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Pourquoi les chiens sont-ils interdits en Antarctique ?

Les chiens ont aussi été les meilleurs amis des explorateurs des pôles. Shutterstock

Pôle Sud (Antarctique) ou pôle Nord (Arctique) ?

Outre la géographie, l’un des éléments de différenciation de ces deux espaces repose sur les espèces, indigènes et exogènes, qui s’y trouvent : aucun pingouin ne foule en effet les glaces antarctiques, seul le manchot s’y déplace de sa démarche chaloupée ; l’ours polaire, symbole d’un changement climatique dont les pôles sont les témoins privilégiés, ne s’observe lui qu’en Arctique.

Et les chiens ? Le fameux Husky sibérien, ou Husky de l’Arctique, n’a pas de cousin en Antarctique. Mais si aucun canidé n’est indigène au continent austral, peut-il y être introduit ? Il l’a en tout cas été par le passé.

Aux côtés de Roald Amundsen et de Jean-Louis Étienne

En Antarctique, le chien a été le meilleur ami des explorateurs et on l’associe souvent à l’âge d’or (1897-1922) des expéditions d’exploration au pôle Sud. Parmi les plus fameux explorateurs, les Britanniques Ernest Shackleton et Robert Scott avaient ainsi choisi d’employer des chiens et des poneys pour tirer les traîneaux.

Les chiens auraient également joué un rôle vital dans l’atteinte du pôle Sud par le Norvégien Roald Amundsen (1911). Plus récemment, Jean-Louis Étienne organisait la « Transantarctica » en 1989-1990, traversant le continent austral à skis et en traîneaux à chiens.

Mais l’époque de l’organisation d’expéditions en Antarctique avec des chiens comme moyen de locomotion est aujourd’hui révolue.

Protéger la faune et la flore australes

En 1991, les États choisissent de renforcer les règles du Traité sur l’Antarctique en matière de protection de l’environnement (Washington, 1959) au sud du soixantième degré de latitude Sud. Le Protocole au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement (Protocole de Madrid) est adopté : l’Antarctique devient une réserve naturelle consacrée à la paix et à la science.

Le Protocole vient en réalité renforcer un dispositif ancien qui s’était progressivement étoffé. Depuis 1964, l’introduction d’espèces exogènes est en effet exclue. Cette interdiction ne concernait cependant pas les chiens de traîneau. Plus encore, il était prévu qu’ils pouvaient « être introduits » et que des permis pouvaient être octroyés « pour fournir les aliments indispensables aux hommes et aux chiens dans la zone du Traité, en quantité limitée et en conformité avec les principes et les objectifs ».

L’exception, au profit des chiens, au principe de l’interdiction d’introduction d’espèces exogènes se justifiait par le fait qu’à l’époque les technologies au service du transport étaient encore peu développées.

Si leur entrée en Antarctique était envisageable, elle était toutefois conditionnée : non seulement un permis autorisant leur entrée devait avoir été obtenu au préalable, mais les chiens devaient être vaccinés contre différentes maladies (l’hépatite canine contagieuse, la rage, la leptospirose…) avant d’entrer dans la zone du Traité sur l’Antarctique.

Vidéo sur la faune de l’Antarctique (National Geographic, 2018).

Avec l’évolution des technologies, les chiens ont peu à peu laissé la place aux engins motorisés. Les risques que comportait leur présence pour le milieu naturel ont d’autre part été davantage soulignés. Il a été rappelé que des phoques avaient été utilisés pour les nourrir, qu’ils risquaient de se détacher, d’errer sur le continent et d’attaquer la faune, qu’ils la menaçaient en développement la maladie de Carré, affection virale très contagieuse pouvant être transférée à d’autres espèces (phoques).

Les auteurs du Protocole de Madrid ont alors choisi d’exclure les chiens de l’Antarctique.

Une nouvelle distinction pour le continent austral

Depuis le Protocole de Madrid « aucune espèce animale ou végétale non indigène de la zone du Traité sur l’Antarctique n’est introduite sur le continent ou sur la plate-forme glaciaire ou dans les eaux de cette zone » sauf si un permis préalable été accordé à cette fin.

Le principe vient d’ailleurs d’être réaffirmé dans la Déclaration de Paris, adoptée lors de la dernière réunion consultative au Traité sur l’Antarctique en juin 2021, dans laquelle les États ont « réaffirmé leur engagement à poursuivre leurs efforts pour protéger la faune et la flore indigènes, y compris en empêchant l’introduction d’espèces non indigènes ».

Si un permis peut être accordé pour déroger à cette règle, les chiens sont toutefois exclus d’une telle possibilité. Quant à ceux qui s’y trouvaient, ils ont dû tous être évacués au 1er avril 1994.

Depuis le Protocole de Madrid, les chiens sont donc exclus du continent antarctique et des plates-formes glaciaires. Le continent austral marque ainsi une nouvelle différence par rapport à la région arctique, où les chiens de traîneau ont droit de cité.

Des risques multiples

Les États doivent toutefois rester attentifs aux comportements de leurs ressortissants. En Norvège, les autorités nationales ont ainsi été saisies de plusieurs demandes d’introduction de chiens dans le cadre du centenaire de la première expédition ayant atteint le pôle Sud.

Certains regrettent cette interdiction absolue et rappellent que l’emploi de chiens représentait un mode de transport soutenable et moins dommageable en matière de l’environnement que n’importe quel mode de transport employé depuis.

Comme l’a d’autre part souligné Alain Grenier, spécialiste des croisières et du tourisme polaire, ce dernier « trouve sa distinction dans l’inusité, par exemple le moyen de transport utilisé (le traîneau à chiens) ». On pourrait très bien imaginer que des tour-opérateurs peu scrupuleux cherchent à se démarquer de leurs concurrents et offrent de nouvelles formes de tourisme en s’inspirant d’expéditions anciennes…

Vidéo sur le tourisme en Antarctique. (TV5 Monde Info, 2019).

Certains pourraient également être tentés de faire voyager à bord de leur navire des espèces exogènes. En février 2018, un skipper est ainsi parti sillonner les mers du globe… en embarquant une poule à bord de son voilier. Il lui a été rappelé avec force que, tout comme les chiens, les volatiles vivants sont interdits dans la zone antarctique.

Ni chien, ni poule donc en Antarctique. Mais des pétrels, des skuas, des phoques… et des manchots empereurs, particulièrement sensibles aux effets du réchauffement climatique, tout comme leurs voisins lointains, à l’autre bout du globe, les ours polaires.

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