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Parler de transition écologique sur Twitter : faire le buzz ou inciter à agir ?

Comment promouvoir efficacement la transition écologique sur les réseaux sociaux ?

1 080 607. C’est le nombre d’organisations comprises, à date de rédaction de cet article, dans le segment particulier de l’économie française qu’est l’économie sociale et solidaire (ESS).

Selon la définition officielle, issue d’une loi de 2014, le concept désigne « un ensemble d’entreprises organisées sous forme de coopératives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont fondés sur un principe de solidarité et d’utilité sociale ». Se réclamant ainsi de l’intérêt général plutôt que de la recherche du profit individuel, l’ESS bénéficie d’un présupposé positif quant à son impact, et notamment son impact environnemental.

C’est pourquoi elle semble avoir un rôle particulier à jouer quant à l’information et à la promotion de la nécessaire transition écologique. Ce notamment via les réseaux sociaux, gratuits et surtout ouvert à tous, garantissant une audience importante.

Nos recherches se sont ainsi intéressées à un réseau réseau social particulièrement consulté pour obtenir de l’information, à savoir Twitter. Nous avons étudié les messages qui y sont véhiculés par les organisations de l’ESS grâce à la création d’un programme informatique, nourri de 910 649 tweets, publiés par 763 acteurs de l’ESS, parmi lesquels 23 221 avaient trait à l’environnement. Pour une communication efficace, nos conclusions mettent en avant tant l’importance du nombre d’abonnés que les performances supérieures des messages adoptant un ton positif.

Le nucléaire à part

Notre première piste de travail a consisté à identifier les mots les plus fréquents et les liens qu’ils entretiennent entre eux.

« ESS » est directement rattaché au développement durable, à l’économie circulaire et à la responsabilité sociale des entreprises, attestant de son rôle perçu dans ces enjeux. Pour ce qui est des principales thématiques qui ressortent, le mot-clé « environnement » s’avère fortement associé aux questions relatives à la santé et à la pollution, ainsi qu’à l’agriculture et l’usage de pesticide. Il est également lié à des questions sociales, humanitaires. De façon assez attendue, la question des déchets va, elle, de pair avec celle du recyclage et plus largement aux différentes alternatives (réemploi, bio-déchets, gaspillage…). Autour du « climat », « COP21 » tient une place importante.

La problématique de l’énergie est rattachée à l’innovation, à l’urbanisme et aux alternatives renouvelables. La coopérative Enercoop semble être un acteur emblématique de ce secteur, son nom étant fréquemment utilisé comme mot-clé.

L’énergie nucléaire forme, toutefois, un groupe très distinct et ce débat semble se dérouler séparément de celui sur l’énergie en général. L’association avec des exemples emblématiques d’accidents industriels (Tchernobyl, Fukushima) témoigne de la mise en avant des dangers plutôt que des avantages de cette source d’énergie.

Une facilité de l’indignation ?

Climat, énergie, recyclage, déchets sont les thèmes les plus abordés dans les tweets environnementaux, mais quels sont ceux qui sont les plus performants ?

Les tweets qui font l’objet du plus de « re-tweet », une manière de repartager le contenu, sont majoritairement subjectifs et ont une connotation négative. En attestent les trois contenus les plus rediffusés de notre échantillon ?

Un peu plus loin dans le classement, on y observe des dirigeants traités de « Pinocchio » (Les amis de la terre, 250 partages) ou accusés de réaliser un « acte stupide et criminel » (Fondation NH, 501 partages). L’ironie est parfois employée comme dans un tweet de Greenpeace qui écrit : « Pas un mot d’Emmanuel Macron sur l’écologie. Étonnant ? Pas tant » (262 partages).

On ne retrouve en haut du classement que deux tweets positifs fortement partagés, l’un expliquant l’action des villes américaines, malgré la sortie de l’accord de Paris (495 partages) et l’autre sur l’hommage rendu « aux poumons de la terre : les forêts ! » (491 partages). Les deux proviennent de WWF France.

Ces tweets les plus diffusés ont en commun le fait d’alerter. Ils prennent fréquemment des positions politiques critiques en lien avec l’actualité. Il est à noter, qu’hormis un tweet engageant le lecteur à aller voter (225 partages), aucun n’incite implicitement ou explicitement à agir.

Ne s’agirait-il pas alors seulement, d’une facilité de l’indignation ? L’utilisateur ayant partagé le tweet ne risque-t-il pas d’avoir le sentiment d’avoir « fait sa part » alors qu’il n’a rien changé à son comportement, à part consommer un peu de bande passante ?

Informer et agir

D’ailleurs, lorsque l’on pondère la performance par le nombre d’abonnés, le classement des tweets que l’on nommera ici les plus « influents » et leur nature sont totalement différents. Dans ce nouveau classement apparaissent des tweets beaucoup moins polémiques, plus positifs et objectifs.

Les sources sont souvent citées : ainsi, le tweet le plus influent mentionne l’ancien ministre des Affaire étrangères Hubert Védrine.

Le deuxième tweet du classement promeut, lui, les vélos cargo comme alternative non polluante à la voiture.

Plus généralement ressortent ici des messages visant à informer, mais surtout à agir. Ainsi dans l’exemple précédent, en prenant connaissance de l’existence des vélos cargo, le lecteur peut en envisager l’utilisation.

Certains de ces tweets sont très concrets et visent à recruter ou obtenir des financements ou un prix. D’autres demandent aux lecteurs de changer leur comportement, comme ce tweet suggérant de réemployer son matériel informatique ou ceux relatifs au bio et local ou encore celui relatif à l’abandon de l’énergie nucléaire.

Dans la mesure où ces tweets réclament un changement de comportements de la part du lecteur, ils peuvent initier une transition écologique grâce à une somme d’actions individuelles.

Pour une promotion efficace

Les tweets positifs et objectifs semblent donc les plus performants et vont favoriser des changements de comportements concrets au sein d’une population déjà informée de la nécessité de la transition écologique. Cependant, ce n’est pas la nature du message, mais bien le nombre d’abonnés qui est déterminant pour porter un message au-delà de sa propre audience.

Aussi, les organisations de l’ESS bénéficiant d’une audience importante, comme les Restos du Cœur, la Croix-Rouge ou Oxfam France (avec chacune plus de 100 000 abonnés sur Twitter), semblent-elles en capacité de promouvoir efficacement la transition écologique, même si elles n’ont pas vocation à encourager la cause environnementale.

D’ailleurs, ces organisations pourraient ne plus se limiter aux tweets qui alertent sur la nécessaire transition, mais opter pour des tweets incitant l’audience à agir et non plus seulement à s’indigner. En d’autres termes, elles pourraient continuer à communiquer avec des tweets critiques pour « faire le buzz » mais compléter leur tweet par un appel à l’action.

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