Menu Close

L’université debout face aux attentats

Manifestation étudiante au Mans pour rendre hommage aux victimes des attentats du 13 novembre. Jean-François Monier/AFP

« Nous sommes unis. Nous sommes debout. Paris X ». Dans la journée du 16 novembre, jour d’hommage aux victimes des attentats de Paris, un twittos – sans doute étudiant si l’on en juge par son profil –, poste un message qui fait écho aux milliers d’autres ponctués par le hashtag #universitédebout.

Fait inédit, l’initiative de ce mot-dièse ne revient pas à des utilisateurs ordinaires de Twitter, ni même à des étudiants bouleversés par la tragédie et en quête de mobilisation, mais à la très officielle Conférence des présidents d’universités (CPU) et, plus précisément encore, à son président, Jean-Loup Salzmann.

Le 14 novembre au matin, il signe un tweet avec ces quelques mots : « Paris Attentats. Université debout ». Il y ajoute le hashtag #universitédebout et l’adresse du compte de l’établissement qu’il dirige, Paris XIII. Très vite, le tweet est repris par le service de communication de l’université, le président de Cergy-Pontoise, François Germinet, puis de nombreux responsables et enseignants-chercheurs d’autres universités.

Le phénomène viral est en route, s’amplifiant le 15 novembre, atteignant son sommet le lendemain, jour de la minute de silence, où il touche de nombreux étudiants.

Amplifier le message

Le vendredi 13 novembre au soir, les universités franciliennes avaient déjà utilisé les réseaux sociaux pour informer les étudiants de la fermeture des établissements le lendemain, conformément à la mise en place de l’état d’urgence.

Mais l’initiative de Jean-Loup Salzmann est d’une autre nature. Il s’agit de « faire quelque chose », de répondre à l’immense émotion qui saisit la communauté universitaire, et, en quelque sorte, d’amplifier le message délivré, en janvier, après l’attentat contre Charlie-Hebdo.

A l’époque, Alain Beretz, président de l’université de Strasbourg, déclarait : « Nous sommes concernés comme citoyens, mais aussi comme universitaires. Sans liberté, il n’y a pas d’université. L’université se caractérise par la liberté de penser, de chercher, d’enseigner, de publier. C’est aussi cela qu’on a voulu tuer à Charlie Hebdo.

Alain Beretz est précisément l’un des premiers à relayer le hashtag #universitédebout.

Jeunesse fauchée

Mais, cette fois, c’est la jeunesse qui a été fauchée par le terrorisme. Contrairement à ce qui s’était passé dix mois plus tôt, ce n’est plus seulement l’opposition entre la connaissance et l’ignorance, la liberté de penser et l’obscurantisme, la démocratie et la violence barbare qui construit l’imaginaire commun, mais l’idée qu’on s’est attaqué à une façon d’être et à une manière de vivre, propres à la jeunesse, et singulièrement la jeunesse estudiantine.

« Génération Bataclan », titre Libération, le 15 novembre.

Dès le 14 novembre, les réseaux sociaux se sont mobilisés pour aider les parents et amis sans nouvelle de leurs proches. Diffusant le portrait des disparus, Twitter s’est transformé en chaîne de solidarité pour réunir des renseignements. Et puis, un à un, les appels ont cédé la place aux avis de décès. Parmi les victimes se sont égrainés les visages et les noms d’étudiants et de professeurs assassinés par les terroristes, auxquels toute la communauté universitaire pouvait s’identifier. S’est allongée la longue liste des établissements en deuil : Paris 1, Paris 3, Paris 4, Marne-la-Vallée, l’INALCO, Montpellier, Bordeaux…

Réponse

Le 15 novembre, François Germinet poste : « Etudiants, vous êtes la réponse à ces atrocités ». Au-delà de l’émotion, c’est désormais cette réponse qui doit se manifester par un élan collectif de la communauté universitaire.

On a tellement dit sur l’université, tellement glosé sur sa « crise » et son échec, tellement ironisé sur une armée de paresseux encadrés par des incapables ! Et combien d’articles sur ces jeunes désorientés, ne croyant en rien, ne pensant qu’à eux-mêmes !

La mobilisation du 16 janvier est une réponse, certes aux attentats et à la défense d’une certaine idée de l’humanité, mais aussi à l’image détestable qui colle au modèle universitaire jugé déliquescent.

Simple expression de l’émotion, le hashtag #universitédebout se transforme en outil de rassemblement : un à un, les établissements donnent rendez-vous pour la minute de silence du 16 novembre. Dès midi, de toutes les universités de France, sont postés des photos et des vidéos qui témoignent de mobilisations plus fortes qu’en janvier.

Fierté

En de nombreux lieux a retenti la Marseillaise. Le mot qui revient, alors, dans les messages écrits par les étudiants, est « fierté » : « On était plus de 3000 étudiants réunis pour la minute de silence. Fière de ma fac » ; « Fière de ma fac ! Fière d’être française » ; « Fier de mon université, et fier de mon pays »… L’Université relève la tête.

Dans ce mouvement, les présidents d’universités ont répondu à l’urgence de souder les communautés universitaires et d’accompagner le choc collectif, mettant en place des cellules d’écoute, ouvrant des cahiers de recueil, organisant des collectes de sang. Mais on ne pouvait s’en tenir là. Spontanément, un peu partout, le geste symbolique s’est prolongé par des échanges sur les attentats entre étudiants et professeurs, l’université affirmant ainsi qu’elle est un lieu de réflexion.

L’originalité d’« Université debout » tient à ce qu’elle révèle. Les enseignants qui l’ont impulsé ont voulu dire leur attachement à un certain idéal de l’Université, lieu de transmission des connaissances et valeurs humanistes, loin du rôle d’hypermarché du savoir utilitariste qu’on voudrait souvent lui voir jouer.

En répondant à l’appel, les étudiants et toute la communauté universitaire leur ont donné raison d’y croire. Une lueur d’espoir au milieu de la tragédie.

Want to write?

Write an article and join a growing community of more than 182,500 academics and researchers from 4,943 institutions.

Register now