nouvelles interfaces, alliant dispositifs tangibles et écrans mobiles.

De quoi se recentrer sur la confrontation entre l’enfant et le monde réel, portée par les mouvements d’éducation nouvelle depuis plus d’un siècle. Des pédagogues tels que Maria Montessori, Jean Itard ou Friedrich Fröbel avaient d’ailleurs développé le matériel pédagogique qui accompagnaient l’apprentissage des enfants basé sur le « faire » et la pratique.

Pour le jeune enfant, les manipulations sont aussi indispensables que les interactions sociales dans le développement de sa compréhension du monde, comme le souligne le centre d’initiation à l’art pour les 0-6 ans Mille formes, inauguré à Clermont-Ferrand il y a tout juste un an : « C’est en passant par le geste et par l’interaction avec un nouvel environnement que l’enfant sera amené à découvrir l’art ».

C’est ainsi qu’aujourd’hui, des objets en bois, des pliages en papier ou encore des formes imprimées (sur imprimante 3D) viennent côtoyer (ou non) des smartphones et des tablettes. Ces dispositifs interactifs invitent l’enfant à jouer avec (ou sans) l’écran, seul ou à plusieurs, tout en manipulant des objets du monde réel. Dans le domaine des interactions humain-machine, on appelle cela des environnements mixtes ou augmentés.

« Les Bascules », atelier animé par les Causeuses électroniques. Matthieu Barani, Author provided

À la frontière du réel et du virtuel, ces dispositifs d’un nouveau genre mettent l’accent sur le jeu, afin d’encourager les interactions. On peut citer le travail de la maison de création numérique Sonic Solveig pour initier les jeunes enfants à la musique classique, ou celui de la jeune start-up OVAOM, qui propose aux enfants de manipuler des instruments de musique numériques originaux.

Autre approche ludique, celle de la narration d’histoire. Ainsi, la maison d’édition Volumique propose des jeux ou des contes pour interagir avec l’écran grâce à des pliages en papier, réalisés au préalable par l’enfant. Quant à l’application Wakatoon, elle permet de colorier des images qui s’animent ensuite grâce à un système de reconnaissance sur l’appareil photo du smartphone ou de la tablette.

Il est intéressant de constater que certaines de ces applications numériques reprennent les codes des jeux de plateaux en proposant des règles et des rôles afin d’encourager l’enfant à vivre une expérience aussi créative que ludique.

L’interaction en mouvement, source d’apprentissage

D’autres dispositifs proposent aux plus petits de s’initier, sans écran, à l’informatique et à la technologie. C’est le cas de la méthode Colori, qui propose aux enfants, dès 3 ans, de nombreuses activités manuelles (coloriage, gommettes, robotique), tandis que le duo formé par KutiKuti invite l’enfant à couper, coller, colorier pour fabriquer différents objets, tels qu’une lampe ou une mini-ville.

Face à la multiplication des applications pour enfants, disponibles sur les plates-formes spécialisées, ces dispositifs restent marginaux. Ils ont au moins le mérite d’ouvrir la voie vers de nouveaux possibles dans lesquels l’interaction en mouvement avec les outils numériques est au cœur.

Accompagner l’usage numérique des tout-petits

Utiliser le numérique avec le jeune enfant, entre 3 et 5 ans, c’est donc se questionner sur la place des écrans dans la vie des enfants, et surtout insister sur les interactions sociales que cela peut générer. Un message également transmis dans le rapport publié en décembre 2019 par le Haut-Conseil de Santé Publique. Ce rapport, basé sur de nombreuses publications scientifiques, insiste notamment sur l’importance du choix des contenus et l’accompagnement des usages.

Certes, l’outil numérique permet de développer l’autonomie de l’enfant grâce au retour sur action immédiat. Cependant, il est intéressant d’observer que tous ces usages mettent en avant la place forte de personnes médiatrices, qu’il s’agisse d’un usage à l’école ou à la maison. Il ne s’agit donc pas de remplacer la relation humaine, mais bel et bien de proposer de nouvelles interactions créatives, grâce au numérique.

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