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Siesta ou Tagesrhythmus, les jeunes cadres internationaux veulent gérer leur temps

Sieste dans la salle d'attente de l'entreprise. Fabio/Flickr, CC BY-SA

Amédée a fait une prépa puis une grande école de management. Durant ses études il a appris à gérer son temps et en particulier son temps de sommeil : sachant très bien que la nuit de 8h est un construit social datant seulement du XVIIᵉ siècle, il avait choisi des nuits plus courtes et une sieste pour tenir le coup, dans sa chambre d’internat en prépa et dans le fauteuil club de l’association « bourse-finance » de l’école.

Fraîchement diplômé, Amédée comme plusieurs de ses camarades de promo rejoint un cabinet de conseil à la réputation internationale situé dans le cœur de Paris. Et là c’est le drame ; Amédée a officiellement une pause déjeuné d’une heure, mais tous les midis il ingurgite son menu bistrot en 20 minutes au coin de la rue avec toute l’équipe. Ça permet de faire un point et de repartir de plus belle… sauf qu’à 14h, les cafés n’empêchent plus la somnolence post-prandiale, qui cumulée à la fatigue et au stress, se transforme en sacré coup de bambou. Mais l’avenir du cabinet appartient à ceux qui ne se recouchent pas à 13h45 !

Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà

Après quelques années de bons et loyaux services durant lesquelles il a été contraint de mettre de côté sa sieste estudiantine, Amédée est recruté par un concurrent espagnol. Là-bas, c’est plutôt la fringale qu’il découvre, avec des matinées, certes très efficaces, mais longues, de 9h à 14h. Ensuite, ce sont deux heures de pause et une reprise en pleine forme pour plusieurs heures efficaces. La pause c’est en famille, à la plage ou détendue entre collègues.

La pause à cette heure-là c’était surtout pour éviter le soleil de plomb, d’autant que l’Espagne est à l’heure de Paris mais se situe beaucoup plus à l’Ouest, donc le zénith est plus tard. Mais ça a bien d’autres avantages. Amédée travaille en étroite relation avec la France et d’autres pays européens. Ces derniers font une pause à midi, pendant ce temps les équipes d’Amédée prennent le relais. À 14h c’est le contraire. Le retour de pause à 16h donne le temps pour un briefing et ensuite l’équipe d’Amédée assure le travail de 17 à 19h.

Enfin, les semaines où Amédée préfère ne pas faire la sieste, il ne prend qu’une petite heure et le vendredi, il fait la journée continue, cette autre tradition espagnole : 9h–15h et ya esta ! vamos a la playa.

Travailler dur mais comme on veut

L’expérience d’Amédée, c’est celle de beaucoup de cadres des générations X ou Y dont on exige beaucoup et qui vont finalement s’orienter vers des postes où ils peuvent travailler, certes dur, mais comme bon leur semble ; qui en faisant la sieste, qui en surfant le midi, qui d’autre en déjeunant en famille ou qui enfin en déjeunant devant son poste de travail pour rentrer plus tôt. Ce qui compte c’est une forme de liberté donnée de pouvoir trouver son équilibre et s’épanouir dans le quotidien du travail.

Quand Mariano Rajoy annonce la fin de la sieste, comme la fin d’un privilège, il s’agit plutôt de la fin d’une facilité dont chacun est libre de profiter ou non.

Les conséquences de la satisfaction au travail sur la productivité ne sont pas un fait nouveau, Mayo les a déjà explorées il y a 70 ans. Les bienfaits de la sieste pour l’entreprise sont connus, les neurosciences montrent même aujourd’hui qu’on a un cerveau plus performant lorsqu’on travaille en s’amusant.

Comment attirer les meilleurs ?

Ainsi à l’heure où il ne s’agit plus pour l’entreprise de gérer des ressources humaines mais bien d’attirer des talents, les entreprises commencent à essayer d’attirer les meilleurs profils avec un peu de créativité. Pour ceux que les tâches ménagères rebutent, des entreprises proposent des services de blanchisserie au bureau ou même de ménage à domicile. Les crèches d’entreprise se développent et on a même vu une grande entreprise du secteur de l’aéronautique recruter dans sa cantine le meilleur ouvrier de France pour tenir ses ingénieurs par des pâtisseries.

Parfois, c’est simplement un vestiaire avec une douche permettant de faire du sport ou de venir à vélo qui fera l’affaire. Et parfois même, savoir que cette douche est là suffit, car l’employé sait que s’il en a besoin, il peut.

Dans le cas d’Amédée, les pratiques parisiennes ne convenaient pas tout à fait et il a trouvé son mode de fonctionnement idéal en Espagne. D’autres exemples montrent au contraire une proximité plus poussée avec les pays du nord ou anglo-saxon qui sont très efficaces sur une courte période de temps posté (9h–17h avec pause repas au bureau devant les emails).

D’autres encore vont apprécier les modèles américain et australien où l’on se lève tôt pour aller faire du sport, on va travailler dans la foulée et on rentre tôt pour se coucher tôt. La mondialisation, les formations dans plusieurs langues et les échanges universitaires facilitent les échanges et permettent de s’installer dans l’environnement qui convient le mieux.

Cependant, il ne faut pas se bercer d’illusions, il y a aussi des échecs, comme celui d’un collaborateur allemand d’Amédée travaillant également en Espagne et qui partait tous les jours très tôt, parce qu’il avait fini son travail en n’ayant pas pris de pause le midi. Il a quitté l’entreprise à cause des perpétuelles réflexions à son égard de la part de ses collègues.

Mais il n’y a personne que ça n’intéresse pas d’être heureux dans son travail, il n’y a que des ajustements impossibles entre un individu et son entreprise et des incompatibilités culturelles entre ce même individu et l’environnement dans lequel est bercé son employeur. Manager c’est connaître les valeurs et les véritables besoins et motivations de ses collaborateurs (voir Rensis Likert et « le principe des relations intégrées » (1961)), recruter des talents c’est trouver les compatibilités au sein d’une équipe.

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