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Pistes forestières, un impact environnemental plus limité que prévu

Fritz Kleinschroth, Author provided

L’accès au bois d’œuvre, même dans le cas d’une exploitation sélective, nécessite l’ouverture de pistes forestières. Or la création de ce type de voies d’accès a d’importantes conséquences pour les forêts : les pistes fragmentent les écosystèmes et facilitent l’accès des populations locales, entraînant une augmentation des dégradations ou de la déforestation.

Des travaux menés par les chercheurs du Cirad et de l’Université de Bangor dans le bassin du Congo montrent qu’en 30 ans près de 90 % des pistes aménagées par les exploitants forestiers ont été abandonnées puis recolonisées avec succès par la végétation. Les chercheurs ont analysé l’évolution de ces pistes dans onze concessions forestières, depuis leur création jusqu’à leur disparition.

Récemment publiés dans les revues Journal of Applied Ecology et Frontiers in Ecology and the Environment, deux articles font le point sur ces résultats.

88 % des pistes abandonnées

Premier constat : le défrichage nécessaire à la construction des pistes d’accès a concerné moins de 1 % du couvert forestier global de la zone d’étude, qui s’étend sur plus de 25 000 km2 dans l’est du Cameroun et le nord-est de la République du Congo.

Second constat : à la surprise des scientifiques, seuls 12 % de ce réseau routier ont été utilisés en continu durant ces trois décennies, les 88 % restants ayant été abandonnés après quelques années d’exploitation seulement.

Que sont devenues ces pistes désaffectées ? La végétation les a progressivement reconquises. En trois décennies, la forêt s’est reconstituée, jusqu’à ce que la diversité en espèces, la canopée, la litière et la composition de la strate herbacée ressemblent à celles de la forêt avoisinante.

En étudiant ces processus, les chercheurs ont été étonnés de découvrir que la régénération des espèces d’arbres d’intérêt commercial était meilleure à proximité des pistes abandonnées que dans les forêts elles-mêmes : leur densité peut être jusqu’à trois fois plus importante à proximité des anciennes voies d’accès. Cette situation s’expliquerait par un accès à la lumière facilité dans les zones défrichées.

Les pistes ouvertes il y a une trentaine d’années puis abandonnées montrent des signes de régénération continue. Fritz Kleinschroth, Author provided

Capacité de stockage du CO₂ altérée

L’impact des pistes forestières dans le bassin du Congo semble donc moins important que l’on aurait pu le craindre. Il n’est toutefois pas inexistant, en particulier sur le long terme. En effet, les estimations montrent que malgré une régénération continue, la biomasse – qui permet de déduire le carbone stocké dans les arbres – ne s’accumule que lentement sur les anciennes pistes : 15 à 30 ans après leur abandon, la biomasse qui y est stockée ne représente que 6 % environ de celle stockée par les forêts avoisinantes.

À ce rythme, il faudra 300 ans pour que les pistes accumulent la biomasse qui existait avant leur ouverture. La capacité de ces zones à stocker du carbone est donc durablement affectée. La situation est toutefois un peu meilleure sur les bordures des anciennes pistes, où le sol a été moins compacté.

Réduire la largeur des pistes

Cette lente récupération souligne l’importance de réduire la largeur des pistes, qui était en moyenne de 20 m, et de rouvrir celles qui ont été abandonnées, plutôt que d’en construire de nouvelles. En effet, alors que la forêt est généralement réexploitée dans la même zone après une rotation de 30 ans, il est rare que les anciennes pistes soient réutilisées, les exploitants préférant en ouvrir d’autres, parallèles aux précédentes.

Ces travaux montrent enfin que les abords des voies d’accès abandonnées sont propices à la mise en place d’une sylviculture post-exploitation, durant les quelques années où les pistes non entretenues demeurent praticables. Reste toutefois à trouver un équilibre : la fermeture complète des pistes abandonnées permet de limiter l’accès aux écosystèmes forestiers et leur dégradation, par la chasse notamment.

This article was originally published in English

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