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Peut-on vraiment apprendre des langues étrangères à l’école ?

C’est dans les débuts à l’école que se joue la capacité à apprendre une ou plusieurs langues, peu importe lesquelles. Shutterstock

On entend couramment que les Français ne sont « pas doués en langues », que l’école ne leur « permet pas de bien apprendre l’anglais, que « les séjours linguistiques sont bien plus efficaces », ou que le dialogue avec des natifs remplacerait aisément le travail d’un enseignant. Que nous disent les travaux scientifiques de ces croyances ? Comment dépasser les idées reçues pour faire avancer l’école et ses langues ?

L’apprentissage des langues recouvre toute une série d’enjeux, souvent polémiques, par exemple l’âge auquel aborder une deuxième langue, la manière de gérer plusieurs langues, l’interaction entre la classe et les langues parlées à la maison, ou encore le degré de maîtrise requis pour enseigner une langue.

Toutes ces questions et bien d’autres font l’objet de la conférence de consensus organisée par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) et l’Institut français de l’éducation (Ifé) les 13 et 14 mars prochains à Paris. Celle-ci a pour but de faire dialoguer scientifiques, enseignants, personnels d’encadrement, décideurs politiques et grand public.

Plus de 700 personnes suivront la Conférence en présentiel ou à distance. Cette manifestation débouchera en avril sur les recommandations d’un jury composé d’acteurs de l’école, proches ou non des thématiques et arrivant de tous les coins de France.

Quand introduire une deuxième langue ?

Parmi les questions cruciales, il y a celle du niveau scolaire auquel débuter l’initiation à une deuxième langue. Ses implications sont complexes car elles touchent aussi bien les familles, les politiques linguistiques, que les choix des établissements scolaires.

C’est dans les débuts à l’école que se joue la capacité à apprendre une ou plusieurs langues, peu importe lesquelles. Pour envisager une découverte précoce des langues à l’école, l’hypothèse dite « maturationnelle » invite à considérer une « période critique » plutôt qu’un « âge idéal » pour la découverte d’une deuxième langue. Les situations des individus sont tellement diverses que la période critique est plus lisible, notamment pour l’oral.

L’autre hypothèse scientifique dont il faut tenir compte, c’est celle selon laquelle les langues s’apprennent en relation les unes avec les autres, des variations complexes et singulières pour chaque élève. Cela suppose de stimuler la diversité des langues en contact dans la classe, de les comparer, de leur donner un espace-temps scolaire spécifique en lien avec la maison.

On renonce par là même à un imaginaire, celui de former des « polyglottes », qui apprennent et additionnent des langues qui constitueraient des univers totalement distincts les uns des autres. Or l’acquisition de nouvelles langues s’appuie sur une même compétence transversale et plus globale, qu’on peut qualifier de compétence « plurilingue » et « pluriculturelle ». Et c’est cette aptitude qu’il convient de développer et de renforcer à l’école, afin de donner aux enfants les moyens de ces apprentissages.

Être prêt pour apprendre des langues à l’école s’avère davantage réaliste, pour peu que les enseignants soient formés à chausser cette paire de lunettes plurielle (pour les langues comme pour les cultures), qu’ils disposent de ressources pour mobiliser les langues du contexte et d’une formation qui relève d’une vision des langues « compréhensive » (mieux comprendre ce qui se joue quand on apprend une langue) et non « cumulative » (additionner des langues).

Un contexte spécifique

L’apprentissage des langues en contexte scolaire n’a que peu à voir avec l’acquisition d’une langue à la maison. Divers facteurs interagissent. Parmi eux, on peut identifier la qualité de la langue entendue (pour l’oral), la durée d’exposition à la langue cible ou aux langues en général, la fréquence également, les modes de groupement des élèves, les typologies d’actions en situation, les rôles respectifs de l’implicite et de l’explicite dans l’apprentissage, ou encore la variété des gestes professionnels mis en place au service des stratégies des élèves, etc.

On peut alors appeler de nos vœux que des chercheurs spécialistes de domaines divers, psycho- et sociolinguistes, spécialistes des sciences cognitives, didacticiens des langues, etc. collaborent avec des représentants d’autres catégories intervenant à l’école (enseignants, etc.) ou autour de l’école (parents, etc.), afin avancer sur de tels chantiers.

La période est riche en études et rapports – nationaux et internationaux – portant sur l’école, la formation des enseignants et l’efficacité des pratiques en général et les langues plus précisément. Les discours officiels viennent renforcer ou infirmer certains d’entre eux.

Nous pouvons citer parmi les plus récents le rapport international de l’OCDE Talis 2018 sur les enseignants, le rapport sur l’intégration des élèves migrants en Europe, le rapport comparatif de la Commission européenne sur le pilotage des systèmes éducatifs et la formation, qui fait écho au rapport sur l’éducation des jeunes enfants, le rapport Taylor-Manès-Bonnisseau sur les langues, ou encore le récent rapport de l’IGEN sur le réseau des écoles maternelles franco-allemandes.

On découvre au détour des travaux la présence d’un influenceur, le « Cadre européen commun de référence pour les langues », amplifié en 2018, qui fait l’objet de polémiques pour son caractère normatif. Par ailleurs, la recherche du domaine est foisonnante. Il est donc bienvenu de faire un point sur ces questions que tout parent se pose pour ses enfants comme pour lui-même. C’est ce que propose la Conférence de Consensus du Cnesco.

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