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Visite officielle de Georges Pompidou à l'hôtel de ville de Brest en octobre 1971. À sa droite, Georges Lombard, maire de Brest.
Visite officielle de Georges Pompidou à l'hôtel de ville de Brest en octobre 1971. WikiCommons, CC BY-SA

Que reste-t-il de la présidence Pompidou 50 ans après ?

Il y a cinquante ans, le 2 avril 1974, Georges Pompidou, le Président de la République élu quatre ans et sept mois plus tôt succombe brutalement à la maladie de Waldenström, un cancer qui touche la moelle osseuse.

Son septennat inachevé a poursuivi la politique de modernisation du pays, le développement économique et industriel de la France souhaité et amorcé par le général de Gaulle.

Les réformes pompidoliennes ont durablement modifié la France et l’héritage du second président de la Ve République demeure largement prégnant un demi siècle plus tard.


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Le développement de l’automobile

Le mandat de Georges Pompidou aura été celui de la démocratisation de la voiture. Le processus débute lors des années 1960, alors que Charles de Gaulle est Président de la République et Georges Pompidou son Premier ministre.

Si plusieurs projets sont déjà mis en chantier avec l’homme du 18 juin, son successeur à l’Élysée lance la construction de plus de 400 kilomètres d’autoroutes.

En octobre 1970, il inaugure l’autoroute A6 qui relie Marseille à Lille en y circulant à bord d’une Renault 16. À cette occasion, il présente la voiture comme « un instrument de travail » mais aussi comme « un instrument de libération » servant à éviter les transports en commun, se rapprocher de la nature, accéder plus facilement à certains lieux de loisir.

Georges Pompidou au Salon de l’automobile en 1972. INA.

Autre projet emblématique de cette démocratisation de l’automobile, le grand plan autoroutier pour Paris a pour ambition de décongestionner la circulation en poursuivant la construction de huit autoroutes de 2x2 voies, 2x3 voies et 2x4 voies selon différents axes et rocades.


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Le périphérique de Paris est d’ailleurs inauguré par le Premier ministre Pierre Messmer en avril 1973 pour le compte de Georges Pompidou.

Ce dernier a également prévu de construire des voies sur les berges parisiennes, toujours dans l’esprit de fluidifier la circulation.

De vives oppositions entourent ce projet pour des motifs différents : préservation d’espaces piétons anciens, protection de l’environnement qui était fortement menacé par ce projet, volonté de ne pas laisser l’État décider seul pour la ville de Paris.

Sensible aux arguments des militants écologistes et de résidents qui prônent la préservation du patrimoine local, Valéry Giscard d’Estaing annule ce projet peu après son élection à la Présidence de la République, à l’exception de quelques pans où les travaux avaient déjà commencé.

La construction des institutions européennes

Convaincu que l’Europe est une civilisation ancienne mue par une culture commune, Georges Pompidou dévie de la ligne gaullienne en relançant la construction européenne.

Dès décembre 1969, lors du sommet européen (à l’époque, la réunion des six pays membres de la Communauté économique européenne) de La Haye, il négocie l’élargissement de la Communauté européenne en acceptant une candidature du Royaume-Uni – le « cheval de Troie » étasunien tant rejeté par de Gaulle – de l’Irlande, du Danemark et de la Norvège.

Il convient également des règles financières à destination de la politique agricole commune et débat d’une ouverture plus large du marché commun ainsi que de l’union douanière. Le rapport (d’Etienne) Davignon, aussi appelé rapport Luxembourg, propose des moyens de répondre aux problèmes soulevés par les différents changements envisagés au sein de la Communauté économique européenne (CEE), que les ministres des Affaires étrangères approuvent le 27 octobre 1970.

Le traité de Bruxelles est signé le 22 janvier 1972. Il acte l’entrée dans la CEE du Royaume-Uni, de l’Irlande, du Danemark et de la Norvège pour le 1er janvier 1973. Toutefois, les Norvégiens refusent d’intégrer la CEE lors d’un référendum, rendant inapplicable le traité à leur endroit.

En France, Georges Pompidou soumet l’adoption du traité de Bruxelles à la décision des Français par le référendum d’avril 1972. Il s’agit principalement d’un calcul politique : les négociations autour d’un programme commun de gouvernement d’union de la gauche entre socialistes, communistes et radicaux de gauche sont en cours de finalisation.

Georges Pompidou annonce la tenue d’un référendum sur l’adoption du traité de Bruxelles lors d’une conférence de presse le 17 mars 1972.

Le président de la République espère pouvoir diviser les protagonistes de gauche car il sait que les socialistes soutiennent l’élargissement de la CEE alors que les communistes s’y opposent. Ces derniers en ont parfaitement conscience et parviennent à contourner le problème en choisissant une voie médiane – appel à l’abstention pour dénoncer une instrumentalisation politique des questions européennes – et le référendum s’avère décevant pour Pompidou puisque seuls 36 % des inscrits disent « oui » (le taux d’abstention est de 40 % !).

Si les objectifs dissimulés de Georges Pompidou ne sont pas atteints (tester sa popularité, permettre aux gaullistes de prendre une forme de « revanche » avec le référendum d’avril 1969, diviser les gauches), il n’en reste pas moins que l’élargissement de la CEE est validée.

Le 21 octobre 1972, le sommet de Paris voit les neuf membres de la CEE annoncer leur volonté de renforcer les institutions européennes et la coopération politique. Une volonté confirmée l’année suivante par la « déclaration sur l’identité européenne » à Copenhague.

Un musée pour valoriser l’art moderne

S’il fallait n’évoquer qu’un dernier apport du mandat présidentiel de Georges Pompidou, il paraît incontournable de mentionner la construction du palais Beaubourg à Paris, rebaptisé par la suite sous le nom de Centre Pompidou en hommage à son initiateur.

À l’époque, Georges Pompidou fait deux constats : Paris semble perdre sa place de leader des arts au profit de New York au tournant des années 1960-1970, et offre peu d’espaces à l’art contemporain (à l’exception d’une élite parisienne limitée et de galeries d’art à l’accès très restreint).

« Je voudrais passionnément que Paris possède un centre culturel […] qui soit à la fois un musée et un centre de création, où les arts plastiques voisineraient avec la musique, le cinéma, les livres, la recherche audio-visuelle, etc. Le musée ne peut être que d’art moderne, puisque nous avons le Louvre. La création, évidemment, serait moderne et évoluerait sans cesse. La bibliothèque attirerait des milliers de lecteurs qui du même coup seraient mis en contact avec les arts » déclare-t-il au journal Le Monde le 17 octobre 1972.

Il souhaite voir créer un espace original qui allie exposition d’œuvres d’art moderne (musée) et production artistique (centre d’art). Par ce biais, Paris pourrait trouver un nouveau dynamisme culturel et démocratiser l’accès à l’art contemporain.

Georges Pompidou et son ministre de la Culture d’alors, Edmond Michelet, commencent à élaborer le projet d’un musée-centre d’art contemporain dès décembre 1969. Un concours international est lancé l’année suivante pour sélectionner un projet architectural. Les travaux sont lancés en janvier 1972 pour ne s’achever que cinq années plus tard.

Quelques heures avant sa grande inauguration, le 31 janvier 1977, le Centre Beaubourg ouvre ses portes à 40 collégiens… aussi impressionnés que mitigés.

La construction d’un musée d’art moderne est loin de faire l’unanimité, aussi bien au sein du gouvernement que des citoyens. En septembre 1971, alors que le projet proposé par les architectes Enzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini est approuvé pour remplacer les îlots insalubres du plateau Beaubourg, un micro-trottoir mené par l’ORTF dans les rues de Paris reflète le malaise qui l’entoure, quand il ne s’agit tout simplement pas d’un franc rejet.

Des spectateurs interrogés déclarent sans ambages qu’il pourrait s’agir de « l’erreur monumentale du siècle » ou que le projet leur semble « une boîte, une prison, [dans laquelle] on fera des expériences comme sur des lapins, ou comme dans les hôpitaux psychiatriques ».

Projet partiellement contesté jusqu’au sommet de l’État, le Centre Pompidou est tout de même inauguré le 31 janvier 1977 par Valéry Giscard d’Estaing.

Moderniser envers et contre tout

Comme le démontrent ces quelques exemples, le mandat présidentiel de Georges Pompidou est marqué par de grands projets de modernisation des infrastructures nationales.

Les quelques mois qui précèdent la mort prématurée du chef de l’État voient cependant un net ralentissement de la politique réformatrice mise en œuvre du fait de la crise énergétique et économique, mais pas un arrêt définitif.

En effet, le troisième gouvernement du Premier ministre Pierre Messmer lance en février-mars 1974 (avec l’aval du président de la République) le plan Messmer, qui vise à rendre la France la plus autonome possible vis-à-vis des énergies fossiles grâce à la multiplication d’implantation de centrales nucléaires civiles.

Mis en œuvre par les successeurs de Georges Pompidou, ce projet a permis à la France d’atteindre jusqu’à presque 75 % de production d’électricité. Un héritage encore d’actualité cinquante ans plus tard.

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