Nous accompagnons cet article d’un message de l’équipe Citique suite au décès de l'auteur : « Jean-Francois Cosson, nous a quitté trop tôt le 18 octobre 2019. Titulaire d’un diplôme de médecine vétérinaire, Jean-Francois Cosson était directeur de recherche à l’Inra et l’auteur de plus de 200 publications scientifiques. Fervent défenseur des sciences participatives, Jean-François Cosson a eu l’idée avec ses collègues de lancer le programme Citique visant à faire travailler, ensemble, chercheurs et citoyens pour mieux comprendre l’écologie des tiques afin d’améliorer la prévention des maladies qu’elles transmettent. Son expérience et ses compétences scientifiques uniques, mais aussi son enthousiasme, son sens du partage et son optimisme communicatifs, ont été les moteurs de Citique, qui est aujourd’hui cité en exemple de manière unanime par la communauté scientifique et les acteurs de la société civile. Il a laissé un formidable héritage que ses collègues d’INRAE continuent à suivre et développer ».
Toutes les études convergent. En Europe de l’Ouest, 30 % à 50 % des piqûres de tiques ont lieu dans les jardins privés et les parcs municipaux.
Évidemment, pas n’importe quel parc ou jardin ; et c’est ici la bonne nouvelle : si nous parvenons à diminuer les risques de piqûre dans ces lieux, nous aurons alors fait un grand pas dans la prévention des maladies liées aux tiques.
Si le risque d’être piqué par une tique dans votre jardin du centre ville est à peu près nul, ce n’est pas le cas dans votre potager ou votre aire de pique-nique préférée en pleine campagne ou à l’orée d’une forêt. C’est que les tiques Ixodes ricinus, l’espèce qui pique le plus fréquemment l’homme, aiment les milieux humides pour survivre, et habités d’une grande diversité d’animaux (rongeurs, chevreuils, oiseaux et lézards) pour se nourrir et se reproduire.
Sur la base de ces constatations toutes simples, des équipes formées de scientifiques et de citoyens commencent à réfléchir et à mener des expérimentations sur comment aménager nos parcs et jardins de façon à limiter ces piqûres. Avec en ligne de mire, une réduction des risques de 30 à 50 % pour les personnes et leurs animaux domestiques.
Au jardin, évitez l’ombre et l’humidité
Les tiques ayant besoin d’ombre et d’humidité, on peut réduire leur présence en créant des aires dégagées et ensoleillées : coupez la végétation, élaguez la base des arbres, enlevez les tas de feuilles et scellez les murs de pierre et les allées empierrées ; placer les haies et les massifs loin des zones fréquentées ; laissez sécher complètement la pelouse entre deux arrosages et compostez – ou brûlez – la végétation coupée.
Si votre habitat jouxte une forêt, aménagez une bande d’un mètre de large avec des plantes espacées sur du paillis sec (écorce) ou du gravier. Recouvrez les aires de jeux et les aires de pique-nique de cette même matière et aménagez de petits chemins. Les tiques auront ainsi beaucoup plus de difficultés à entrer et à circuler dans votre jardin. Un pesticide pourra être appliqué de manière sélective sur ces zones aménagées pour augmenter l’effet barrière.
Déparasitez les animaux
Animaux domestiques (chiens, chats) et sauvages peuvent ramener des tiques adultes – qui pourront pondre des milliers d’œufs – dans nos parcs et jardins.
C’est pourquoi il faut régulièrement déparasiter les animaux domestiques, que ce soit mécaniquement (avec brosse et peigne) ou à l’aide de révulsifs ou d’acaricides.
Mais que faire avec les animaux sauvages ? On pourra par exemple installer une clôture pour empêcher le passage de chevreuils qui constituent la source de nourriture de plus des trois-quarts des tiques adultes, et sont donc essentiels à leur reproduction.
Pour les rongeurs, mulot sylvestre ou campagnol roussâtre, la tâche s’avère plus compliquée. Contrôler leur population par piégeage demeure en effet peu efficace, ces derniers et leurs tiques recolonisant rapidement les endroits. La solution consisterait à les déparasiter eux aussi à l’aide de pièges automatiques spécialement créés à cet effet.
C’est de cette façon que des citoyens du New Jersey ont fait chuter de 90 % l’abondance des tiques et la prévalence de l’infection de Borrelia burgdorferi (l’agent infectieux de la maladie de Lyme) après seulement deux ans d’utilisation.
Dans le Connecticut, les autorités ont également mis en place des stations pour déparasiter les chevreuils avec des résultats convainquants.
Favorisez leurs ennemis naturels
Les tiques ont relativement peu d’ennemis naturels, mais des témoignages concordants indiquent toutefois que les pintades et les poules constituent de redoutables mangeurs de tiques.
On peut également les confronter à leurs propres parasites : des vers microscopiques de différentes espèces (Steinernema carpocapsae ou Heterorhabditis bacteriophora) – complètement inoffensifs pour l’homme et les animaux domestiques – sont par exemple conseillés. Mélangez les vers avec de l’eau et dispersez-les dans votre jardin en veillant à garder la zone traitée bien humide pendant une bonne semaine pour permettre aux vers de bien s’y établir. L’efficacité de cette méthode n’est cependant pas garantie car ces vers sont également actifs contre de nombreux insectes (dont certains utiles contre les maladies végétales) ; cela provoque un effet de dilution et diminue l’impact sur les tiques en milieu naturel.
Plus efficaces, les champignons entomopathogènes, qui parasitent les arthropodes, insectes et acariens, et finissent invariablement par les tuer. Beauveria bassiana ou Metarhizium anisopliae sont les plus utilisés en lutte biologique. Les habitants du comté de Dutchess (New York) assistés d’équipes scientifiques ont ainsi réduit de 60 % la densité des tiques dans leurs propriétés, en capturant les rongeurs avec des pièges spéciaux qui les pulvérisent de spores de ces champignons. Les rongeurs sont ensuite libérés et les champignons s’occupent de les déparasiter en tuant leurs tiques.
Si pour faire face aux situations les plus difficiles, certains voudront se tourner vers les pesticides, il faut rappeler ici que leur utilisation réclame une grande prudence et un usage ciblé sur les zones aménagées décrites plus hauts dans les endroits les plus fréquentés ; nombre de pesticides demeurent en effet très nocifs pour les animaux domestiques, les enfants, la faune et la flore.