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Les entreprises « nées mondiales » : quels dispositifs d’aide publique faut-il privilégier ?

Le stand BPI France, au salon Vivatech. Pierre Métivier / Flickr, CC BY-NC-ND

Fin août 2023, le gouvernement français lançait le plan « Osez l’export » avec l’objectif de passer de 150 000 à 200 000 entreprises exportatrices d’ici 2030. L’initiative découle du constat suivant : les PME françaises ne seraient pas assez présentes sur les marchés étrangers, autrement dit, pas assez compétitives à l’international. L’enjeu est aussi celui de la réindustrialisation de la France.

Aussi pourrait-on commencer par interroger sur l’efficacité des aides publiques déjà déployées en faveur des petites entreprises présentes à l’international. Tel a été l’objectif de notre étude récente, publiée dans Économie et Statistique, la revue de l’Insee. Nous y examinons le lien entre différents dispositifs d’aide publique octroyés par la Banque publique d’investissement (Bpifrance) et les performances des entreprises « nées mondiales » dans le secteur manufacturier en France.

Ces entreprises, autrement appelées « born globals » dans la littérature anglo-saxonne, sont celles qui réalisent au moins 20 % de leur chiffre d’affaires grâce à l’export dès leurs trois premières années d’existence. Ce sont aussi celles qui intéressent le plus les pouvoirs publics dans la mesure où elles incarnent l’espoir d’un fort potentiel de compétitivité et de croissance. Ces entreprises ont par ailleurs été pointées par de grandes institutions telles que l’OCDE ou l’Eurofound, qui plaident depuis le début des années 2010 en faveur de mécanismes visant à promouvoir l’internationalisation des PME et en particulier des jeunes entreprises innovantes.

Nous nous sommes concentrées, dans nos travaux, sur la période 1998-2015, celle pour laquelle la désindustrialisation a été particulièrement marquée dans l’Hexagone.

Les born globals, des entreprises plus performantes

Ces jeunes entreprises ne sont pas très nombreuses en France. Sur notre période d’observation, elles représentent environ 3 % des nouvelles entreprises. Par comparaison, les entreprises non exportatrices représentent environ 85 % des entreprises nouvellement créées que nous observons. Les 12 % restants sont soit des entreprises qui deviennent exportatrices précocement mais de manière moins intense (les born exporters dans notre terminologie), soit des entreprises qui deviennent exportatrices mais plus tardivement (les late exporters dans notre terminologie).

Même si leur nombre est faible, les entreprises dites born globals méritent l’attention que leur accordent les pouvoirs publics. En effet, du fait de leur précoce insertion internationale, ces entreprises pourraient être plus à même d’endiguer la perte de compétitivité du secteur manufacturier français responsable de la désindustrialisation particulièrement marquée sur notre période d’étude. Un soutien plus fort des pouvoirs publics aux entreprises born globals manufacturières serait-il à même de relancer certains secteurs industriels, notamment les plus intensifs en technologie ?

Pour y répondre, nous combinons des données d’entreprises issues de l’Insee et des Douanes et des données sur les aides d’État octroyées aux entreprises françaises fournies par Bpifrance. Nous nous concentrons sur les entreprises opérant dans le secteur manufacturier français, un secteur pour lequel les enjeux de pertes de compétitivité sont particulièrement forts.

La comparaison des performances des born globals avec celles des entreprises non exportatrices, mais aussi avec les born exporters et late exporters, conforte l’a priori selon lequel ces entreprises sont en moyenne plus performantes que leurs homologues qui n’exportent pas ou qui exportent de manière moins intense ou moins précoce. Du point de vue de la performance économique, il ressort que les entreprises born globals ont en moyenne des chiffres d’affaires, des emplois salariés et des productivités du travail plus élevés. Sans surprise, l’écart de performance le plus fort est observé vis-à-vis des entreprises non exportatrices. Du point de vue de la performance commerciale, les born globals sont également plus performantes en moyenne que les autres exportatrices. Elles exportent vers plus de destinations, plus de variétés de produits et ces produits sont en moyenne de qualité supérieure.

Moins susceptibles d’accéder aux financements les plus efficaces

De nombreuses contraintes peuvent freiner l’internationalisation d’une entreprise et même empêcher une « née mondiale » d’entrer sur le marché. Ces entreprises sont en règle générale innovantes en plus d’être jeunes. Elles ont donc de forts besoins en matière de financement externe mais elles font face également à plus de contraintes de financement que les autres entreprises. Par nature moins capables d’offrir des garanties nationales que les entreprises qui s’établissent d’abord localement avant de s’étendre à l’étranger, elles pourraient aussi être les moins aptes à fournir les collatéraux nécessaires pour accéder aux financements externes.

Dans ce cadre-là, les aides publiques peuvent apparaître comme un réel soutien aux born globals sous réserve qu’elles soient effectivement adaptées à leurs besoins.


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Dans notre étude, nous analysons la probabilité qu’ont ces jeunes pousses d’obtenir différents types de fonds publics : des subventions à l’innovation, des prêts publics ciblant des projets innovants ou internationaux, et enfin des prêts non ciblés soutenant l’investissement dans les capacités productives de l’entreprise. Il ressort que les entreprises born globals ont une probabilité plus forte de recevoir des aides à l’innovation et des aides à l’internationalisation. Elles sont en revanche moins susceptibles de recevoir des prêts d’investissement.

Il peut paraître paradoxal que des entreprises qui cherchent à s’étendre rapidement sur de nombreux marchés internationaux aient moins recours aux prêts d’investissements visant précisément à étendre les capacités productives. Une explication potentielle est que ces entreprises pourraient être les moins aptes à fournir les collatéraux nécessaires pour accéder aux financements externes, incluant les prêts publics.

Surtout que, parmi toutes les aides accordées, il ressort de notre étude que l’outil le plus efficace est le prêt d’investissement. Son rendement global s’avère élevé, tant en matière de chiffre d’affaires que d’emploi, quand celui des autres instruments est parfois proche d’être nul. Autrement dit, les entreprises « nées mondiales » obtiennent de meilleures performances après avoir reçu cette aide. Ce dernier résultat nous conforte dans l’idée que ces entreprises, en dépit de leur déficit de collatéral domestique, devraient bénéficier d’un meilleur accès aux prêts d’investissement et non pas seulement aux prêts ciblés sur leurs projets d’innovation ou d’internationalisation.

Nos résultats suggèrent ainsi qu’il serait possible d’améliorer l’efficacité de l’allocation des aides publiques en réorientant une partie des aides sous forme de prêts d’investissement vers les born globals.

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