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Quelles batteries pour les véhicules électriques ?

BMW Electric Car. Jon Lee Clark/Flickr, CC BY

Rouler, oui, mais électrique : la demande en véhicules à la motorisation alimentée par l’électricité est en croissance sur tous les continents et plus particulièrement en Asie. À ce jour, plus d’un million de véhicules électriques circulent sur la planète. La question stratégique posée par ce nouveau mode de transport est celle des batteries utilisées, de leurs technologies et de leurs assemblages.

Une batterie doit répondre à un cahier des charges très fourni : à savoir, une tension d’usage ; une durée d’utilisation ; une durée de recharge ; le nombre de cycles ; une plage de températures de fonctionnement ; une quantité d’énergie délivrable par unité de masse mais aussi de volume… Dans le cas du véhicule électrique, le critère premier à considérer est la durée d’utilisation, autrement dit son autonomie. Pour un véhicule, on peut embarquer un grand nombre de batteries et donc d’énergie exprimée en kilowatt-heure (kWh) et/ou travailler sur l’augmentation de l’autonomie d’une seule batterie en jouant sur ses composants.

Tous les fabricants d’automobiles proposent leur gamme de véhicules électriques. L’énergie des batteries est comprise entre 22 kWh et 100 kWh pour la BMW i3 22 et les deux modèles de Tesla (X 100D et S 100D) ce qui leur offre une autonomie variant de 190 à 632 km selon le référentiel du cycle NEDC pour « new European driving cycle ». En fonction des réelles conditions d’usage du véhicule électrique, l’autonomie peut bien sûr être réduite. Quel que soit le fabricant, la technologie de la batterie unitaire est la même : lithium-ion.

Batterie pour moto. Skyrich, CC BY

Cette technologie est commune à tous les fabricants car c’est à ce jour la plus performante. Son principe de fonctionnement est simple : l’échange des ions lithium entre deux électrodes qui seront le siège de processus chimiques d’oxydoréduction. Pourquoi avoir choisi cet ion à échanger entre des matériaux constituant alternativement le pôle positif et le pôle négatif d’une batterie ? Si l’on veut maximiser l’énergie, il faut optimiser l’autonomie mais aussi la différence de potentiel d’une batterie. Pour atteindre ce dernier objectif, il faut associer une électrode à forte tension à une électrode à faible tension.

Pour la faible tension, on connaît depuis très longtemps le matériau idéal : le lithium. Cependant, son introduction dans les batteries a mis quelques années à advenir car cet élément chimique n’est pas simple à manipuler et il est très instable à l’air sous forme métallique. Son utilisation sous forme d’un ion a permis d’imposer cet élément comme un élément incontournable des batteries. De plus, l’ion lithium a une toute petite taille ce qui lui permet une mobilité très rapide.

Pour la forte tension, il faudrait utiliser le fluor mais c’est un gaz très toxique et donc c’est inenvisageable. Un voisin du fluor en chimie est l’oxygène mais c’est également un gaz difficile à gérer dans une batterie. Une solution a alors été d’allier cet oxygène avec d’autres éléments chimiques sous la forme d’un oxyde solide. Les possibilités sont alors multiples et l’on retient préférentiellement le cobalt, le nickel et le manganèse pour s’associer à l’oxygène et constituer un matériau d’électrode positive.

Au cours des charges et décharges de la batterie, cet ion lithium est donc inséré puis désinséré très rapidement d’une électrode positive puis d’une électrode négative et ce à travers un liquide dit « électrolyte » à base de solvants organiques. Pour ne pas mettre en court-circuit la batterie par le contact des deux électrodes de pôles opposées, ces électrodes sont séparées par des sortes de feutres qui sont de fort isolants électriques mais aussi un réservoir à électrolyte pour que les électrodes soient toujours imbibées et en contact avec les ions lithium.

Comment augmenter l’autonomie des batteries ?

Si on veut augmenter l’autonomie du dispositif, il faut accroître la quantité d’ions lithium à échanger entre l’électrode positive et l’électrode négative. Les recherches en chimie ne cessent de proposer de nouveaux matériaux aux capacités d’accueil d’ions lithium de plus en plus importantes. Actuellement, on trouve du côté de l’électrode positive des composés à base de lithium, cobalt, manganèse, nickel et oxygène ou bien des phosphates de fer lithiés. Du côté de l’électrode négative, on trouve essentiellement du graphite. Les chercheurs proposent de nombreuses autres chimies en électrode positive comme des composés fluorés, et en électrode négative des oxydes de silicium ou d’étain voire même le lithium métallique. Une autonomie multipliée par au moins un facteur 2 semble envisageable.

Quelles sont alors les potentielles limites au développement des batteries ? Plusieurs difficultés doivent être surmontées pour augmenter le nombre de véhicules en service. Tout d’abord, les approvisionnements en matière première en matériaux constitutifs des électrodes, à savoir le lithium ou le cobalt, sont incertains. La question du cobalt est très préoccupante à la fois du fait de sa rareté, de la localisation unique des mines en République Démocratique du Congo et de sa toxicité. On estime que d’ici 60 ans, nous n’aurons plus de cobalt à disposition dans les mines. Le lithium est lui aussi sujet à des inquiétudes sur son approvisionnement. Les gisements de lithium sont assez rares et se trouvent pour une grande part en Bolivie, en Argentine et au Chili, très loin des principaux constructeurs de batteries. Le cours du lithium est fortement lié à la géopolitique de l’Amérique du Sud et cela ne rassure pas les marchés.

Mine de lithium, Etats-Unis. Doc Searls/Flickr, CC BY

Batteries au sodium

Faire des électrodes sans ou avec très peu de cobalt semble être la solution : de nombreux matériaux d’électrode positive sont en cours d’évaluation. Pour remplacer le lithium, un parent de ce composé, le sodium, est en cours de test. Certes, la substitution du lithium par le sodium entraîne une diminution d’environ 0,3 V de la tension de la batterie mais l’autonomie n’est pas amoindrie. De plus, l’approvisionnement en sodium via la transformation du sel marin sera facilité pour de nombreux pays. Les batteries de demain pourraient donc être des batteries à ion sodium ! La startup française Tiamat ou le finlandais Broadbit batteries propose d’ores et déjà des premiers petits formats de batterie qui pourrait évoluer vers ceux nécessaires pour le véhicule électrique.

Un autre point litigieux pour les batteries : les questions de sûreté. Tout le monde a entendu parler d’échauffements conduisant à la dégradation d’une batterie, en particulier pour celles qui sont portatives. La plupart du temps, le problème réside dans la formation d’aiguilles de lithium métallique qui viennent perforer les séparateurs et mettent en court-circuit les deux électrodes. La formation de ces aiguilles est à mettre en lien avec la nature de l’électrolyte : un sel de lithium dissous dans des solvants organiques.

Inconcevable pour les constructeurs de subir de tels dégâts dans leurs batteries pour véhicule électrique. Il faut donc revisiter la nature de l’électrolyte en évitant les solvants et en favorisant des solides bons conducteurs ioniques. Des constructeurs comme Toyota, Volkswagen ou BMW ont ainsi l’intention de mettre sur le marché des batteries à base d’électrolytes solides en 2022. Avec cette technologie, le consortium japonais NEDO projette une diminution par trois du prix d’une batterie et de s’affranchir de la dépendance des batteries chinoises.

La Chine mise sur l’électrique : la Changan Benni Mini. John Lloyd/Wikimedia, CC BY

De surcroît, ce type d’électrolyte permet d’utiliser le lithium en électrode négative et donc d’augmenter la densité d’énergie. On prévoit ainsi de multiplier par deux l’autonomie du véhicule électrique et donc approcher des 1 000 km de route. À noter qu’un fabricant français, la société Bolloré, propose une autre technologie d’électrolyte solide à savoir un polymère ionique. Elle a d’ores et déjà été intégrée dans des véhicules électriques et a fait ses preuves. Seul point noir : sa température optimale de fonctionnement qui est actuellement de 80°C. Affaire à suivre : de nombreux chercheurs, français et étrangers, proposent des solutions pour abaisser cette température.

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