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Hip Hop Management

Le triple coup de génie stratégique de François Hollande

François Hollande. Sacha Sachou

Ne croyez pas ce que vous lirez ici ou là, c’est bien un triple coup de génie stratégique qu’a réussi François Hollande en s’inspirant du meilleur de la recherche en stratégie : Steve Jobs.

Jugez plutôt les « données » du problème de « double bind » comme les connaissent bien les férus de l’école de Palo Alto, des stratégies thérapeutiques familiales en général et de Paul Watzlawick en particulier. Et la qualité du « décadrage » opéré par le président Hollande.

D’un côté, vous êtes président en exercice, votre « famille » rêve de tuer le père - alors que vous estimez avoir convenablement fait votre boulot pendant plus de quatre ans. Accessoirement plane sur vous l’ombre d’un risque d’attentat avant l’échéance fatale qui tranchera sur le renouvellement (ou non) de votre mandat.

D’un autre côté, vous étiez bien conscient en 2012 que votre prédécesseur aurait eu tout à gagner à ne pas se représenter - quelle belle preuve d'immaturité stratégique de se (re)présenter quand il est évident qu’on a perdu d’avance ! -, vous avez pleinement conscience que vous n’avez aucune chance de sortir grandi du piège des primaires qui se dresse devant vous, et que si vous cherchez à l’esquiver, c’est de toute façon votre échec assuré : vous deviendrez même le bouc émissaire parfait de la défaite future.

Alors sujet : au milieu de ce capharnaüm , que faites-vous, et comment ? Réponse : tel François Hollande, vous filez sur Mars. En trois coups de génie stratégique.

Trois coups

Le premier coup de génie, c’est d’avoir réussi à occuper le terrain de la primaire de droite, avec la parution d’un ouvrage dont on a beaucoup parlé. Parce qu’à l’heure de l’information continue, la valeur magique du silence théorisée en son temps par François Mitterrand (comme la « parole rare » théorisé par Jacques Chirac) n’est plus opérante. Et s’il s’agit d’un coup de génie, c’est bien parce que quitte à descendre le toboggan des sondages comme c’est inévitable pour un président en exercice lorsque le contexte est difficile, autant en précipiter la pente. Sinon, pourquoi aurait-il reçu de façon si assidue les auteurs ?

Le second coup de génie, c’est d’avoir évidemment attendu la primaire de la droite et du centre avant de se prononcer. Et, au sortir du chapeau, une droite qui se trouve dans les cordes de ses propres traditions historiques extrêmes, ses rêves de libéralisme tatcherien et d’autorité gaullienne… Mais qui n’a pas compris que le sport automobile ce n’est pas le sport du nouveau siècle, que c’était celui de l’ancien, de la vieille société industrielle finissante.

Aujourd’hui, c’est autre chose : c’est dans l’espace, dans les médias sociaux, que dansent les plumes et s’impriment les nouveaux rythmes stratégiques. Avec deux adversaires - et non des moindres - éradiqués du paysage, qui pourrait rêver meilleure configuration pour un président… qui ne serait donc pas candidat ?

Car voilà bien le troisième coup de génie stratégique. Se retirer de la course, c’est organiser sa remontée mécanique dans les sondages : si la théorie du silence mitterrandien ne fonctionne plus, celle de la disparition stratégique pourrait bien en revanche être d’une redoutable efficacité à l’heure de la société du selfie. En effet, il ne reste plus au président Hollande qu’à regarder ses anciens ministres et premier ministre se dévorer et se neutraliser réciproquement sur le ring de primaires, dont ils ressortiront à l’évidence politiquement exsangues.

Le « traître » Macron a beau se défendre, le procès opère déjà à merveille. Quant à l’orgueilleux premier des ministres, l’inversion des courbes avec celle du président n’est qu’une question de semaines dès lors précisément que Manuel Valls ne bénéficiera plus du bouclier de l’impopularité du président et qu’il ne pourra, lui-même, résister bien longtemps au procès en trahison.

Voilà donc le triple coup de génie stratégique de François Hollande : aucun candidat de gauche ne parviendra probablement à s’imposer dans un contexte, national comme international, appelé à être semaine après semaine toujours plus tendu, sur fond de montée des taux d’intérêt au plan économique, et de risque majeur d’attentat au plan politique.

À suivre…

En février prochain, François Hollande pourrait donc concrétiser le rêve stratégique d'un Nicolas Sarkozy en 2012 puis lors de son retour à la tête d'une UMP devenue, sous son impulsion, « républicaine » : apparaître comme l'homme providentiel de l'élection présidentielle, face à un ancien premier Ministre Fillon qui n’aura tout simplement pas compris que c’est la nature même de la course à la présidence qui a désormais définitivement changé.

Du vrai hip & hop, chapeau l'artiste !

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