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Le pari risqué des Verts

Un Congrès pour tourner la page de la crise. Ici Sandrine Rousseau et Julien Bayou, les deux porte-parole de EELV. Alain Jocard / AFP

Après une première phase de Congrès décentralisés, qui se sont déroulés en régions le 28 mai, le Congrès des Verts (EELV) s’est tenu à Pantin samedi 11 et dimanche 12 juin derniers. Comme pour tout mouvement politique, le Congrès est l’occasion à la fois de nommer aux postes de responsabilité des délégués qui représenteront les différentes tendances issues des votes, tout en se prononçant sur les textes des différentes « motions » présentées. Mais, normalement, c’est aussi le moment d’évaluer les résultats de l’action politique des dernières années et de déterminer en commun une stratégie pour les années à venir.

De ce point de vue, la tâche des adhérents Verts est rude, car ils ont subi une série de crises internes qui ont considérablement dégradé leur image dans les médias et sans doute dans le grand public. Rappelons, pour mémoire, le brusque refus de participer au gouvernement Valls, puis la suite de démissions de leaders importants du parti (Noël Mamère, Jean-Vincent Placé, François De Rugy…) en désaccord avec cette stratégie d’isolement, enfin la perte du statut de groupe parlementaire. Sans épiloguer ici sur la douloureuse affaire d’accusation de harcèlement sexuel visant Denis Baupin.

David Cormand, réélu secrétaire national. Astre Vert/Wikimedias, CC BY-SA

La compétition individuelle, parfois rude chez les Verts, ne semble pas cette fois poser de problèmes majeurs : il n’y a pas eu de bataille entre des partisans de la ligne d’accord avec le PS et de ceux qui privilégient une alliance avec la gauche de la gauche. David Cormand, le Secrétaire national par intérim, retrouve son poste et place ses partisans en position majoritaire au sein du Bureau exécutif, l’organe dirigeant des Verts. De fait, les partisans de l’autre ligne – celle qui ne condamne pas fermement tout accord avec le PS – ont baissé pavillon en présentant une motion qui, lors des Congrès décentralisés, n’a réuni que 16,9 % des votants.

Au-delà de ces batailles pour les postes, comment les Verts interprètent-ils les crises qu’ils viennent de subir ? Quels remèdes imaginent-ils pour relancer une dynamique politique gagnante dans les années à venir, notamment dans la perspective des élections présidentielle et législatives de 2017 ? La lecture des différentes motions présentées au Congrès de 2016 donne des éléments de réponse.

« Un capitalisme inamendable »

Avant d’examiner les stratégies électorales proposées par ces textes, revenons sur une question de base : quelle analyses idéologiques proposent les motions ? Quelles visions du monde partagent-elles ?

Pour deux d’entre elles le diagnostic est clair : « Le capitalisme intrinsèquement productiviste et consumériste, même repeint en vert, est inamendable » (Motion A). « Premier écueil pour notre parti, celui de ne pas avoir eu le courage de porter au débat public un message simple, mais fondamental, celui de l’incompatibilité de l’écologie avec le capitalisme comme avec le productivisme ». (Motion B).

Passons sur la condamnation du « productivisme », constante chez les Verts depuis la fondation du parti mais reposant sur un concept finalement bien vague. Plus radicale, la condamnation du « capitalisme » suppose-t-elle le refus de l’économie de marché ? Les textes ne le disent pas, mais il est clair qu’ici la divergence avec le PS est notable, même si l’accommodement réalisé par les socialistes demeure ambigu.

Trois pôles en concurrence

La vision de l’avenir des partisans de la motion majoritaire – soutenue David Cormand – est quelque peu différente. On y lit que, désormais, trois pôles idéologiques et politiques sont en concurrence : un pôle de « l’accompagnement du système » réunissant des forces qui se disent de gauche ou de droite mais visent à une pérennité de l’économie de marché, un courant national autoritaire et un troisième pôle, enfin, qui rassemble les tenants d’un autre système et que l’écologie a vocation à fédérer.

Cette perspective, qui parie sur l’effondrement de la social-démocratie jugée définitivement « libérale », appelle logiquement une alliance avec la gauche de la gauche même si ce choix n’est pas explicitement formulé.

Au début des années 90 les partisans d’un accord de gouvernement avec le Parti socialiste (parmi lesquels Dominique Voynet et Yves Cochet) avaient peu à peu convaincu les adhérents Verts de mettre fin à l’isolement politique de ce mouvement. L’abandon, très progressif, de la stratégie du « ni droite ni gauche » préconisé par Antoine Waechter conduisit à des discussions, discrètes, avec le PS puis aux accords de la Gauche plurielle en 1997.

Dominique Voynet, ex-figure de la gauche plurielle. Guillaume Paumier/Wikimédias, CC BY-SA

Aujourd’hui cette stratégie est officiellement abandonnée. Mais, en réalité, les enquêtes menées auprès des Verts depuis les années 90 montrent que le changement d’attitude à l’égard du PS ne date pas d’aujourd’hui. A la même question « tout bien considéré, pensez-vous que la participation d’EELV à la majorité actuelle est aujourd’hui pour EELV : Plutôt un bien, Plutôt un mal ou Ni l’un ni l’autre ? », 79 % des adhérents répondaient « Plutôt un bien » en 1999, 61 % en 2002 et 49 % en 2013 (enquête d’avril mai).

La tentation d’un homme providentiel

A partir de ces positions idéologiques, quelles sont les stratégies électorales annoncées pour la séquence électorale à venir en 2017 – élection présidentielle puis législatives ?

Pour ce qui est de l’élection présidentielle, on exclut le plus souvent la participation à une« primaire de la gauche » qui ne donnerait que peu de chances à un candidat Vert de l’emporter. Le ralliement à une candidature de Nicolas Hulot semble assez général. Pourtant, ce choix d’un homme providentiel n’est guère dans la culture des Verts. Et l’on sait, d’autre part, que l’intéressé ne fera connaître sa décision d’être ou non candidat qu’à l’automne. Or nul ne peut prévoir ses dispositions à l’égard du parti Vert. Si cette solution s’avérait impossible, une candidature de Cécile Duflot paraît vraisemblable. Encore faudrait-il qu’elle soit validée par un vote des adhérents.

Cécile Duflot, si Nicolas Hulot ne se présente pas… Mathieu Delmestre/Flickr, CC BY-NC-ND

Quant aux élections législatives qui suivront la présidentielle, nul ne semble s’en préoccuper. Le choix d’une stratégie d’autonomie, autorisant seulement localement des candidatures d’union avec telle ou telle composante de la société civile ou du Front de Gauche, paraît probable. Assurément, cette stratégie sera conforme aux décisions du Congrès qui vient de se tenir parce qu’elle fait l’impasse (pour toujours ?) sur une alliance avec le PS.

Mais les conséquences d’un tel choix sont facilement prévisibles : il y a aura fort peu d’élus, pas assez en tous cas pour composer un nouveau groupe parlementaire. Et, le financement public du parti sera réduit puisqu’il dépend du nombre d’électeurs gagnés et du nombre de députés et sénateurs élus.

En définitive, le dernier congrès d’EELV marque bien la fin d’une époque, celle de l’union des gauches inaugurée en 1981 et confirmée pour les Verts par la participation au gouvernement dans le cadre de la Gauche plurielle en 1997. Le choix – risqué – des Verts consiste à faire le pari d’un effondrement de la social-démocratie, devenue (selon eux) sociale libérale, c’est-à-dire indistincte de la droite, au profit d’une autre gauche clairement opposée au libéralisme.

La séquence électorale de 2017 donnera des éléments de réponse sur la validité de ce choix.

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