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« L’envers des mots » : Quantique

On met au point aujourd'hui des ordinateurs quantiques qui bénéficient de vitesses de calculs considérables. Shutterstock

À mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies, notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ? De « validisme » à « silencier », de « bifurquer » à « dégenrer », les chercheurs de The Conversation s’arrêtent deux fois par mois sur l’un de ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.


Le terme « quantique » est très présent dans l’actualité, entre la remise du prix Nobel à Alain Aspect et la course technologique en information quantique… L’usage de ce mot remonte en fait à l’aube du XXe siècle, avec le développement de la mécanique ou physique quantique qui initia une véritable révolution du savoir et dont les conséquences ne sont pas encore épuisées. On parle aujourd’hui de logique, hasard, cryptographie, intrication, ordinateur quantiques.

Venant du latin « quantum » (pluriel « quanta ») qui signifie « combien », l’adjectif « quantique » évoque un comptage et, en pratique, un quantum de matière ou d’énergie correspondra à un grain élémentaire, insécable. La mécanique quantique est la théorie qui décrit l’évolution des phénomènes dans le monde de l’infiniment petit, celui des particules élémentaires.


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Le terme quanta fut d’abord introduit par Max Planck. En 1900, il émet l’hypothèse que les échanges d'énergie entre matière et rayonnement se font non pas continûment mais par petites quantités discrètes. Ses travaux analysaient le rayonnement du corps noir, une cavité chauffée emplie de gaz qui émet de la lumière. Le spectre lumineux observé n'était pas en accord avec le calcul classique, et Planck postula que l'énergie au lieu d'être répartie continument ne peut prendre que des valeurs discrètes. Par la suite, Niels Bohr conçut le modèle planétaire de l’atome dans lequel les électrons tournent autour du noyau sur des orbites d’énergies quantifiées.

La physique classique prédit exactement la trajectoire d’un objet décrit par des positions et des vitesses bien définies, en physique quantique on ne sait que calculer des probabilités de réalisation parmi une infinité de trajectoires possibles.

Une confirmation décisive vint en 1905 quand Einstein interpréta l’effet photoélectrique. Une plaque métallique illuminée peut produire de l’électricité. L’intensité de la lumière n’est pas le critère nécessaire, en revanche la couleur est cruciale : l’effet n’apparaît qu’avec des raies de haute fréquence. Einstein imagina la lumière composée d’un flux d’objets élémentaires qu’il appelle photons, chacun portant, selon l’hypothèse de Planck, une énergie qui dépend de la fréquence : E = hf, E désigne l’énergie et f la fréquence, h étant une grandeur physique universelle appelée constante de Planck.


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Ainsi l’effet s’expliquait comme une collision entre les électrons du métal et les photons de lumière incidente. Une énergie minimum est nécessaire pour extraire les électrons de la plaque, ce que permettent les photons bleus plus énergiques mais pas les rouges.

Interpréter la lumière comme un flux de quanta amenait à un dilemme. La nature de la lumière avait été débattue depuis le XVIIe siècle entre la vision granulaire de Newton et celle ondulatoire de Huyghens. Avec les équations de Maxwell, la nature d’onde semblait définitivement avérée. Après 1905, la « quantification de la lumière » revenait avec force.

Alors, la lumière est-elle une onde ou un flux de corpuscules ? Les deux, voilà la surprenante réponse. C’est la fameuse dualité onde-corpuscule qui admet deux facettes de la réalité : la lumière interagit sous forme de photons mais elle se propage sous forme d’onde. Et cela est général : les électrons eux-mêmes peuvent se comporter comme une onde.

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Cela amène à des conséquences qui peuvent choquer le bon sens, remettant en cause le déterminisme classique. En particulier, Heisenberg écrivit ses relations d’incertitudes qui nous enseignent qu’il est impossible de connaître précisément la position et la vitesse d’une particule.

L’une des conséquences les plus troublantes se révèle avec l’intrication, honorée par le prix Nobel 2022. La fonction qui représente une particule est non locale, elle n’est pas limitée à un point et ceci permet qu’une interaction en un endroit se répercute instantanément en d’autres endroits, ce qui semble contredire la relativité qui limite la vitesse de propagation de toute information. Ceci est vérifié par l’expérience de deux photons produits simultanément qui « communiquent » même séparés par plusieurs kilomètres.


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De nombreuses technologies découlent de la physique quantique : l’énergie nucléaire autant par fission que par fusion, le microscope électronique, le laser, les transistors et autres circuits imprimés… La médecine lui est redevable de l’imagerie par résonance magnétique, la radiothérapie. Plus récemment l’intrication a permis d’imaginer une cryptographie quantique et on met au point des ordinateurs quantiques qui bénéficient de vitesses de calculs considérablement accrues.

Il est fascinant de penser que toutes ces conséquences si importantes naissent d’une science qu’Einstein refusait comme incomplète et qui amena l’aveu de Feynman : « Je crois pouvoir affirmer que personne ne comprend vraiment la physique quantique. »

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