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Vue d'artiste du satellite SVOM en orbite autour de la Terre.
Lancé le 22 juin, le satellite SVOM sera à l’affût des sursauts gamma, les explosions les plus violentes ayant lieu dans l’Univers. Oliver Sattler/CNES

Les secrets des sursauts gamma, les flashs les plus lumineux du cosmos, révélés par le satellite SVOM

Les sursauts gamma sont les événements les plus lumineux jamais observés dans l’Univers depuis le Big Bang. Il s’agit de phénomènes transitoires, c’est-à-dire très succincts, caractérisés par un flash intense de rayonnements gamma. Ils sont imprévisibles, éphémères et d’origine encore incertaine. Quelle physique cachent-ils ? Sont-ils les messagers des premières étoiles de l’Univers ? Permettent-ils de sonder le passé ? L’objectif principal de la mission SVOM (Space-based multi-band astronomical Variable Objects Monitor), lancée ce 22 juin est d’étudier les sursauts gamma pour en révéler les mystères.

Pourquoi observer les sursauts gamma ?

Manifestation d’une explosion gigantesque, la puissance qui se dégage des sursauts gamma est considérable, équivalente à plus d’un milliard de milliards de soleils. Scrutés sous toutes leurs coutures, ils ne seront plus vus comme des objets mystérieux, mais plutôt comme de formidables révélateurs de l’inconnu. Témoin d’un passé révolu, ils donneront des indications quant à leur milieu d’origine et sur les conditions de leur formation, et permettront de mieux comprendre l’astrophysique de l’extrême.

On sait désormais que les sursauts gamma se produisent dans des galaxies très lointaines, si éloignées que certaines d’entre elles sont répertoriées comme les objets les plus distants mesurés aujourd’hui. Or, compte tenu de la vitesse finie de la lumière, regarder loin c’est remonter le temps et ainsi observer loin dans le passé ! Tels des phares éphémères du cosmos, les sursauts gamma permettent donc de sonder l’Univers aux différentes époques de son histoire et de mieux comprendre comment les galaxies se sont formées au cours du temps. Ils nous donnent aussi des indications sur la composition de l’Univers au cours de son histoire.

De plus, les équipes de recherche du monde entier pourront observer des phénomènes cosmiques transitoires, c’est-à-dire des objets éphémères dont la luminosité varie dans le temps, tels les supernovæ ou les phénomènes à l’origine des ondes gravitationnelles. Cette forte implication dans l’observation des phénomènes transitoires fera de la mission SVOM un partenaire incontournable pour l’ensemble de la communauté scientifique internationale.

Les sursauts gamma, des laboratoires aux conditions extrêmes

La débauche d’énergie du sursaut, la vitesse des particules éjectées et les chocs successifs avec le milieu environnant sont autant d’éléments qui permettent de voir les sursauts gamma comme des laboratoires nous offrant des conditions extrêmes, impossibles à reproduire sur Terre. L’énergie des particules accélérées par le sursaut est jusqu’à un million de fois supérieure à ce que les plus puissantes machines terrestres comme le Large Hadron Collider (LHC) du CERN peuvent produire.

Les étoiles extrêmement massives (plusieurs centaines de fois la masse du Soleil) sont selon plusieurs scénarios à l’origine de sursauts longs durant jusqu’à plusieurs dizaines de minutes, conséquence de l’effondrement de ces étoiles très massives. Étudier ces sursauts longs pourrait nous aider à mieux cerner la première génération d’étoiles de l’Univers et comment elles se sont formées dans ces temps lointains.

À l’inverse, les sursauts courts (moins de deux secondes) pourraient être associés à des émissions d’ondes gravitationnelles. La coalescence de deux astres compacts (étoile à neutron et/ou trou noir) est un scénario probable pour expliquer ce phénomène. Néanmoins, les phases de la fusion ou le produit de la coalescence (probablement un trou noir) sont encore mal compris. Des détections combinées sursaut gamma – ondes gravitationnelles, comme lors de la fusion de deux étoiles à neutrons observée le 17 août 2017, permettront de consolider le scénario du sursaut court.

Comment se forment les sursauts gamma ?

La majorité des sursauts gamma recensés aujourd’hui semblent apparaître lors de l’effondrement d’une étoile en fin de vie, suffisamment massive pour fournir l’énergie nécessaire à l’éjection de matière à très grande vitesse. C’est cette matière, lorsqu’elle se propage dans le milieu environnant, qui va permettre la transformation de cette énergie en radiation gamma. Au moment de l’explosion, on distingue plusieurs étapes expliquant l’apparition du sursaut, selon le modèle dit de la « boule de feu ».

Schéma du modèle de la boule de feu : les différentes couches de matière projetées lors de l’effondrement de l’étoile finissent par se rattraper, ce qui provoque une émission de rayons gamma. La matière interagit ensutie avec le milieu interstellaire
Illustration du modèle de la boule de feu. NASA’s Goddard Space Flight Center/Wikimedia

En s’effondrant, l’étoile produit des jets de matière, essentiellement des électrons, éjectés par à-coups dans une direction particulière. Cela forme des couches successives de matières qui sont expulsées à des vitesses différentes mais toutes de très grande ampleur, proches de celle de la lumière. Ces couches finissent par rentrer en collision, les plus rapides rattrapant les plus lentes. Ces chocs vont engendrer de manière brusque des rayons gamma. C’est ce qu’on appelle l’émission prompte. Cette matière interagit aussi avec le milieu environnant de l’étoile. Ceci donne lieu à des rayonnements moins intenses, moins énergétiques et s’étalant dans le temps. On y retrouve des rayons X, de la lumière visible et des ondes radio. C’est l’émission rémanente.

L’émission rémanente dure plus longtemps que l’émission prompte. Elle décroît progressivement en quelques heures, jours voire mois. Ceci permet de mener des programmes d’observation avec des télescopes au sol ou dans l’espace, à condition de disposer d’une position suffisamment précise du sursaut. De plus, pour percevoir un sursaut gamma, il faut que les jets de matière émis par l’étoile soient bien alignés en direction de la Terre. Les informations fournies par l’émission rémanente sont capitales pour une meilleure compréhension du phénomène déclencheur des sursauts et des conditions régnant dans l’environnement des étoiles qui les produisent.

Les objectifs de la mission SVOM

C’est pour répondre à ces interrogations que la mission SVOM a été conçue. Mais observer des sursauts gamma n’est pas une simple affaire ! L’étude scientifique des sursauts gamma doit en effet répondre à de multiples contraintes, toutes plus complexes les unes que les autres. Il faut dans un premier temps repérer le flash de lumière gamma. Celui-ci peut apparaître n’importe quand et n’importe où sur la voûte céleste et il ne dure que quelques secondes. Dès son apparition, c’est une véritable course contre la montre qui est enclenchée.

Qui plus est, le rayonnement gamma est bloqué par l’atmosphère de la Terre ! La détection doit donc avoir lieu depuis l’espace. Les instruments, installés sur le satellite SVOM, ont pour tâche de récolter des données qui seront transmises sur Terre en un minimum de temps. L’enjeu majeur de la mission est de pouvoir déterminer l’origine du sursaut gamma : d’où vient-il et de quand date-t-il ?

Seule l’analyse spectrale de la lumière, c’est-à-dire étudier de quelles longueurs d’onde elle est composée, permettra de répondre à cette dernière question, analyse qui sera réalisée par les grands télescopes terrestres à partir de rayonnements dans le visible et l’infrarouge qui suivent les rayons gamma. Les observations coordonnées à différentes longueurs d’onde sont donc la clé pour comprendre ce phénomène astronomique. La mission SVOM devra fournir une localisation suffisamment précise du sursaut pour que, depuis la Terre, il soit possible de l’observer alors que l’explosion initiale perd en énergie et en intensité.

Une coopération franco-chinoise

La mission SVOM est une mission franco-chinoise et sera lancée le 22 juin 2024 par la fusée chinoise Long March 2C depuis la base de lancement de Xichang, dans la province du Sichuan. C’est le fruit d’une collaboration entre les deux agences spatiales nationales, la China National Space Administration (CNSA) et le Centre national d’études spatiales (CNES). Le satellite pèse un poids total de 950 kg pour une charge utile de 450 kg. Il sera placé sur une orbite terrestre basse à une altitude de 625 km. À cette distance, il ne lui faudra que 96 minutes pour faire le tour de la Terre.

La mission comporte quatre instruments principaux dont deux sont français et deux sont chinois, et chacun de ces instruments possède une gamme d’observation spécifique. En ce qui concerne les instruments français, le télescope ECLAIRs a pour mission de détecter et localiser les sursauts gamma dans la bande des rayons X et des rayons gamma de basse énergie (de 4 à 250 keV ou kiloélectronvolts) alors que le télescope MXT (Microchannel X-ray Telescope) observera les sursauts gamma dans le domaine des rayons X mous (de 0,3 à 10 keV).

Du côté des instruments chinois, le détecteur de sursaut gamma GRM (Gamma Ray Burst Monitor) mesure le spectre des sursauts à haute énergie (de 30 keV à 5000 keV) et le télescope VT (Visible Télescope) opère dans le domaine de la lumière visible pour détecter et observer l’émission produite immédiatement après un sursaut gamma.

Les différents instruments du satellite : ECLAIRS, GRM, VT et MXT
Les instruments à bord du satellite SVOM. Shanghai Engineering Centre for Microsatellites (SECM), Fourni par l'auteur

Les observations depuis l’espace seront complétées par des instruments au sol comportant la caméra à grand champ GWAC (Ground-based Wide Angle Camera) pour étudier, dans le domaine visible, l’émission prompte d’une partie des sursauts détectés et les télescopes robotiques GFT (Ground Follow-up Telescope) pour mesurer avec précision les coordonnées du sursaut gamma.

SVOM est une mission scientifique ambitieuse s’inscrivant dans le domaine de recherche en plein essor que représente le ciel transitoire. En déployant au sol et dans l’espace des instruments interconnectés, et grâce à des scientifiques d’astreinte à l’affût 24 heures sur 24, SVOM devrait permettre des avancées significatives dans la compréhension des sursauts gamma et l’utilisation de ces objets pour mieux étudier l’Univers jeune et s’approcher des toutes premières étoiles.

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