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Pollution de l’air : quand respirer devient dangereux

En 2014 à Grenoble, une des agglomérations françaises régulièrement touchées par des pics de pollution. Jean-Pierre Clatot/AFP

Cet article est publié en partenariat avec l’Encyclopédie de l’environnement, un site scientifique en libre accès qui aborde les problématiques environnementales. Ce billet compile plusieurs articles de l’Encyclopédie pour aborder la pollution par les particules en suspension dans l’air.


L’origine des particules polluantes en suspension dans l’air est souvent attribuée aux moteurs à explosion des voitures, des poids lourds, mais aussi des engins de chantier, des machines agricoles, des avions, des bateaux et des installations industrielles.

En réalité, quel que soit le combustible (bois, charbon, essence, fuel, gazole, gaz), toute combustion produit des fumées. Celles-ci sont notamment chargées de particules, tout particulièrement dans les cheminées à bois ouvertes où la combustion est incomplète, en raison d’une température relativement basse. L’endroit le plus familier où chacun peut observer ces particules est sans doute le fond d’une casserole placée au-dessus de la flamme d’une bougie où elles forment une couche de suie, bien noire, facile à balayer du doigt.

En région Auvergne Rhône Alpes, la cuvette grenobloise et la vallée de l’Arve sont souvent citées comme des lieux où la pollution par les particules, piégée par le relief montagneux, est responsable de sérieuses atteintes à la santé. Les habitants de la superbe vallée de l’Arve et leurs élus ont longtemps accusé les files de camions ininterrompues qui empruntent le tunnel du Mont Blanc. Mais, suite à l’incendie de mars 1999, la fermeture de ce tunnel a fait disparaître ces poids lourds pendant trois ans, sans réduction significative de la pollution. L’évidence s’est imposée : ce sont les feux de cheminées, si agréables soient-ils dans le confort des charmants chalets savoyards, qui sont les grands responsables de cette pollution.

Les émissions de particules fines issues du chauffage au bois contribuent fortement à la pollution de l’air. Ian Britton/Flickr, CC BY

Ces particules sont classées en plusieurs catégories : les PM 10 (PM pour « particule de matière »), dites simplement particules ; les particules fines PM 2,5 ; les particules très fines PM 1 et les particules ultrafines PM 0,1. Les chiffres 10, 2,5, 1 et 0,1 caractérisent la taille en microns de la maille à travers ces particules ne peuvent pas passer. Le micron, ou micromètre, est l’unité de longueur égale au millième de millimètre, elle n’est pas accessible à l’œil nu (le diamètre d’un cheveu humain est voisin de 50 microns). Toutes demeurent en suspension dans l’air sans pouvoir atteindre le sol.

Le chauffage au bois en première ligne

Ces particules sont inhalées lors de la respiration et, suivant leur taille, elles peuvent s’accumuler dans les narines, les bronches, les alvéoles pulmonaires ou atteindre les vaisseaux sanguins. On peut considérer que les particules de taille supérieure à 10 microns sont arrêtées par le nez et les voies respiratoires supérieures sans pouvoir pénétrer dans les bronches et les poumons. Mais les particules ultrafines atteignent le réseau sanguin et, avec lui, tous nos organes.

Pénétration des particules dans le corps humain. Encyclopédie de l’environnement

Une étude du CITEPA conduit, pour la France, au classement suivant des sources de PM 2,5 : 9 % pour l’agriculture, 18 % pour le transport routier et 45 % pour le chauffage au bois. Les poids lourds, équipés de moteurs Diesel, sont souvent mis en cause, plus que les voitures et la combustion du bois qui émet pourtant davantage de particules fines. Ce qui est vrai, c’est que les gouttelettes de gazole n’ont pas le temps de s’évaporer avant leur combustion et ne sont que partiellement brûlées ; ceci conduit, entre autres, à la formation de particules, des PM 10 en majorité.

Dans les moteurs à essence, où l’explosion est amorcée par l’étincelle produite par la bougie, la combustion est plus homogène et, en conséquence, les particules produites sont beaucoup plus fines : PM 2,5, PM 1 et ultrafines. Plus insidieuses puisque plus difficiles à détecter, elles n’en sont pas moins dangereuses.

Brumes et trajectoires

Il est particulièrement difficile d’extraire ces particules de l’air ambiant où elles servent de germes autour desquels la vapeur d’eau peut se condenser pour former de très fines gouttelettes et donner lieu aux brumes et brouillards.

Lors de la chute d’un objet aussi petit que ces particules ou gouttelettes, le frottement de l’air sur sa surface, dirigé vers le haut, l’emporte sur son poids, dirigé vers le bas. C’est pour cette raison que, comme les particules, les fines gouttelettes de brouillard restent en suspension dans l’air alors que les gouttes de pluie, de taille supérieure à 20 microns, parviennent à tomber.

Ajoutons, qu’au-dessous de l’échelle du micron, le mouvement brownien devient assez significatif pour conférer à ces très fines particules une agitation aléatoire, ce qui a pour effet de les empêcher de traverser les mailles d’un filet pourtant bien plus grosses qu’elles. Dans les salles blanches des industries de la microélectronique, des techniques de dépoussiérage extrêmement sophistiquées doivent donc être mises en œuvre, puisque la décantation naturelle ou le filtrage ne suffisent pas.

La couleur des brumes, souvent visibles dans les vallées, dépend de la nature des polluants présents dans l’air. L’un des cas particuliers les plus connus est celui de la ligne bleue des Vosges, qui doit sa couleur aux isoprènes émis par la végétation. Pour qu’ils soient peu visibles par les forces ennemies, les poilus de la Grande Guerre avaient été dotés d’uniformes de cette même couleur, alors qu’auparavant les soldats de la guerre franco-prussienne de 1870 portaient des pantalons rouges.

La peinture de Claude Monet, « Le pont Saint-Lazare », témoigne de la pollution atmosphérique à Paris au début du XXᵉ siècle. Wikipedia

48 000 morts par an

Des méthodes statistiques permettent aux épidémiologistes de déceler les corrélations entre la teneur en particules et diverses pathologies ou décès, tout en éliminant l’influence du hasard. Les plus précises conduisent même au mécanisme qui permet à ces particules d’agresser les constituants des cellules de nos organes. Ne citons qu’un seul exemple : la production d’espèces réactives de l’oxygène qui peuvent l’emporter sur nos mécanismes de défense antioxydants. Au niveau de la paroi des vaisseaux sanguins, un processus inflammatoire, l’athérosclérose, peut alors conduire à un infarctus du myocarde ou à un accident vasculaire cérébral.

Une évaluation quantitative d’impact sanitaire récente conduite par Santé Publique France a établi une relation entre exposition aux PM 2,5 et mortalité.

Cette étude estime que 48 000 décès par an sont imputables à cette pollution par les particules, ce qui correspond à 9 % de la mortalité en France. Elle montre notamment que, si la pollution aux PM 2,5 due aux activités anthropiques était partout la même que dans les communes rurales les moins polluées, 34 000 décès seraient évitables chaque année.

L’augmentation du nombre de décès est liée à l’accroissement de la concentration en PM 25.

Pour conclure, rappelons que la plupart des économistes s’accordent pour affirmer que les dépenses qui seraient engendrées par la mise en œuvre de mesures drastiques de réduction de la pollution seraient très inférieures au coût socio-économique engendré par cette même pollution. Ils suivent ainsi Janez Potocnik, Commissaire européen à l’Environnement de 2009 à 2014, qui déclarait :

« Si vous pensez que l’économie est plus importante que l’environnement, essayez de retenir votre souffle pendant que vous comptez l’argent. »

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