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Orientation post-bac : l’inévitable stress de Parcoursup ?

Femme qui regarde un orodinateur.
Sur Parcoursup, le jeu des listes d’attente peut être très long. Shutterstock

Depuis le 27 mai, les lycéens reçoivent les réponses aux vœux d’orientation vers l’enseignement supérieur qu’ils ont exprimés sur Parcoursup. Destinée aux candidats n'ayant pas encore eu de réponse et souhaitant formuler de nouveaux vœux dans des formations ayant des places disponibles, la phase complémentaire a aussi été lancée mercredi 16 juin.

A cette occasion, il importe de se pencher sur les reproches adressés à cette plate-forme qui, depuis 2018, remplace le site Admission Post-Bac (APB). En effet, depuis son lancement, cet outil fait face à bon nombre de critiques : la procédure qu’il impose serait opaque, stressante pour ses candidats, en plus d’être particulièrement longue.

Pour comprendre ce qui peut produire un tel désarroi chez les candidats, il faut considérer ce processus d’affectation dans sa dimension bilatérale. Autrement dit, les trajectoires des jeunes ne sont intelligibles sans une analyse qui les articule avec les stratégies des commissions de Parcoursup qui doivent, dans chaque formation, classer les dossiers sur des éléments qualitatifs et quantitatifs.

Premiers éléments d’analyse à partir d’entretiens réalisés avec vingt-huit lycéens et lycéennes de Nouvelle-Aquitaine, doublés du suivi de huit commissions d’universités.

Une procédure « non manipulable »

Ce qui fait la singularité de Parcoursup par rapport aux anciens systèmes d’admissions comme APB, c’est la volonté d’inciter les candidats à exprimer sincèrement leurs souhaits plutôt que de raisonner selon leurs chances d’être acceptés dans telle ou telle formation. Auparavant, les vœux d’orientation étaient classés et examinés dans cet ordre établi par les candidats, ce qui incitait ceux-ci à mettre en place des stratégies plus ou moins pertinentes.

Sur Parcoursup, c’est la fin de la hiérarchisation des vœux, ce qui aura un fort impact sur la manière dont certains vont vivre l’attente à laquelle la procédure oblige. L’orientation des élèves repose cependant sur une pluralité de ressources sociales : les parents, les pairs, les enseignants représentent autant de partenaires sur lesquels le candidat va s’appuyer lors des usages de la procédure, mais également bien en amont, lors de la construction de ses aspirations et de ses projets.

Quoi qu’il en soit, du fait des dispositions inégales au sein desquelles se trouvent les lycéens et les lycéennes, les projets et les stratégies ne se façonnent pas avec les mêmes exactitudes.

En outre, l’obligation faite aux filières non électives de penser leur sélection, quand bien même celle-ci ne sera pas véritablement effective comme c’est le cas en droit, en sciences ou dans beaucoup de filières en lettres, génère un nouveau surcroît de travail pour les responsables chargés d’effectuer le classement des candidatures.

La volonté d’une sélection juste

La première chose observable quant à la constitution des commissions chargées d’étudier les dossiers, c’est que personne ne s’y bouscule. La gestion des candidatures sur Parcoursup est surtout perçue comme une tâche qui s’ajoute aux innombrables autres missions administratives qui s’accumulent dans les agendas. Celles et ceux qui s’y collent le justifient comme un dévouement, souvent eu égard de fonctions pédagogiques qui s’y rapportent par exemple le fait d’être responsable de licence ou de première année.

Les réunions sont longues et répétitives. En dépit de la volonté d’automatiser au maximum le classement des candidatures, les commissions se heurtent souvent à des problèmes techniques ou des difficultés à manipuler les outils. Le consensus sur les critères de sélection arrive assez rapidement : les commissions sont restreintes en nombre, les critères sont d’ores et déjà explicités sur le site Internet de la formation ainsi que sur sa page Parcoursup. Par ailleurs, ce sont la plupart du temps ceux de l’année précédente qui sont reconduits.

Parcoursup : dans les coulisses d’une commission d’examen des vœux (LetudiantTV, 2020).

La deuxième étape consiste en la vérification qualitative des dossiers où trop d’éléments manquent, ce qui appelle souvent à la mise en place d’une commission élargie où les membres se penchent plus en détail sur les candidatures difficilement classables : candidats étrangers, baccalauréats anciens, équivalences, etc.

Les entretiens révèlent que les acteurs des commissions Parcoursup à l’université estiment avoir d’assez bons moyens techniques, tels que le logiciel à disposition pour procéder à l’étude des candidatures. Il en ressort néanmoins des réserves émises de leurs parts sur la dimension morale de l’étude d’un nombre parfois considérable de dossiers en des horizons temporels plutôt restreints.

Le volume d’heures consacrées à l’étude des candidatures rapporté à leur nombre apparaît insuffisant, ce qui pose la question du temps nécessaire à une réelle étude qualitative des dossiers. Certains enseignants regrettent de ne pas pouvoir prendre le temps de lire attentivement chaque lettre de motivation ou de téléphoner aux candidats. La variable du temps se croise à celle de l’effectif d’enseignants-chercheurs participant aux commissions.

Les candidats jouent le jeu

Sur l’autre face de la médaille, celle des lycéens et des lycéennes, la justification de la mise en place Parcoursup tourne autour de deux arguments forts : la fin de la hiérarchisation des vœux, ainsi que celle du tirage au sort à l’université. L’un appelle à des problématiques d’aisance à l’usage de l’outil, l’autre à des questions de justice.

Ici, le candidat ne se préoccupe plus de l’ordre de ses vœux du fait d’une suppression des rangs après son premier choix concluant. Là, il n’est plus anxieux à l’idée de ne pas être tiré au sort en STAPS malgré un dossier des plus compétitif.

Inscriptions universitaires : l’éternel parcours du combattant (Franceinfo INA).

En ne se souciant plus de l’ordre dans lequel il doit formuler ses vœux, le candidat en ose davantage. Une formation un tant soit peu, à peine, ou pas du tout envisagée peut faire l’objet d’une candidature, et ce comportement est encouragé par les proches et les enseignants qui conseillent au sujet des stratégies à adopter.

Reste à intégrer les subtilités de Parcoursup : qu’est-ce qu’un sous-vœu ? Qu’est-ce qu’une formation « non sélective » ? Quelles sont les échéances à connaître dans le calendrier ? Quand pourra-t-on enfin s’inscrire à l’université ? La procédure est longue, elle est stressante, mais elle est perçue comme plus juste.

Bulletins scolaires, projets de formation motivés et fiches avenir… L’éclectisme d’éléments qualitatifs et quantitatifs supposés pris en compte dans l’étude de leurs candidatures, pouvant se compenser les uns les autres, conforte les candidats dans l’idée qu’avec la réforme, la procédure post-bac y gagne en justice. Un sentiment qui a toutefois un coût, celui d’une préparation chronophage, stressante et étalée dans le temps.


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La phase de réception des résultats n’en est pas moins anxiogène : là où, sur APB, les résultats étaient livrés lors d’une date commune et automatisés du fait de la hiérarchisation des vœux, Parcoursup plonge ses candidats dans des horizons temporels moins bornés. Le jeu des listes d’attente peut être interminable, et le risque est de voir une part non négligeable des candidats s’inscrire dans une formation qui leur déplaît pour y mettre fin : ils doivent en effet se laisser du temps pour s’adonner aux tâches administratives et à la recherche d’un logement.

Il y a certes toute une pluralité de candidats et de types de formations qui dépendent de Parcoursup, et la lecture ne peut en être homogène. Interroger le fonctionnement de Parcoursup permet néanmoins d’étayer nos représentations d’une procédure perçue comme opaque. Derrière l’écran sur lequel les candidats rentrent leurs vœux et reçoivent leurs notifications, il y a des dimensions interpersonnelles qui valsent avec les aspects techniques de la procédure.

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