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Moraliser la vie publique ? Faisons un Pacte d'intelligence émotionnelle !

Le fronton de l'Assemblée nationale, à Paris. Mathieu Thouvenin/Flickr, CC BY-NC-ND

« Calcul politique, oui. Instinct politique, non. Intelligence analytique, absolument. Intelligence émotionnelle, zéro. » Tony Blair, à propos de Gordon Brown.

Dans le monde des affaires, lorsqu’on décide de trouver un cadre dirigeant à qui l’on confiera de grandes responsabilités, on soumet les candidats au poste à une batterie de tests psychologiques pour, au final, ne retenir que le ou la meilleur(e). Celui ou celle dont les qualifications et la personnalité profonde correspondent le mieux au poste.

Ces individus catapultés tout en haut de la hiérarchie auront pour mission d’imposer un cap à leur organisation, entraînant dans leur sillage les destins des hommes et des femmes qui la composent. Une erreur de casting et c’est la catastrophe.

Que sait-on vraiment des politiques ?

Le président Emmanuel Macron, qui se veut « jupitérien ». Ibrahim Ajaja/World Bank/Flickr, CC BY-NC-ND

Pourquoi le processus de recrutement de nos représentants politiques serait-il différent de celui d’un cadre dirigeant ? À l’heure où le Président Macron mobilise la société civile à l’Élysée et au Parlement, n’a-t-on pas à apprendre du monde de l’entreprise et à transposer des recettes qui marchent (sans mauvais jeu de mot) ?

Dirigeants d’entreprise et dirigeants politiques n’ont-ils pas de nombreux devoirs en commun ? Comme celui d’écouter, de comprendre, de sonder le climat émotionnel de leur organisation, d’être le pare-feu à certaines de nos angoisses et peurs, de libérer les énergies émotionnelles et de servir au mieux ceux qu’ils représentent et qui les paient.

Nous confions pendant cinq ans, les manettes de la France à des représentants politiques, président et députés, qui « managent » le pays, la plus importante et noble des organisations qui soit. Et pourtant, que sait-on réellement de ces individus ? Quasiment rien.

Leur personnalité profonde et leurs états d’âme restent classés top-secret. Certes, quelques investigations journalistiques tentent ici et là de percer la cuirasse des politiques ; mais cela se fonde essentiellement sur des données secondaires, des témoignages souvent erronés d’amis ou d’ennemis avérés ou larvés, et des observations anecdotiques rapportées.

En définitive, aujourd’hui, les politiques n’ont aucune réelle obligation en matière de transparence de leur santé, physique et psychologique. Vous trouvez cela normal ? Pas moi. Confieriez-vous vos enfants à une inconnue ou les clés de votre maison au copain du fils d’un ami ? Non.

Le quotient émotionnel, dénominateur commun aux bons managers

Pour pouvoir réellement cerner la nature profonde de ces « animaux politiques », il faut les « disséquer » à l’aide de « bistouris » qui sont principalement employés par les scientifiques. Comme tout manager, les politiques, devraient être contraints à passer un processus de recrutement propre, à l’occasion des élections législatives, par exemple.

Soit des tests psychométriques sérieux, au premier rang desquels un test de quotient émotionnel (QE). Car, s’il y a une compétence à « jauger » lorsque l’on occupe une position au centre de laquelle se trouvent les relations humaines, des décisions politiques impactantes pour la communauté et la morale, c’est bien celle-là.

Le QE est le dénominateur commun à beaucoup de bons managers. Comme semblent l’indiquer plusieurs centaines de résultats de recherches scientifiques à travers le monde, les managers doués d’intelligence émotionnelle motivent plus facilement leurs troupes.

Jean d’Ormesson (à gauche), lors de la remise du prix Clara, en 2015. ActuaLitté/Flickr, CC BY-SA

Ils ont l’honnêteté d’un Charles Ingalls. La qualité d’écoute du docteur Quinn. La clarté dans leur discours d’un Jean d’Ormesson. La créativité d’un Bernard Werber. Tel Eliot Ness, ils restent fidèles à eux-mêmes, étant moins facilement « pervertibles » par le système de pouvoir dans lequel ils évoluent.

Ils ont aussi bien d’autres qualités : ils sondent par exemple plus facilement leur environnement, agissent au lieu de rester apathiques, sont respectés par autrui, aiment la vie, savent mieux gérer les situations critiques et le stress, ont l’âme d’un leader, sont courageux, capables de décider, de trancher. Mais ces oiseaux rare sont difficiles à dénicher : seulement 2 % de la population est considérée comme étant de vrais experts du QE.

Pour un Pacte d’intelligence émotionnelle

À l’occasion de la présidentielle de 2007, Nicolas Hulot avait appelé chaque candidat à signer et à se prononcer sur un Pacte écologique. Aujourd’hui, j’encourage nos politiques à adhérer à un Pacte QE, en passant un test d’intelligence émotionnelle dont le contexte se rapproche le plus du leur.

Je pense ici au « QE Pro », un test que j’ai co-créé et qui a été étalonné sur 1 035 managers et dirigeants d’entreprise français. Il sert précisément à évaluer la capacité d’un chef à diagnostiquer son propre état émotionnel ainsi que celui d’autrui, à comprendre, utiliser et réguler les émotions dans un contexte managérial, afin de favoriser l’épanouissement personnel ET collectif.

Il s’agit d’un test dit « de performance » qui mesure la performance d’un individu dans l’exécution de tâches et dans la résolution de problèmes de nature « émotionnelle ». Il y a des réponses justes et d’autres fausses.

En ce sens, le QE pro se distingue des tests auto-évaluatifs que l’on trouve ici et là, fortement biaisés du fait que le répondant se note lui-même, qu’il devine souvent le sens des questions et qu’il veut se montrer plus émotionnel qu’il ne l’est en réalité. Ici, vous l’aurez compris, il sera difficile aux politiques, même aux plus habiles, de tricher. À chaque question, on sait ou on ne sait pas. Notez bien que ce test est scientifiquement fiable.

En tant que chercheur, la déontologie m’interdirait de diffuser les résultats des politiques. Mais ces derniers pourraient le faire d’eux-mêmes, démontrant ainsi qu’ils ont les tripes pour « occuper » leur poste et qu’ils n’ont pas peur de révéler au peuple français leur « vraie » nature, bien plus profonde qu’une simple déclaration de patrimoine ou qu’un bilan de santé erroné.

À minima, ceux qui ont de mauvais résultats ou des résultats moyens, pourraient s’engager à suivre des programmes de développement personnel, afin de muscler leur intelligence émotionnelle. Cela s’inscrirait dans une démarche que beaucoup d’entre-eux, sous le coup d’un ego surdimensionné, n’entrevoient même pas.

Louis Schweitzer, l’ancien PDG de Renault et directeur de cabinet de Laurent Fabius, me confia un jour, en pensant à feu Georges Besse, que le dirigeant émotionnellement intelligent est celui capable d’incarner une vision, tout en la changeant en même temps et en restant droit dans ses boites. N’est-ce pas là la vertu première qu’on attend d’un politique ? Mieux que de longs discours philosophiques, je vous propose un test psychométrique.


Certains passages, parfois modifiés, sont extraits du dernier livre de Christophe Haag : Contre nos peurs, changeons d’intelligence ! (Albin Michel, 2017).

Découvrez l’audio-MOOC « Le manager émotionnellement intelligent » de Christophe Haag sur le site d’EM Lyon.

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