« On choisit les hommes gentils en dernier » est l’un des axiomes connus de la drague. En substance, voilà l’idée : les femmes hétérosexuelles ont beau jeu d’affirmer qu’elles cherchent des qualités de gentillesse chez un partenaire. Mais en fait, ce qu’elles désirent, c’est le défi que représente un rendez-vous avec un « voyou ». L’idée est si répandue que certaines personnes en viennent même à la monnayer, en commercialisant des livres sur le développement personnel et en affirmant comment draguer une femme en l’insultant – pratique connue sous le nom de « negging ».
Un article publié sur le site Broadly le prétendait il n’y a pas si longtemps : « Tout le monde sait que les vilains garçons sont des objets de désir. Grâce à une étude récente, le fait est maintenant vérifiable scientifiquement. » La recherche dont l’article se fait l’écho est une étude publiée cette année : elle suggérait que certains hommes fument et boivent parce que cela les rend plus désirables comme partenaires occasionnels.
Abrutis insensibles et machos
Mettons de côté le fait que l’article confond « mauvais » avec boire et fumer (comme l’a écrit une fille sur le Net), le « mal », c’est bien autre chose que de fumer 20 cigarettes par jour et de boire comme s’il n’y avait pas de lendemain. Alors est-il vraiment exact que les femmes préfèrent les vilains garçons (comprendre : les abrutis insensibles et machos) ? Examinons un témoignage scientifique quelque peu fiable.
Une façon d’explorer le problème consiste à présenter des mâles hypothétiques, dotés de personnalités diverses à des femmes et de voir qui elles préfèrent. Dans une recherche de ce type, les participantes devaient aider un personnage de fiction, appelé Suzanne, à choisir un partenaire parmi trois concurrents masculins, en fonction des réponses qu’ils apporteraient à ses questions. Dans l’un des cas, l’homme se montrait aimable, en phase avec ses sentiments, attentionné et bon. Dans une deuxième version, il était – comme il se décrivait lui-même – un « vrai mec » aussi insensible que peu amène. Le troisième concurrent lui se contentait de donner des réponses neutres.
Alors, demandait-on aux participantes à l’étude, sur quel concurrent Suzanne devait-elle fixer son choix et lequel préféreraient-elles si elles avaient à le choisir pour elles-mêmes ? Contrairement au stéréotype selon lequel les braves types arrivaient bon derniers, le concurrent gentil fut choisi le plus souvent à la fois pour Suzanne et pour elles-mêmes.
Une autre étude demandait à ses participantes de lire des petites annonces de rencontre dont les auteurs se décrivaient plein d’altruisme (« Je milite pour la banque alimentaire »). Ces précisions ont été jugées davantage attractives pour des rencontres occasionnelles – comme pour des liens à plus long terme – que dans le cas où les annonceurs ne mentionnaient pas ces qualités. D’autres recherches ont montré de la même façon que les femmes préfèrent des hommes sensibles, sûrs d’eux et faciles à vivre. Et que très peu de femmes (sinon aucune) ont le désir de se lier avec un homme agressif ou exigeant. Le tableau qui en ressort est clair : quand les femmes classent des partenaires hypothétiques, elles préfèrent à l’évidence des hommes gentils.
En fait, le pouvoir de la gentillesse ne doit pas être sous-estimé. Divers travaux ont prouvé qu’être doué d’une personnalité de ce type peut même jouer sur l’attirance physique. Des traits comme la chaleur, la prévenance et la toute simple bonne éducation sont appréciés à la fois par les hommes et les femmes, les rendant des partenaires plus désirables, mais les faisant aussi apparaître comme physiquement plus attractifs.
Le pouvoir d’attraction des narcissiques
Bien sûr, nous trouvons parfois attirantes des « mauvaises personnes ». Les narcissiques, individus d’un haut degré de suffisance, de supériorité, d’arrogance, emplis du sentiment que tout leur est dû et empressés d’exploiter les autres, sont souvent perçus comme attractifs, du moins quand on les rencontre pour la première fois ? Cela tient peut-être au fait qu’ils investissent beaucoup dans leur apparence ainsi qu’à la façon dont on les perçoit. Des études l’ont montré : les femmes narcissiques ont tendance à se maquiller plus et à exhiber leur décolleté davantage que les femmes dotées d’un moindre degré de narcissisme tandis que les hommes passent plus de temps à travailler leur musculature.
À très court terme, les narcissiques peuvent même paraître plus équilibrés, plus amusants et habituellement plus gentils. Mais, à long terme, ils ont du mal à maintenir une impression favorable et on les perçoit comme moins équilibrés, moins chaleureux et davantage hostiles.
De manière peu surprenante, cela montre que les narcissiques n’aiment pas les relations à long terme qui les engagent et que, de toute façon, ils n’y réussissent pas.
Et il peut exister toutes sortes de raisons pour lesquelles des gens finissent par se lier avec de « mauvaises personnes ». Ou bien ils reproduisent peut-être les schémas dont ils étaient coutumiers lors de relations précédentes. Ou alors, ils trouvent stressant l’univers des rencontres et finissent par prendre des décisions erronées. Ou encore, ils adhèrent tout simplement au mythe des rencontres et se conduisent selon ses règles. Mais, pour la plupart, il est établi qu’aussi bien les femmes que les hommes préfèrent des partenaires gentils et repoussent les abrutis.
Le problème avec le stéréotype on-ne-choisit-pas-les-types-gentils – en dehors du fait qu’il va à l’encontre de preuves scientifiques établies depuis des années –, c’est qu’il peut compromettre la possibilité de nouer des rapports ayant du sens. La persistance de cette idée toute faite ne soulève pas seulement des attentes sur la façon dont on doit se conduire, mais essayer de vivre à la hauteur de ce mythe peut parfois produire un effet néfaste sur les relations.
Enfin, l’idée selon laquelle les femmes aiment rencontrer des voyous renforce l’idée misogyne de femmes traîtresses et de « braves » garçons déroutés par leur manque de succès. Cela permet à certains hommes de critiquer et de haïr les femmes, moyen pour eux de détourner l’attention de leurs propres insuffisances. Aussi, si vous vous tournez vers la science pour avoir un avis, c’est simple : soyez gentil.