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Or et argent… ces couleurs qui nuisent à la vente en ligne du vin

Les étiquettes des bouteilles de vins sont un facteurs décisifs dans le choix des consommateurs en ligne. l i g h t p o e t / Shutterstock

L’achat d’une bouteille de vin authentique et de qualité n’est en rien un acte intuitif pour le consommateur. Bien au contraire, celui-ci va considérer d’une part les dimensions intrinsèques du vin, c’est-à-dire ses propriétés physico-chimiques, et d’autre part ses propriétés extrinsèques, c’est-à-dire les propriétés non physiques qui sont liées au produit tels que son prix, son origine, ses possibles médailles, son âge, sa couleur, la forme de la bouteille, et son étiquette.

L’importance de ces propriétés extrinsèques a été confirmée par une étude exploratoire que nous avons menée auprès de professionnels et de particuliers. Il en ressort notamment que les consommateurs accordent une attention toute particulière à l’étiquette et à ses couleurs lorsqu’ils envisagent d’acheter une bouteille de vin sur Internet.

Des couleurs difficiles à reproduire en ligne

Les entrevues nous ont notamment amenés à faire la distinction entre les couleurs vives et les couleurs dites héraldiques, qui englobent les métaux (or et argent), les émaux (azur, gueules représentés par le rouge, le sable, le vert et le violet) et la fourrure (l’hermine et le vair).

Représentation conventionnelle en noir et blanc des couleurs héraldiques. Le Heraut d’Armes

Cette distinction est importante car les étiquettes aux couleurs vives accompagnées de formes et d’images inhabituelles peuvent être perçues comme plus « exotiques » que les étiquettes des producteurs traditionnels utilisant l’étiquette AOC (Appellation d’origine contrôlée), considérées comme plus authentiques.

Par exemple, le dessin d’hippopotame sur les bouteilles de Fat Bastard, vin élaboré en France mais essentiellement vendu aux États-Unis, permet aux consommateurs de repérer facilement cette marque en linéaire.

Étiquette du vin Fat Bastard. Fat Bastard/Gabriel Meffre

A contrario, les couleurs dites héraldiques, représentent l’authenticité dans la perception de la consommation.

Or, ces couleurs héraldiques restent très difficiles à reproduire numériquement, affaiblissant ainsi le message d’authenticité porté par l’étiquette lorsque la bouteille est proposée à la vente en ligne. En effet, le processus d’impression des étiquettes en ligne repose sur le mode de couleur RVB (rouge, vert, bleu), qui est réservé aux écrans. Ce processus ne permet pas de créer de couleurs héraldiques, dont les couleurs métalliques or et argent.

Pour créer une étiquette dorée comme celle-ci, les procédés numériques sont insuffisants. Raymond Roig/AFP

Pour les étiquettes hors ligne, les couleurs reposent sur le processus de sérigraphie. Il s’agit d’un processus d’impression basé sur un pochoir dans lequel l’encre est forcée à travers un écran fin sur le papier au-dessous. Les couleurs utilisées pour ce processus sont CMJN (cyan, magenta, jaune, noir), qui représentent le mode colorimétrique adapté à l’impression. Ce processus peut créer des couleurs héraldiques, telles que les couleurs métalliques de l’or et de l’argent.

Autrement dit, les webdesigners peuvent donc produire des couleurs qui sont proches des couleurs métalliques, mais pas reproduire exactement ces couleurs.

La perception d’authenticité affaiblie

Notre recherche confirme que ce biais a un impact sur le consommateur dans son choix. Pour notre étude, un site web responsive (adaptable à toutes les tailles d’écran), de commerce électronique fictif présentant une variété de bouteilles de vin a ainsi été conçu. Il avait une couleur de fond neutre afin d’éviter toute distraction pour les répondants.

Le site a été pré-testé pour faire en sorte que la couleur de fond n’interfère pas avec les couleurs de l’étiquette. Le site web était dynamique : pour permettre l’attribution aléatoire d’étiquettes de vin parmi les 8 étiquettes du plan factoriel et pour recueillir des données dans un format statistiquement exploitable.

Cette expérience a montré que la perception d’authenticité des bouteilles aux étiquettes mal reproduites était affaiblie aux yeux des répondants.

Stimuli visuels pour l’étude confirmatoire. Auteur

Notre étude permet donc de mettre en évidence un point essentiel qui peut freiner les ventes de certaines références. En effet, bien qu’il n’y ait aucune obligation d’utiliser des couleurs héraldiques pour les étiquettes des vins AOC, les consommateurs créent intuitivement un lien entre les couleurs héraldiques et l’étiquette utilisant des couleurs AOC. Les couleurs mal reproduites en ligne peuvent donc avoir un impact sur la façon dont les consommateurs interprètent le produit et son prix, comme nous l’avons constaté dans notre recherche.

Ce problème reste aujourd’hui d’autant plus crucial que le commerce électronique reste de loin le canal de vente le plus dynamique pour le marché français du vin en 2019, avec un taux de croissance de 7,5 % en termes de ventes. Rendre le processus de choix plus simple devient alors fondamental pour bon nombre de marques et de viticulteurs, au risque de se couper d’une clientèle potentielle.


Cette contribution s’appuie sur l’article de recherche de Jean‑Éric Pelet, François Durrieu et Erhard Lick intitulé « Label design of wines sold online : effects of perceived authenticity on purchase intentions » disponible dans la revue Journal of Retailing and Consumer Services.

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