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Illustration d'égalité hommes femmes
Au sein des 120 plus grandes entreprises françaises, les conseils d’administration ont atteint la quasi-parité, avec 46,4% de femmes en moyenne. Shutterstock

Les femmes dirigeantes, un catalyseur des performances environnementales et sociales pour les entreprises

La féminisation des instances dirigeantes (comités exécutifs et de direction) des grandes entreprises françaises est en cours. Le rapport 2024 IFA-Ethics&Boards montre qu’en 2024, 44 % des entreprises du SBF120 (indice boursier regroupant les 120 principales sociétés cotées) respectent déjà le seuil de 30 % de dirigeantes, objectif fixé par la loi Rixain de 2021 pour toutes les entreprises de plus de 1000 salariés à partir de 2026.

Les conseils d’administration ont quant à eux atteint la quasi-parité, avec 46,4 % de femmes en moyenne dans les conseils des entreprises du SBF120, dépassant les paliers des quotas de genre prévus par la loi Copé-Zimmerman de 2011 (20 % en 2014 et 40 % en 2017).

Cette féminisation concerne également les comités mis en place au sein des conseils des sociétés du SBF120 : les femmes représentent 51,8 % des comités d’audit, 49,9 % des comités de rémunération et même 64,8 % des comités dédiés à la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Elles sont désormais majoritaires dans les présidences des comités d’audit (53,3 %), les comités de nomination (53 %), de rémunération (58,3 %) et RSE (76,6 %).

Les quotas de femmes entraînent également des modifications en profondeur de la composition des équipes et des conseils avec un rajeunissement, ainsi qu’une plus grande diversité de formation et d’expériences antérieures.

Une expertise précieuse

Si la féminisation des conseils est acquise, et celle des comités exécutifs en marche, la question de leur impact sur les performances financières et boursières des entreprises reste cependant loin d’être tranchée. En effet, les différentes études présentent des résultats hétérogènes : certaines (les plus anciennes) relèvent un impact négatif sur les valorisations boursières ; d’autres montrent au contraire que la présence de femmes permet d’améliorer les performances comptables, conduit à des acquisitions de meilleure qualité, ou réduit les fraudes dans l’entreprise.

Dans un article récent, nous nous intéressons à l’impact de l’arrivée des femmes dans les conseils d’administration sur les performances environnementales et sociales (E&S) des entreprises. Parce qu’elles contribuent à la satisfaction des salariés, des clients et des fournisseurs, ces performances E&S sont susceptibles d’accroître la valeur de l’entreprise.

Nous montrons ainsi qu’après 2011 et l’implémentation des quotas, les performances E&S des entreprises concernées, mesurées par les critères ESG (pour environnementaux, sociaux et de gouvernance) d’Asset4 (du fournisseur américano-britannique de données sur les marchés financiers Refinitiv) ou de Vigeo-Eiris (de l’agence de notation financière Moodys), ont été significativement améliorées (+12 % en moyenne).

Pourquoi les femmes seraient-elles plus à même d’améliorer ces performances ? De nombreuses études montrent une appétence à la fois plus grande et plus ancienne des femmes pour les questions de transition environnementale et les aspects sociaux. Certaines femmes ont ainsi pu développer une expertise précieuse, dans leurs missions mais également dans le domaine de l’investissement où elles ont été pionnières dans la prise en compte des questions E&S.

Les fonds d’investissement dirigés par une femme apparaissent, par exemple, plus susceptibles de voter pour des résolutions liées à des questions E&S en assemblée générale. De plus, selon une enquête du cabinet de conseil PWC réalisée en 2022, 66 % des administratrices déclarent que la réduction de l’impact du changement climatique constitue une priorité, même si elle a un impact négatif sur les performances à court terme, contre 45 % des administrateurs. 65 % des administratrices, mais seulement 55 % des administrateurs, pensent que les questions E&S sont liées aux choix stratégiques.

Le rôle significatif des administratrices

Comment procédons-nous pour établir nos résultats ? Lorsque la nomination d’administratrices relève uniquement de la volonté de l’entreprise, le lien de causalité entre la part des femmes dans les conseils et les stratégies E&S reste en effet difficile à prouver, les entreprises les plus responsables étant les plus susceptibles de nommer plus de femmes dans leurs conseils.

Dans notre article, nous considérons la loi Copé-Zimmerman sur les quotas dans les conseils comme un choc exogène, qui nous permet de mesurer l’impact d’une féminisation contrainte. Sur la période 2007-2016, nous comparons les performances E&S des entreprises françaises soumises à la loi des quotas à celles d’un groupe de contrôle d’entreprises non affectées.

Dessin d’une femme d’affaires
Selon une enquête du cabinet de conseil PWC réalisée en 2022, 66 % des administratrices déclarent que la réduction de l’impact du changement climatique constitue une priorité, contre 45 % des administrateurs. Openclipart.org/j4p4n, CC BY-SA

Plusieurs pays européens ont également instauré des quotas dans les conseils d’administration (par exemple l’Italie, l’Espagne, ou plus récemment l’Allemagne) ou mis en place des codes de bonnes pratiques de gouvernance incitant à féminiser les conseils (Royaume-Uni) et ne peuvent être retenus comme groupe de contrôle.

C’est pourquoi, dans notre étude, nous comparons les entreprises françaises à des entreprises américaines similaires (même taille, même secteur et performances E&S comparables avant 2011). En effet, un seul État américain, la Californie, a introduit des quotas de femmes dans les conseils en 2018, mais la loi a été invalidée en 2022, et cette expérience temporaire s’est étendue sur une période postérieure à notre période d’étude.

Nous comparons également les entreprises françaises à des entreprises qui étaient cotées à Paris avant la loi sur les quotas, mais qui, ayant leur siège social hors de France, n’étaient pas concernées par la loi Copé-Zimmerman. Nos résultats montrent que les administratrices jouent un rôle significatif dans l’accroissement des performances E&S des entreprises, d’autant plus qu’elles atteignent une masse critique dans le conseil, représentant au moins 15 % de ses membres.

Les comités RSE ne font pas tout

Nous explorons ensuite les canaux par lesquels les administratrices sont susceptibles d’avoir un effet positif sur les performances E&S. En premier lieu, nous nous attachons à la structure des conseils d’administration. À la suite de l’instauration des quotas, nous observons que le nombre de comités RSE (qui peuvent avoir des dénominations diverses) a doublé. De surcroît, ces comités restent très fréquemment composés d’une majorité de femmes et présidés par une femme, ce que les statistiques précitées de l’étude IFA-Ethics&Boards confirment pour 2024.

Cependant, les comités RSE ne sont pas les seuls leviers de l’augmentation des performances E&S. En effet, l’impact de la part des femmes dans les conseils persiste même pour les entreprises qui ont choisi de ne pas créer un tel comité.

Les comités RSE restent très fréquemment composés d’une majorité de femmes et présidés par une femme. Shutterstock

Les quotas ont également amené les femmes à être plus présentes dans les comités traditionnels, d’audit et de nomination en particulier, et de les présider plus fréquemment. Or ces comités jouent aussi un rôle majeur en termes de performances E&S. Le comité d’audit supervise la divulgation et le contrôle des informations E&S, tandis que le comité de nomination veille aux compétences E&S des administrateurs. Si les femmes sont plus orientées vers des politiques E&S, elles ont ainsi plus de pouvoir pour les mettre en œuvre.

Plus d’expérience E&S que les hommes

Pour finir, nous mettons en évidence les caractéristiques objectives des administratrices qui pourraient expliquer leur plus grande orientation vers des politiques E&S. Dans tous nos tests, nous tenons compte des différences d’indépendance, d’âge, de durée de présence dans les conseils et de la taille du réseau relationnel des administrateurs. Nous construisons un indicateur d’expérience E&S, qui retrace l’activité des administrateurs dans des domaines E&S (ressources humaines, éducation, environnement, comités E&S). Nous calculons également la longueur de cette expérience.

En utilisant ces indicateurs, nous constatons que, parmi les administrateurs, les femmes ont deux fois plus d’expérience E&S que les hommes, et pour une durée plus longue. Après 2011, les compétences moyennes des conseils d’administration en matière E&S ont ainsi augmenté en raison de l’arrivée de femmes ayant une expertise E&S, entrainant l’accroissement des performances E&S des entreprises.

Nous en concluons que la féminisation des conseils d’administration a permis aux femmes, dotées en moyenne de plus d’expérience E&S que les hommes, et grâce à leur pouvoir accru, de promouvoir plus largement les priorités et stratégies E&S dans les entreprises, qui restent particulièrement importantes en cette période de transition environnementale.

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