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La mairesse de Montréal, Valérie Plante, présente Fady Dagher comme nouveau chef du Service de police de Montréal, le 24 novembre 2022. La Presse canadienne/Paul Chiasson

Projet Montréal continue d’augmenter le budget de son service de police. Voici pourquoi

En novembre, Projet Montréal a présenté son budget pour 2024. Certains auront une impression de déjà-vu. Comme l’an dernier, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) s’apprête à dépasser son budget d’au moins 36,9 millions de dollars.

Une fois de plus, Projet Montréal se contente de couvrir les dépenses extraordinaires du SPVM et d’augmenter son budget pour l’année à venir — tout en demandant à la Société de transport de Montréal (STM) de combler son déficit budgétaire en réduisant ses dépenses en 2024.

Mes recherches portent sur les politiques de sécurité publique dans les villes canadiennes. J’ai ainsi suivi l’évolution des budgets des dix plus grandes polices urbaines du Canada au cours des cinq dernières années. Les résultats de cette recherche, j’espère, permettront de placer le débat budgétaire actuel à Montréal dans un contexte plus large.

De plus en plus d’argent pour la police

Les largesses de Projet Montréal à l’égard de la police n’est pas nouvelle. Au cours des cinq dernières années, le SPVM a dépassé son budget de 35,7 millions de dollars par année. Au total, ce sont 178,6 millions de dollars que le SPVM s’est octroyé — une somme que la Ville aurait pu consacrer à d’autres priorités.

Aucune autre grande ville du Canada ne permet de tels dépassements budgétaires. Celle qui s’en rapproche le plus est Vancouver, qui tolère que son service de police excède son budget de 2,5 millions de dollars par année — soit 15 fois moins.

Des policiers du SPVM sur une scène de crime, en octobre 2020. Contrairement à d’autres villes canadiennes, Montréal continue d’augmenter le budget à son corps policier. La Presse canadienne/Graham Hughes

Projet Montréal a également octroyé des augmentations budgétaires sans précédent au SPVM. La majoration de 45 millions de dollars du budget du SPVM en 2022 était la plus importante de l’histoire de la Ville, jusqu’à ce que l’augmentation de 60 millions de dollars pour 2023 établisse un nouveau record. Il s’agit là aussi d’un cas unique au Canada. Depuis 2020, Montréal a injecté plus d’argent frais dans la police que n’importe quelle autre grande ville canadienne — 35 millions de dollars de plus que Toronto, la deuxième ville la plus dépensière.

En octroyant au SPVM une nouvelle augmentation dans le budget municipal 2024, une somme de 35 millions de dollars, Projet Montréal continue à agir comme la division de collecte de fonds de la police.

Le transport en commun, le grand perdant

Ces dépenses sont difficiles à défendre, et Projet Montréal a fait très peu d’efforts pour les justifier.

De son côté, le SPVM fournit des excuses. Au cours des trois dernières années, il évaluait que le service manquait d’effectifs et devait recourir aux heures supplémentaires (beaucoup plus coûteuses) pour combler le manque de ressources. Pourtant, Montréal est la ville qui compte déjà le plus de policiers par habitant au Canada. D’autres services de police (notamment celui de Toronto) accumulent plus d’heures supplémentaires, tout en respectant leur budget.

Il est par ailleurs encore plus difficile d’expliquer comment le SPVM n’a pas réussi à embaucher les 124 policiers supplémentaires en 2023 — l’estimation la plus optimiste est une augmentation de 80 à 90 policiers — mais qu’il a quand même dépassé son budget et veut maintenant une autre augmentation pour embaucher 107 policiers de plus.

Il est peut-être ironique que Projet Montréal prétende prioriser le transport en commun — la « ligne rose » étant l’une de ses principales promesses lors de l’élection de 2017 — alors que l’administration municipale force la STM à réduire ses dépenses et ses effectifs, tout en redistribuant au SPVM les économies ainsi réalisées.

En 2023, la STM a été forcée de réaliser 51,6 millions de dollars d’économies, alors que le SPVM a été autorisé à augmenter ses dépenses de 65 millions de dollars. Au cours de la prochaine année, la STM sera forcée de réduire ses dépenses d’encore 50 millions de dollars, alors que le SPVM sera autorisé à augmenter ses dépenses de 35 millions de dollars. Résultat : 250 effectifs de moins pour le STM et 107 de plus pour le SPVM.

Des alternatives à la police

On pourrait rétorquer que la sécurité publique est une dépense essentielle, car des vies sont littéralement en jeu. Mais la sécurité publique n’est pas qu’une question de police. Ce qui distingue Montréal des autres grandes villes dans son approche est son incapacité de considérer comment les investissements dans d’autres services et programmes peuvent mieux prévenir la violence, mieux répondre à certaines catégories d’appels au 911 et, en fin de compte, donner moins de travail à la police.

À Toronto, par exemple, le Community Crisis Service a été lancé en 2022 comme réponse non policière aux appels d’urgence impliquant la santé mentale. Ce service fait appel à des professionnels de la santé, qui relèvent généralement de la compétence des provinces, mais est financé par la Ville au motif qu’il permet de réduire le recours à la police. Montréal pourrait bien suivre l’exemple de Toronto, ce que le directeur du SPVM, Fady Dagher, semble soutenir.

Fady Dagher soutient aussi, par ailleurs, les demandes de la communauté de retirer les policiers « socio-communautaires » des écoles, où leur présence cause un sentiment d’insécurité à de nombreux élèves. La Ville pourrait saisir cette opportunité et réaffecter l’argent actuellement alloué aux « socio-comms » à des professionnels mieux outillés à répondre aux besoins des élèves. C’est d’ailleurs ce qu’ont fait les écoles de Toronto, d’Hamilton, d’Ottawa et de Vancouver.

Parmi les nombreuses questions que nous devrions poser pendant cette saison budgétaire, est celle de savoir si Projet Montréal croit que le SPVM devrait avoir un plus grand rôle dans la ville — ou si on pourrait finalement mettre un terme à son sur financement.

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