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Un neurotologiste a fait état de lésions cérébrales chez le tiers des diplomates américains et leurs familles atteints du syndrome de La Havane. Shutterstock

Le « syndrome de La Havane » qui afflige les diplomates n'est pas un cas d'hystérie collective

C'est rendre un mauvais service aux hommes et aux femmes employés par les services diplomatiques des États-Unis et du Canada que de suggérer qu'ils souffrent d'un « syndrome psychogène de masse » découlant de leur mandat à La Havane.

À l'automne 2016, de nombreux membres de la mission américaine à Cuba ont commencé à développer des « symptômes d'étourdissements, de douleurs aux oreilles et d'acouphènes » - selon les médecins qui les ont examinés - après avoir perçu un bruit à haute fréquence et ressenti une pression cérébrale. À la fin de l'hiver 2017, 14 membres de la délégation canadienne ont commencé à développer des symptômes similaires.

Le mystérieux « syndrome de La Havane » a depuis fait l'objet d'intenses spéculations. La question est de savoir si les victimes souffrent d'un trouble psychogène qui survient dans l'imaginaire ou d'un trouble somatogène qui découle d'un problème physique du tissu cérébral lui-même. La maladie psychogène de masse est simplement un nouveau terme pour ce qu'on appelait autrefois l'« hystérie épidémique» ou collective.

Ces diplomates sont-ils « hystériques » ? Ou ont-ils subi une lésion causée par une sorte d'appareil destiné à leur infliger des blessures ?

Les victimes ont subi des lésions cérébrales traumatiques

L'argument de la « psychogenèse » (hystérie) est erroné à plusieurs égards.

Les symptômes de l'hystérie sont causés par l'imagination. Or, une étude dirigée par le Dr Michael E. Hoffer, neurotologiste à l'Université de Miami, a signalé des problèmes avec le système vestibulaire central (oreille interne) chez 36 % des diplomates américains et leur famille atteints du syndrome de La Havane.

Les lésions dans cette partie de l'appareil auditif seraient organiques. Les tissus ont subi une sorte d'agression. Les lésions de l'oreille interne ne sont donc pas psychogènes.

Les Canadiens touchés qui ont été évacués vers l'Université de Miami, et qui se sont ensuite rendus à l'Université de Pennsylvanie pour des examens similaires, auraient reçu un diagnostic de « traumatisme crânien semblable à une commotion cérébrale ».

Entretemps, quatorze d'entre eux poursuivent Ottawa pour avoir tardé à les évacuer et à leur offrir des traitements. Ils réclament 28 millions de dollars.

Il est faux de penser que ces diplomates et leurs familles correspondent à n'importe quel profil psychogénique. En 1974, le psychiatre François Sirois, de l'Université Laval, a analysé 70 éclosions d'« hystérie épidémique », historiques et actuelles. Sur les 70, 69 se sont produites chez des filles et des jeunes femmes. Un seul des 70 cas - l'épidémie de koro à Singapour dans les années 60 - n'a touché que les hommes. (Le koro est la croyance délirante que vos organes sexuels se rétractent à l'intérieur de votre corps).

Historiquement, l'« hystérie » - c'est-à-dire les symptômes physiques « d'origine inexpliquée » - était associée plus aux femmes qu'aux hommes. C'est parce que ce sont les femmes qui, traditionnellement, ont subi le plus de pertes et de souffrances. Elles ont souvent fait face à ces émotions en développant des symptômes corporels.

Penser que ces hommes et ces femmes d'âge moyen, évoluant dans les ambassades américaine et canadienne à La Havane, auraient pu souffrir d'une « maladie psychogénique de masse » est tout simplement incroyable.

L'endométriose a déjà été diagnostiquée comme une hystérie

Il est faux d'imaginer que leurs symptômes pourraient avoir un mécanisme psychologique. Le mécanisme de la psychogenèse/hystérie est la suggestion. Par exemple, toutes les écolières tombent par terre en vomissant à la récréation parce qu'il leur a été suggéré qu'il s'agissait du symptôme d'une maladie qu'elles croient avoir.

La perte d'équilibre, les sensations de pression à l'intérieur de leur cerveau et ainsi de suite que ces diplomates rapportent ne sont pas plus psychologiques que les oreillons.

Une voiture décapotable américaine classique passe à côté de l'ambassade des États-Unis alors que les drapeaux cubains flottent à la Tribune anti-impérialiste, sur la promenade côtière du Malecon à La Havane. (AP Photo/Desmond Boylan, File)

Le « stress » a été invoqué comme facteur psychologique. En effet, ces diplomates et leurs familles sont sous pression. Mais tout le monde l'est aussi. Le stress est une constante dans la vie moderne. Les enseignants du monde entier sont également stressés, mais ils ne développent pas cette maladie des diplomates.

Qu'est-ce qui a causé ces lésions ? C'est la question que tout le monde se pose. Mais la médecine a une longue histoire de présomption de psychogenèse lorsque la cause d'une maladie lui échappe. N'oublions pas que la sclérose en plaques chez les femmes, par exemple, a déjà été considérée comme une forme d'hystérie.

De même, avant que l'on ne découvre l'endométriose, les douleurs pelviennes chez les femmes ont aussi été diagnostiquées comme de l'hystérie.

Ne commettons plus cette erreur.

This article was originally published in English

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