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Puit de pétrole aux États-Unis
Depuis la Révolution industrielle en 1850, les habitants de la terre utilisent de plus en plus de pétrole. Rawpixel

ga-fusions et avenir radieux : comment les entreprises pétrolières voient le futur

Au cours des dernières semaines, Chevron et ExxonMobil, les deux plus grandes entreprises de pétrole américaines, ont annoncé des fusions. Les deux entreprises ont racheté des concurrents plus petits : ExxonMobil a acquis Pioneer pour 60 milliards de dollars, et Chevron a racheté Hess pour 53 milliards. Ces investissements dans le secteur du pétrole vont leur permettre d’agrandir leur capacité de production. En d’autres termes, ces entreprises pensent que les ventes de pétrole vont se poursuivre malgré les effets catastrophiques du changement climatique.

On pourrait pourtant penser, entre l’Accord de Paris en 2015 et la peur ambiante autour du changement climatique, que ces sociétés envisagent de changer leur activité et se concentrer plus sur les énergies renouvelables. Certes, en Europe, Shell et BP on fait de légers efforts pour investir dans les énergies renouvelables à la marge de leurs activités. Mais aux États-Unis, il n’en est rien. Les entreprises pétrolières ont de grands projets d’expansion dans le secteur des énergies fossiles. Et ces récents achats de concurrents montrent que les entreprises pétrolières américaines les plus puissantes voient la vie en rose.

Toujours plus de pétrole

La guerre en Ukraine et les augmentations de prix du pétrole qui ont suivi ont augmenté la confiance en l’avenir des producteurs de pétrole. Après avoir atteint des prix négatifs pour quelques jours en 2020, le pétrole s’échange désormais à nouveau à un prix qui donne de l’espoir aux majors américaines ExxonMobil et Chevron.

Si l’on regarde l’histoire, leur optimisme est justifié. Depuis la Révolution industrielle en 1850, les habitants de la Terre utilisent de plus en plus de pétrole. Et les technologies énergétiques ne se remplacent jamais mais s’additionnent : la découverte du pétrole n’a pas réduit l’utilisation du charbon, qui est plus polluant. Et les énergies renouvelables n’ont pas réduit l’extraction de gaz ou pétrole. L’humanité utilise aujourd’hui plus de charbon que jamais, et la production de charbon a augmenté presque chaque année depuis 1850.

Donc si le passé est un guide pour le futur, les producteurs de pétrole ont bien de quoi se réjouir. Même si en privé, les géants du pétrole célèbrent leur avenir radieux, en public, ils ont bien compris que le vent avait tourné en termes d’opinion publique sur le climat. En regardant de loin, on pourrait presque croire que les grands patrons de Chevron et Exxon sont des activistes du climat.

En 2017, Darren Woods, le patron de Exxon, avait ainsi écrit au président américain Donald Trump pour l’exhorter de rester dans les accords de Paris. Un acte digne de Greta Thunberg. Trump avait en effet exclu les États-Unis de ce traité signé aujourd’hui par 195 pays (l’actuel locataire de la Maison-Blanche, Joe Biden, a par la suite changé cela). Darren Woods et son entreprise Exxon sont aussi de grands défenseurs de la taxe carbone et publiquement, Exxon comme Chevron intervient souvent en faveur d’une taxe sur le CO2.

Un étonnant soutien à la taxe carbone

La taxe carbone prévoit de taxer les entreprises en fonction des tonnes de CO2 qu’elles émettent. Comme les entreprises pétrolières sont parmi les plus polluantes au monde, elles ont un intérêt à éviter ces taxes. Mais une nouvelle étude que j’ai récemment publiée dans le journal Ecological Economics montre que la majorité des grandes entreprises pétrolières soutiennent les taxes carbone, y compris Exxon et Chevron.

En effet, 78 % des grandes entreprises pétrolières se déclarent en faveur d’une taxe carbone parmi celles qui se sont exprimées. Beaucoup d’entreprises pétrolières ne communiquent pas sur le sujet, mais celles qui le font apparaissent le plus souvent favorables à une taxation sur la pollution, surtout pour les 50 plus grandes entreprises de gaz et pétrole.

Mais pourquoi ? C’est comme si les boulangers demandaient une taxe sur le blé… Des interviews sous couvert d’anonymat avaient déjà montré que les lobbyistes d’ExxonMobil soutiennent la taxe carbone, car ils savaient qu’elle était impossible à implémenter politiquement. En effet, un lobbyiste d’Exxon interviewé en caméra cachée avait admis qu’aux États-Unis, une telle loi impopulaire aux yeux des électeurs ne passerait jamais le Congrès.

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Enfin, la mise en place d’une fiscalité du carbone nécessite la mise en place d’une coordination internationale. En effet, si la Chine commençait à taxer ses entreprises pour le CO2 qu’elles émettent, mais que les États-Unis refusaient, cela rendrait la Chine moins concurrentielle. Les produits chinois taxés seraient alors plus chers et se vendraient moins. Au vu de la fragmentation géopolitique du monde, un accord international semble donc peu probable.

Une taxe carbone aux frontières pourrait constituer une manière de sortir de cette impasse. C’est l’idée de l’Union européenne qui met progressivement en place depuis le 1er octobre 2023 un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF). Ce mécanisme taxerait tout bien produit à l’étranger qui n’a pas déjà été taxé dans son pays de production.

De cette manière, il s’agirait d’une taxe de douane pour tous les pays qui refusent de mettre en place une taxe carbone. Cette taxe pourrait être une solution, mais l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pourrait la juger contre les règles de libre-échange.

En attendant que toutes ces « réglementations-licornes » soient mises en place, Exxon, TotalÉnergies et toutes les grandes entreprises pétrolières continuent de réaliser des superprofits…


Read more: En avril 2020, le pétrole atteignait -40 dollars (et pas seulement à cause du Covid-19)…


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