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Nos années Trump

L’ombre de Flynn plane et inquiète la Maison Blanche

L'ancien ministre Michaël Flynn, le 1er décembre, à Washington. Chip Somodevilla/AFP

Beaucoup avaient oublié qu’il y a dans quelque recoin du pouvoir aux États-Unis un procureur spécial, Robert Mueller, qui enquête et poursuit son patient travail de démêlage d’une bobine vraiment très embrouillée, que l’on appelle « l’affaire russe » (Russiagate). Depuis près de deux ans, par petites ou grosses touches, les journaux ne cessent d’en distiller des épisodes. Mais ils sont parfois si différents les uns des autres, et les acteurs dans cette pièce sont si nombreux que peu de gens ont réussi à garder le fil de l’histoire.

D’ailleurs, les Américains, lorsqu’ils sont interrogés à ce sujet, se contentent d’émettre une opinion assez vague, mus par un sentiment qu’effectivement quelque chose n’est pas clair dans cette affaire, sans être forcément convaincus que leur président y est directement et personnellement impliqué. Jusqu’au début de ce mois, les partisans de Trump affirmaient toujours être fermement persuadés – à 75 % tout de même ! – que tout cela n’était qu’intox politique. L’inculpation de Michael Flynn va-t-elle changer les choses ?

Le début de la fin ?

Lorsque ce dernier est entré, vendredi 1er décembre, dans le palais de justice fédéral à Washington pour conclure un accord impliquant sa totale coopération avec les enquêteurs, les adversaires les plus farouches de Trump ont immédiatement considéré que cet épisode marquait le début de la fin de sa présidence. L’affaire russe n’est-elle pas, en effet, le meilleur moyen d’atteindre le Président ? A leurs yeux, Flynn pourrait bien se révéler être l’homme qui permettra d’abattre celui qui semblait jusqu’ici indestructible.

Depuis la nomination de Robert Mueller à la tête d’une enquête indépendante, ces opposants n’ont jamais douté que Trump finirait en prison. Le magistrat recueille patiemment ses preuves, auditionne les témoins, perquisitionne, se fait communiquer de grandes quantités de documents, y compris de la part de la Maison Blanche. Il prend soin de faire valider ses progrès par le grand jury qu’il a constitué et et qui l’autorise à chaque fois à poursuivre un peu plus loin son enquête.

La possibilité d’un impeachment

Les relations entre la Russie et les États-Unis sont au centre de cette interminable enquête visant à déterminer si le Kremlin a interféré dans le processus démocratique américain en tentant de modifier le résultat des élections présidentielles, et si la campagne de Donald Trump a été impliquée dans cet éventuel scandale. Plusieurs proches du 45e président sont régulièrement cités dans ce dossier. Certains ont même déjà été inculpés, comme Paul Manafort, l’éphémère directeur de campagne du candidat Donald Trump au début de l’été 2016.

Au vu de la proximité avec l’actuel président de tous ces hommes placés dans le viseur de la justice, nombre d’observateurs estiment élevée la possibilité que le locataire de la Maison Blanche puisse lui-même être emporté dans la tourmente via une procédure d’« impeachment », prévue par la Constitution.

Avec l’inculpation de Manafort, Robert Mueller détenait déjà un très gros poisson dans ses filets, mais cela semblait ne pas suffire. Avec Michael Flynn qui, rappelons-le, a occupé le poste de ministre à la Sécurité intérieure au sein du gouvernement de Donald Trump, l’étau s’est singulièrement resserré et il n’y a plus beaucoup de monde au-dessus de Michael Flynn dans la hiérarchie du pouvoir à la Maison-Blanche. L’accord de coopération qui lui a été proposé démontre pourtant que le procureur a des visées plus ambitieuses encore.

Confusion générale

Il n’est certes pas inconcevable que quelqu’un de très haut placé ait donné l’ordre ou l’autorisation à Flynn d’entrer en contact avec les Russes avant même l’élection de Donald Trump ou pendant la transition. Une telle démarche est totalement interdite en vertu de la loi Logan, qui exclut de négocier avec un gouvernement étranger, à moins d’en avoir reçu l’autorisation officielle de le faire. Flynn, qui a admis avoir menti au FBI – ce qui est un délit grave –, est passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à cinq ans derrière les barreaux.

Reste à savoir qui est cet autre gros poisson que Robert Mueller voudrait bien attraper dans son filet. Brian Ross, un journaliste vedette de la chaîne ABC, a pris un peu rapidement pour argent comptant des informations fragiles qui lui ont été communiquées à ce sujet, désignant le président en personne. Sa chaîne l’a mis à pied pour quatre semaines pour manque de déontologie et de retenue.

Mais la confusion est devenue générale lorsque Donald Trump a tweeté lui-même qu’il avait renvoyé Michael Flynn parce que ce dernier… avait menti au FBI. Personne n’a oublié les déclarations sous serment de James Comey. L’ancien directeur du FBI a assuré que, juste avant d’être limogé, le président lui avait demandé expressément de ne pas poursuivre son ministre.

Échange musclé sur Twitter

Il n’en fallait pas plus à Walter Shaub, l’ancien directeur de la Commission d’éthique du gouvernement, pour s’en prendre à son tour à Donald Trump, lui aussi à travers des messages postés sur Twitter. L’échange a été musclé, et Donald Trump a fini par répondre qu’il n’avait jamais demandé à James Comey d’interrompre son enquête sur le général Flynn.

Reste que désormais, même en considérant que Robert Mueller ne détient aucun élément permettant de faire le lien entre le président des États-Unis et l’affaire russe, le procureur dispose à présent d’un motif pour auditionner Donald Trump en raison d’une suspicion d’obstruction à la justice.

L’affaire est donc très loin d’être terminée. Et tandis que Trump continue à parler de « chasse aux sorcières », ses opposants se reprennent à espérer cette destitution qu’ils appellent de leurs vœux depuis le premier jour de sa présidence. Encore une fois un peu trop vite, d’après l’avocat personnel de Donald Trump, John Dowd, qui fait une interprétation totalement inédite de la Constitution et affirme que son client ne peut pas être accusé d’obstruction à la justice puisqu’il est « le garant de la justice » d’après l’Article II. l’argument est hardi. Qu’en pensera le procureur Mueller ?

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