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Les six impacts de la blockchain sur la profession d’audit

Illustration d'une blockchain
Les cabinets d'audit investissent plusieurs milliards de dollars par an dans la technologie blockchain. Publicdomainpictures.net, CC BY-SA

La blockchain, comme d’autres nouvelles technologies numériques (robotique, big data, analytics, intelligence artificielle, etc.), est en train de bouleverser les pratiques au sein des entreprises, y compris dans les cabinets d’audit, qui ont pour mission de certifier les comptes et d’apporter du conseil aux entreprises. Si le système de traitement et de validation de l’information, qui est l’objet même de l’audit, est en train de changer avec la blockchain, cela impacte les activités des cabinets et la manière dont ils concevront à l’avenir leur modèle économique.

Conscients du potentiel de développement très important de la blockchain, les cabinets d’audit investissent plusieurs milliards de dollars par an dans cette technologie. Comme d’autres technologies, la blockchain présente des défis et des opportunités que les auditeurs doivent comprendre et saisir, au risque de voir leur profession exercée par d’autres sociétés technologiques. Comment la blockchain va-t-elle transformer le métier ? Quelle est la perception des auditeurs des implications possibles de cette technologie sur le processus d’audit et le développement de leur métier ?

Sur la base d’une étude qualitative menée sur un échantillon d’auditeurs impliqués dans cette technologie au sein des « big four », qui désignent les quatre cabinets d’audit dans le monde, nos résultats montrent que la blockchain pourrait impacter les cabinets d’audit au moins à six niveaux clés.

1. Vers un audit plus pertinent

La blockchain facilite la dématérialisation des documents comptables qui ne sont plus des documents papiers mais des documents électroniques avec une identification unique et inviolable. Cette procédure permet une diffusion simultanée et sécurisée des informations et documents, ce qui donne plus de confiance aux données communiquées entre les différentes parties prenantes.

L’information comptable, qui représentait une information spécifique à chaque entreprise, sera transformée, avec la blockchain, en un système d’information partagé et certifié collectivement.

Selon nos répondants, ce processus a un impact positif sur le travail de l’auditeur. Comme toutes les informations et tous les documents stockés sur une blockchain sont disponibles, les auditeurs pourront accéder à toutes ces informations sans avoir à attendre et à les demander à leurs clients. Un associé de l’un des « Big Four » s’en réjouit :

« Le processus d’audit peut être effectué à distance, ce qui permet d’économiser du temps et des coûts précédemment consacrés à la collecte et à la vérification des preuves. »

Ce gain de temps permettra aux auditeurs de se concentrer sur les activités à forte valeur ajoutée pour le client comme l’analyse des estimations comptables en fin d’exercice, l’évaluation des systèmes de contrôle au niveau de la blockchain, l’estimation des zones de risques, etc. Ceci a pour conséquence d’augmenter l’efficacité des audits réalisés et d’améliorer la qualité de l’audit.

2. Vers un audit complet des données

Actuellement, l’audit est basé sur des données historiques relatives aux états financiers de l’année précédente et ne fournit qu’un niveau de certification raisonnable. L’opinion de l’auditeur est principalement basée sur une approche fondée sur l’analyse des risques associé à l’entreprise, son organisation et son système de contrôle interne et sur l’utilisation des techniques d’échantillonnage dans les travaux d’audit. Or, comme le souligne un enquêté :

« En plus d’offrir des informations authentiques et codées, la blockchain offre la possibilité de faire évoluer le processus d’audit d’un contrôle d’une partie raisonnable des informations disponibles à un contrôle exhaustif de toutes les données disponibles… »

En effet, comme la blockchain offre l’accès à toutes les données de l’entreprise qui deviennent instantanément disponibles, l’auditeur peut, dans ce cas, réaliser un audit utilisant toutes ces données. Cela est notamment possible lorsqu’elle est combinée avec d’autres technologies comme le big data, la robotique et l’analytics.

3. Vers un audit centré sur le test des contrôles

Comme certaines transactions frauduleuses peuvent être glissées dans « la chaîne », l’efficacité des contrôles internes entourant la blockchain devient par ailleurs un élément crucial dans le processus d’audit. Ainsi, l’audit portera donc davantage sur le test des systèmes de contrôle mis en place dans la blockchain que sur les tests de transactions comme traditionnellement, souligne une personne interviewée :

« La véritable question pour l’auditeur ne serait plus de vérifier l’authenticité des transactions conclues, mais plutôt de vérifier l’efficacité des systèmes de contrôle mis en place pour les sécuriser ».

Face à une blockchain spécifique, l’auditeur devra se concentrer sur des éléments comme la qualité du code de la blockchain, les changements de protocole, la répartition du pouvoir entre les pairs, etc. plutôt que sur des tests de transactions directes pour s’assurer de la fiabilité des informations hébergées sur cette blockchain.

4. Vers un audit continu

Aujourd’hui, l’auditeur intervient pour vérifier des informations anciennes relatives à l’exercice passé. L’utilisation généralisée de la blockchain dans les pratiques commerciales va, selon nos répondants, offrir aux auditeurs la possibilité d’élargir leurs champs d’audit en mettant en place un processus d’audit continu permettant la validation des informations dès leur production.

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En effet, plusieurs vérifications d’informations qui faisaient partie du processus d’audit traditionnel (post-clôture) ne seront plus nécessaires si ces informations sont stockées et peuvent être examinées sur une blockchain. Par exemple, l’inventaire qui se faisait manuellement peut être réalisé rapidement et en continu avec la blockchain.

5. Vers un rôle plus stratégique d’audit

Une fois la technologie blockchain intégrée et appliquée plus largement, le rôle des cabinets d’audit évoluerait, selon nos répondants, vers un rôle plus stratégique. Compte tenu de la disponibilité des données via la blockchain, l’auditeur sera en mesure d’analyser ces données, de les interpréter pour leur donner du sens et les rendre utiles à la prise de décision des dirigeants. Comme le reconnaît un associé au sein d’un big four :

« Nos clients ont très souvent perçu l’audit comme un centre de coût à faible valeur ajoutée. La blockchain donne aujourd’hui l’opportunité à la profession de rendre l’audit plus pertinent permettant aux clients d’identifier leurs faiblesses, de faire progresser leurs systèmes de contrôle et de développer leurs activités ».

L’auditeur peut donc passer d’un simple contrôleur de la fiabilité de l’information à un conseiller stratégique pour son client et donc à un partenaire essentiel.

6. Vers le développement de nouveaux services

Enfin, la blockchain donne aux auditeurs l’opportunité de proposer de nouveaux services. Selon nos interviewés, les cabinets d’audit peuvent par exemple jouer le rôle de planificateur et de coordinateur des participants potentiels d’une blockchain. De même, ils peuvent tirer parti de leur expertise en matière d’audit informatique pour développer de nouveaux services d’audit du contrôle interne des blockchains, y compris l’intégrité et la sécurité des données, la gestion du changement et la gouvernance des blockchains :

Pour que les cabinets d’audit puissent relever ce dernier défi, comme les cinq décrits précédemment, et réussir cette transition d’ampleur, ils doivent donc prendre les devants et investir massivement pour s’approprier la technologie. Cela peut notamment passer par le recrutement de nouvelles compétences technologiques dans l’analyse des données, l’acquisition de start-up spécialisées dans la blockchain et la formation du personnel existant afin qu’il puisse s’adapter aux défis futurs.

En outre, les cabinets d’audit doivent aussi développer une culture de l’innovation dans toutes leurs unités opérationnelles pour garantir l’évolution de leur offre de services et s’adapter aux nouveaux besoins du marché.

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