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La ville de Paris souhaite végétaliser la ville, mais également sensibiliser ses habitants. Greg_Men/Flickr, CC BY

Paris choisit l’innovation juridique pour asseoir son nouveau plan biodiversité

Le 20 mars 2018, la ville de Paris s’est dotée de son deuxième plan biodiversité qui couvrira la période 2018-2024. Il prend la suite d’un premier projet créé en 2011, en application de la Convention sur la diversité biologique signée à Rio de Janeiro en 1992.

À plus d’un titre, ce nouveau plan confirme l’ambition d’inscrire la capitale française comme leader international de la protection de l’environnement. La métropole avait déjà accueilli l’organisation de la COP 21 en décembre 2015, donnant naissance à l’Accord de Paris, une dynamique maintenue en décembre 2017 lors du One Planet Summit, consacré au financement des mesures de lutte contre les changements climatiques. Ce plan intervient également quelques semaines après l’annonce de l’organisation des Jeux olympiques de 2024.

Forte de tous ses engagements, la ville de Paris envisage à présent d’harmoniser l’ensemble de ses politiques publiques avec la protection de l’environnement, et plus particulièrement de la diversité biologique.

Plan biodiversité de Paris 2018-2024. Ville de Paris

Un laboratoire pour penser la biodiversité

Le plan biodiversité s’affiche comme une vitrine d’une vision globale et intégrative de la diversité biologique.

L’étendue de son champ d’application est à souligner : il concerne explicitement les espaces du quotidien et les espèces communes présentes dans les rues, les jardins, les parcs ou encore les berges de Seine. Le guide des plantes natives du bassin parisien les répertorie. Parmi les plantes indigènes d’île-de-France les plus répandues, on trouve par exemple l’Alisier Blanc, l’Achilée millefeuille ou bien encore l’Amourette.

En d’autres termes, le Plan ambitionne de repenser la relation entre les citadins et les éléments composant le patrimoine naturel parisien.

Pour mener à bien sa démarche d’appréhension de la biodiversité « ordinaire », le plan regroupe trente actions regroupées en trois axes.

Le premier axe vise à encourager la prise en compte de la biodiversité dans les diverses politiques de la ville en matière d’urbanisme et d’aménagement. Il est prévu par exemple de renforcer la prise en compte des enjeux de préservation dans les documents de planification, et plus spécifiquement le projet d’aménagement et de développement durable.

Les actions du deuxième axe ont pour objectif de rendre visible la biodiversité anthropique et imbriquée dans nos activités humaines.

En ce sens, l’axe 8 prévoit notamment un renforcement des partenariats entre la Direction des espaces verts et de l’environnement et les associations de protection de la nature, telle que la Société nationale de protection de la nature (SNPN), chargée entre autres d’inventorier la biodiversité du territoire parisien.

Quant au troisième axe, il traduit la volonté des autorités publiques de penser la biodiversité comme un moyen de résilience de la cité urbaine. La biodiversité peut en effet apparaître déterminante dans la constitution des projets architecturaux, des réseaux énergétiques, de la lutte contre les changements climatiques et la définition d’un nouveau modèle agricole.

Des initiatives inédites seront mises en œuvre pour construire de nouvelles solidarités. Des insectes seront distribués aux citoyens ; dans la continuité des projets menés rue de Cîteaux (XIIe arrondissement) et rue Léon-Séché (XVe arrondissement) et trois nouvelles « rues végétales » verront bientôt le jour.

La ville de Paris prévoit également la création de cours d’école-oasis, consistant à réintégrer le végétal dans l’espace récréatif.

Dans le même ordre d’idée, la municipalité souhaite développer les permis de végétaliser afin de permettre aux habitants, commerçants et conseils de quartiers, de mener des initiatives de végétalisation en toute légalité.

« Venez jardiner, vous êtes chez vous ! ». La rue de Cîteaux, dans XIIᵉ arrondissement, fait partie des rues végétales à Paris. Léna Pedon, CC BY

Un instrument juridique souple

La particularité de ce Plan se manifeste également par sa forme juridique. Classiquement, la protection de la biodiversité est mise en œuvre par des dispositifs législatifs, réglementaires ou contractuels, bénéficiant d’une valeur juridique contraignante. C’est ce que la doctrine identifie comme des sources de « droit dur ».

Cependant, en parallèle, des instruments de « droit souple » peuvent être produits par les pouvoirs publics. Juridiquement non contraignants, ils ne revêtent pas les mêmes caractéristiques que le droit dur.

Puisqu’aucun mécanisme juridique n’en sanctionne le non-respect, de tels instruments peuvent contenir sans risques des initiatives ambitieuses. Pour cela, il n’y a qu’à penser au plan d’action Agenda 21 adopté lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992 qui invitait les collectivités locales du monde entier à engager des démarches durables sur leur territoire.

Aujourd’hui, 43 % de la population française est concernée par un tel programme.

Rien ne contraignait les collectivités à agir. Pourtant, nombreuses sont celles qui se sont engagées à porter des actions ambitieuses sur leur territoire en matière de pesticides, de gestion des déchets ou encore de valorisation des ressources naturelles.

C’est tout le paradoxe des instruments de droit souple qui, malgré leur absence de caractère contraignant, peuvent rapidement, mais aléatoirement être appliqués ; pour autant cela ne les prive pas de toute autorité.

C’est ici tout l’intérêt du plan biodiversité.

Sans être doté d’une force juridique obligatoire, il porte une force sociale et politique certaine : application de nouvelles valeurs et détermination des actions appropriées, orientant ainsi les comportements des sujets de droit. Les Parisiens ont par exemple proposé qu’un budget soit alloué pour la pose de nichoirs sur la voie publique à destination des moineaux.

Par ailleurs, à l’image du plan biodiversité, les instruments de droit souple constituent une base de travail pour le législateur. Paris pourrait alors verdir son image en s’affichant comme l’avant-garde des prochaines évolutions en droit de l’environnement à l’échelle nationale.

Véritable engagement politique, c’est alors sur le volet moral que la ville de Paris engage ici sa responsabilité.

La promotion d’une gouvernance participative

À l’occasion de la détermination des trente actions composant le plan biodiversité, la société civile a joué une part active assez inédite. Les porteurs de protocoles de sciences participatives, les associations de protection de la nature, les citoyens et les services de la ville ont régulièrement été invités à se réunir dans le cadre d’ateliers afin de formuler leur propre proposition.

La gouvernance du plan reflète cette dimension collaborative, présentant le double avantage de favoriser le consensus autour de la biodiversité et d’insérer une dose de démocratie dans l’élaboration du Plan.

Une composition tripartite a ainsi été retenue.

À sa tête siège l’Observatoire parisien de la biodiversité, en charge de la coordination du plan. Il devra par conséquent faire le lien entre les directions pilotes de la ville, les autres directions impliquées et les partenaires identifiés. Un Comité parisien de la biodiversité rassemblera des associations et chercheurs impliqués, et évaluera la mise en œuvre du plan.

Les entreprises privées sont également invitées à mettre en place les actions de la Ville, en co-signant la Charte « Paris Action Biodiversité », qui va être nouvellement rédigée et qui contiendra des moyens opérationnels de mise en œuvre du plan.

Le suivi sera appuyé par un comité stratégique et un comité de pilotage. Des indicateurs d’aide à la décision permettront de faire vivre le plan et de ne pas l’inscrire dans une dimension fixiste qui pourrait porter préjudice à la protection de la biodiversité, d’autant plus dans un contexte de changements climatiques.

Tout semble réuni pour que Paris et l’ensemble des acteurs qui interagissent sur le territoire puissent adopter des mesures de nature à faire évoluer le niveau de qualité de l’environnement. Une urgence écologique soulignée ici par l’exigence d’une application graduée du Plan, aux termes duquel Paris serait une capitale exemplaire.

L’application concomitante de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages adoptée le 8 août 2016 par le législateur français, la création consécutive de l’Agence française de la biodiversité et plus récemment encore le lancement de l’agence régionale de la biodiversité sur le territoire d’Île-de-France, œuvrent explicitement dans le sens d’une mobilisation accrue des autorités publiques en faveur du renforcement de la biodiversité à une échelle locale comme internationale.

Paris pourrait ainsi espérer remporter prochainement le prix de la capitale verte de l’Europe, qui depuis 2006, récompense les villes européennes intégrant au mieux l’environnement dans leurs aménagements urbains ; Oslo a été la dernière ville distinguée.

Nantes avait reçu le prix de la capitale verte européenne en 2013 (Marina d’Eté/YouTube, 2013).

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