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Les RH dans tous leurs états

Le travail, une question de temps

Les temps de l'entreprise sont multiples, mais elle doit tous les maîtriser. Shutterstock

Les organisations fondent leur activité sur leur capacité à gérer le temps.

Il s’agit de livrer à temps, produire dans les temps, maîtriser le temps de travail des collaborateurs… Le temps est l’indicateur central d’une activité rentable. Amazon et d’autres professionnels de la logistique l’ont compris : le temps qui court, c’est du temps perdu. Or le temps, c’est de l’argent… Pour maintenir les clients captifs, l’enjeu est de réduire le délai entre la commande et la livraison.

Cela suppose une logistique imparable et une gestion de tous les temps au sein de l’entreprise : temps de production, temps de stockage, temps de livraison, adaptation du temps de travail.

Le temps qui court ou le juste à temps

Le concept de « juste à temps » est apparu dans les années 50 dans l’industrie automobile, chez le constructeur japonais Toyota. Il s’agit de produire ce qui sera vendu, en flux tendu. Inventé par Taiichi Ohno, ingénieur industriel, ce nouveaux concept est alors le pilier de l’entreprise.

Les organisations semblent en quête du temps perdu. Les services « méthodes » traquent le gaspillage afin d’améliorer la productivité globale, les conditions de travail. Ils définissent les étapes de fabrication et les temps nécessaires à la production. Il faut produire ce que le client souhaite, dans la quantité voulue, au délai prévu.

Derrière ce process où la seule mesure est le temps, des collaborateurs sont soumis à un rythme de travail imposé. Mais pour un salarié, qu’est-ce que le temps ?

Les collaborateurs comme variables d’ajustement

Le temps de travail représente en France 35 heures hebdomadaires, 151,67 heures par mois et 1607 heures par an. Le temps est obligatoirement décompté par l’employeur et fait l’objet de contrôles éventuels de l’inspection du travail. Selon la définition de l’article L. 3121-1 du code du travail, la durée de travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.

Ce temps est compté : la durée de travail effectif ne doit pas dépasser la durée maximale de 10 heures par jour, sauf dérogations. Elle est également limitée à 48 heures sur une même semaine, ainsi qu’à 44 heures par semaine en moyenne sur une période de 12 semaines consécutives. Toutefois, la durée maximale sur une semaine peut être augmentée par dérogation en cas de circonstances exceptionnelles : elle peut alors atteindre jusqu’à 60 heures maximum (sous réserve d’accord de l’inspection du travail). La loi du 8 août 2016 donne priorité à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche en matière de durée du travail et de congés.

Mais il n’est pas toujours simple de tenir les comptes.

Le débordement du temps de travail

L’évolution digitale des entreprises et l’apparition nouveaux modes de travail nomade en réseaux rend difficile la mesure du temps de travail. Les cadres dits « autonomes » sont ainsi soumis à une convention de « forfait ». Leur temps de travail est donc décompté en jours. Ce forfait a été créé en 2 000 par la Loi Aubry. Il concernerait environ 47 % des cadres et 3 % des salariés selon une étude du Ministère du Travail publiée en 2015.

En dérogeant à la durée légale du travail, la convention de forfait évite le paiement des heures supplémentaires, mais les salariés concernés bénéficient de jours de repos supplémentaires, les RTT. La jurisprudence récente a fait évoluer ce système dérogatoire, afin de limiter les dérives relatives au temps de travail des salariés. Dans une décision en date du 23 juin 2010 (rendue publique le 14 janvier 2011), le Comité européen des droits sociaux (CEDS) avait déjà considéré que la mise en place d’une convention de forfait jours pouvait aboutir à une durée du travail « manifestement trop longue pour être qualifiée de raisonnable ».

La Cour de cassation est par ailleurs régulièrement saisie des difficultés de suivi de la charge de travail et de l’amplitude des journées d’activité des salariés. Un certain nombre d’accords de branches et d’entreprises sont ainsi régulièrement retoqués, la haute cour estimant que l’autonomie du salarié n’est pas réelle ou que la mesure de charge de travail n’est pas effective. Ces décisions garantissent la protection de la santé et du repos des salariés ainsi que l’instauration du droit à la déconnexion. Ainsi,

« Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires ».(Cour de cassation, Chambre Sociale 27 janvier 2016)

Et les heures supplémentaires ?

En cas de surcharge d’activité, un salarié peut effectuer, à la demande de l’employeur, des heures supplémentaires suivant la convention collective et avec un maximum de 220 heures par an. Les heures effectuées au-delà de 35 heures sont rémunérées comme des heures supplémentaires et majorées comme suit : 25 % pour les huit premières heures (soit de la 36e à la 43e heure incluse) ; 50 % pour les heures suivantes (à partir de la 44e heure).

Le législateur a par ailleurs prévu la possibilité d’instaurer un repos compensateur de remplacement pour les heures supplémentaires effectuées dans le cadre du contingentement. Il est possible de remplacer tout ou partie du paiement des heures supplémentaires par une récupération sous forme de repos équivalent dit « repos compensateur de remplacement ». Les droits à repos compensateur de remplacement doivent inclure la bonification des heures supplémentaires légale ou conventionnelle.

En dehors du contingent, le salarié bénéficie d’une contrepartie obligatoire en repos équivalent à 50 % pour les entreprises de vingt salariés au plus et à 100 % pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Collaborateurs au forfait et télétravailleurs, même combat

Les collaborateurs au forfait sont donc soumis à une obligation de résultats plus que de moyens. Il en est de même pour les télétravailleurs.

Le rapport de mai 2017 issu de la concertation relative au télétravail précise que les nouveaux usages facilités par les outils numériques permettent aux salariés qui le souhaitent de bénéficier d’une plus grande latitude dans la gestion de leur temps de travail sur la journée. La difficulté pour ces salariés au forfait et ces télétravailleurs est de respecter une forme de déconnexion. Ledit droit à la déconnexion a été introduit dans le code du travail à l’article L. 2242-8.

Les entreprises sont tenues de se doter d’un accord ou d’une charte précisant les modalités de l’exercice de ce droit.

À la recherche du temps perdu : le compte épargne-temps

Le CET permet au salarié d’accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu’il y a affectées. Si le salarié quitte l’entreprise (quel que soit le motif de la rupture du contrat de travail), il peut transférer ses droits auprès d’un autre employeur, à condition que la convention ou l’accord le prévoit.

À défaut, le salarié peut demander soit une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l’ensemble de ses droits acquis lors de la rupture du contrat, soit, avec l’accord de son employeur, la consignation auprès de la Caisse des dépôts et consignations des sommes acquises par le salarié.

Privilégier la flexibilité pour améliorer la compétitivité

La gestion du temps, ou plutôt, des temps, est primordiale dans une organisation qui souhaite rester compétitive et améliorer sa productivité. Il est notamment indispensable d’en garder la maîtrise pour satisfaire les clients. Le manager gardera donc les yeux rivés sur son compteur.

Dans ce contexte, le code du travail est un facteur limitant car il impose des contraintes sur la gestion du temps de travail. Celles-ci peuvent impacter défavorablement la performance de l’entreprise lorsqu’elle est mise en concurrence mondiale avec des organisations qui ne sont pas soumises aux mêmes impératifs normatifs.

En définitive, les entreprises auront donc tout intérêt à se doter d’accord d’entreprise favorisant la flexibilité du temps de travail.

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