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Jérôme Beauchez

Sociologue et anthropologue, Université de Strasbourg

Depuis septembre 2018, Jérôme Beauchez est professeur de sociologie et d’anthropologie à l’université de Strasbourg, où il est également directeur-adjoint du laboratoire Dynamiques Européennes. De 2009 à 2018, il a été maître de conférences à l’université de Lyon/Saint-Etienne, chercheur au Centre Max Weber et membre du LabEx (Laboratoire d’excellence) « Intelligences des Mondes Urbains ». Entre 2013 et 2017, Jérôme Beauchez a coordonné le programme ANR (Agence nationale de la recherche) « Socioresist ». Dans ce cadre, il a mené et dirigé des enquêtes ethnographiques auprès de différentes populations marginalisées. L’objectif était d’interroger les résistances quotidiennes à l’adversité des dominations de « genre », de « classe » ou de « race ». Ces investigations lui ont également valu d’être élu deux années de suite par le CNRS à une délégation auprès de l’Institut interdisciplinaire de recherche sur les enjeux sociaux – l’IRIS, à Paris – dont Jérôme Beauchez a été membre de 2016 à 2018.

Ces travaux ont été publiés par les Éditions de l’EHESS (École des hautes études en sciences sociales) à Paris, Palgrave MacMillan à New York et des revues telles que Sociology, Ethnography, le Journal of Contemporary Ethnography, Critical Sociology ou Qualitative Inquiry. L’ensemble de ces textes (deux ouvrages et plusieurs dizaines d’articles) composent une « perspective marginale » sur les conflits sociaux, la conception des normes, de la déviance, ou des formes de vie alternatives. Deux articles reliés à ce projet ont récemment été publiés par SAGE Journals : Sur la Zone: A Critical Sociology of the Parisian Dangerous Classes (1871–1973), Critical Sociology, Vol. 46(4-5) 693–710 (2020) and (Auto)Ethnography Underground: Some French “Fibrils” and “Scratches”, Qualitative Inquiry, Vol. 26(10) 1269–1280 (2020).

Au fil de ses enquêtes, Jérôme Beauchez a élaboré cette « perspective marginale » qu’il travaille aujourd’hui à enrichir, sinon à renouveler en l’ouvrant à de nouveaux points de vue sur le quotidien de personnes et des groupes marginalisés. Ces nouveautés incluent les discours, les formes de jugement, ou encore les rapports aux droits comme à différents types d’institutions qui réservent un certain traitement aux cas « marginaux ». L’idée principale consiste à faire apparaître les situations comme les conditions marginales à l’entrecroisement des perspectives diachroniques, synchroniques, mais aussi émiques (les regards sur la marge portés par ses insiders) et étiques (la vision des outsiders qui commentent, interprètent et jugent la marginalité de l’extérieur). Telle est, par exemple, l’ambition de l’enquête menée par Jérôme Beauchez sur la « zone » (un signifiant des marges françaises), comme sur tout un ensemble de subcultures (im)populaires dont l’étude continue de faire défaut en France. À partir d’expériences diversement situées, il s’agit donc de commencer par aller dans le sens de la marge en portant le regard sur le quotidien des « zonards » : punks, skinheads, travellers, squatteurs et autres routards dont les conceptions du monde forment autant de visions et de concepts proches de leurs expériences.

Mais au-delà de ce premier point de vue, aller dans le sens de la marge peut également revêtir une autre signification. Car hier comme aujourd’hui, les expériences marginales n’ont pas laissé de susciter divers ordres de discours, le plus souvent énoncés à partir de regards extérieurs – comme celui des institutions légales, voire de tel ou tel groupe d’« entrepreneurs de morale ». Parce qu’ils construisent le sens, voire la réalité des marges tels qu’ils apparaissent aux yeux du plus grand nombre, ces discours et autres jugements composent une perspective étique que Jérôme Beauchez a entrepris d’analyser en la mettant au regard de la perspective émique qui est celle des groupes marginalisés. C’est à ce titre qu’il s’intéresse notamment à la manière dont une institution juridique comme la Cour européenne des droits de l’homme traite les cas « marginaux ». Elle-même située à la marge des juridictions nationales, cette institution européenne des plus centrales est en effet chargée de faire valoir les droits fondamentaux jusque dans les interstices de nos sociétés. Mais comment les juristes internationaux comprennent-ils les expériences de la marge, parfois aussi éloignées de leur monde quotidien que de la légalité ? Cette question ne peut-elle pas être adressée à toutes celles et ceux qui prétendent interpréter – et parfois juger – le quotidien d’individus ou de groupes dont les situations ne sont jamais approchées que de l’extérieur ? Quid de cet autre regard qui, de l’intérieur, ouvre une perspective sur le sens des expériences vécues par les membres des groupes marginalisés ?

Tandis que le projet de recherche mené par Jérôme Beauchez se situe à l’articulation des points de vue sur la marginalité, les formes de récit, les déviances et les conceptions du droit qui lui sont associées, il porte l’ambition d’une analyse culturelle capable d’aller dans le sens des expériences marginales. Loin d’être univoque, ce sens varie selon les regards et leurs perspectives. Or, c’est au cœur de cette variation que se dessinent les objets comme les sujets de l’enquête. Si elle a pour ambition de constituer une sociologie culturelle de la marginalité, cette dernière est également appelée à fonder un programme de recherche plus vaste, lequel doit déboucher sur une conception des « études culturelles » aussi inédite qu’originale. Jérôme Beauchez y travaille activement aux côtés de tout un groupe de chercheuses et de chercheurs désireux de donner un nouvel élan aux sciences sociales à Strasbourg.

Experience

  • –present
    Sociologue et anthropologue, Université de Strasbourg