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Une personne montre la France sur une carte d'Europe
Les pouvoirs publics suivent de près les choix d'implantation des entreprises. Shutterstock

Stratégie territoriale des entreprises : pourquoi la transition écologique en fait une nécessité

Depuis quelques années, le territoire opère un retour en force dans la stratégie des entreprises et les politiques économiques publiques. Le fondateur de Tesla, Elon Musk, a ainsi annoncé il y a quelques jours qu’il était « très probable » que le constructeur fasse « quelque chose de très important en France ».

Après avoir été longtemps négligée, la question du choix de l’implantation géographique apparaît en effet de plus en plus présente dans la stratégie des entreprises. Elle est donc suivie de près par les pouvoirs publics, notamment autour du « Made in France ». Non sans résultats, comme en témoigne l’édition 2023, mi-mai, du sommet Choose France où un record du volume d’investissements étrangers promis à notre pays a été atteint.

Le rapport de l’entreprise au territoire est en effet en train de changer. La polémique autour des peluches Phryges, mascottes des JO de Paris 2024, fabriquées en Chine pour 90 % d’entre elles en est un exemple révélateur. Peut-on encore accepter des délocalisations à outrance, alors que la crise Covid a brutalement rappelé la dépendance de notre pays – et de nombreux autres – en matière de production industrielle ?

Qu’il s’agisse de médicaments ou de composants électroniques dans l’automobile, la globalisation a conduit à des aberrations dans les circuits d’approvisionnement, donnant l’impression que le seul argument du coût pouvait justifier des distances toujours plus longues.

L’échouage de l’Ever Given, ce porte-conteneurs géant qui a bloqué en mars 2021 le canal de Suez, l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde, a mis en lumière les limites – chaque jour plus évidentes – d’un système dans lequel « produire loin » voudrait dire « produire mieux » dans le seul sens économique du terme – comprenons donc « produire moins cher ». En effet, dans la conception traditionnelle de la stratégie, héritée des principes du modèle néo-classique de la science économique, le lieu d’implantation constitue au mieux une variable d’ajustement mais est, le plus souvent, complètement ignoré.

Un élément de plus en plus distinctif

En s’appuyant sur nos travaux de recherche, menés depuis une quinzaine d’années et déjà partiellement présentés dans The Conversation France, nous avons tenté de montrer que la dimension territoriale peut constituer un facteur de différenciation stratégique. Et ce, pas uniquement dans les clusters ou les grandes métropoles, mais aussi dans des zones en apparence moins attractives.


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Très concrètement, les entreprises qui développent de façon proactive une stratégie territoriale sont de plus en plus nombreuses, ou, en tout cas, de plus en plus visibles. La dimension marketing et commerciale prime souvent, faisant la part belle aux produits de « terroir ». Si on connaît bien les atouts potentiels des labels de type Appellation d’origine contrôlée (AOC) ou Indication géographique protégée (IGP), l’ancrage du produit sur une aire culturelle ou géographique s’avère être de plus en plus un élément distinctif.

Une intégration des territoires indispensable

Cependant, une véritable stratégie ancrée sur un territoire, ce n’est pas seulement un emballage ou une publicité : il s’agit de raisonner de façon cohérente sur l’ensemble de sa chaîne de valeur. Ainsi Mousline, la célèbre marque repassée en 2022 sous pavillon français, achète 85 % des pommes de terre nécessaires à ses purées dans un rayon de 25 km autour de son unique site de production situé dans la Somme, affirmant ainsi son attachement local.

D’autres entreprises vont plus loin et s’inscrivent dans une logique symbiotique avec le territoire. C’est le cas de l’Institut de Tramayes, implanté dans une petite commune de Saône-et-Loire déjà réputée pour son engagement contre le dérèglement climatique ou la santé en milieu rural, qui propose des parcours de formation pensés à partir de projets pédagogiques au service de l’écosystème local.

De même, les 2 Marmottes, qui produit des infusions et des thés en Haute-Savoie : l’entreprise travaille avec les petits producteurs locaux, mais va beaucoup plus loin avec une charte des achats responsables qui s’engage sur les volets social, environnemental et éthique. Le projet d’entreprise repose ici sur une vision stratégique qui dépasse le critère économique pour intégrer pleinement une responsabilité sociale et environnementale à impact potentiellement positif pour le territoire.

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Ces exemples montrent que la transition socio-écologique ne se fera qu’avec une pleine intégration des territoires dans les projets stratégiques des entreprises. Cette intégration nécessite une prise de conscience réelle des entreprises de leur propre responsabilité sociétale, mais aussi de leur intérêt à intégrer au plus vite la dimension territoriale à leurs stratégies, à leur « raison d’être » et à leurs actions effectives, dans une logique de cohérence et de pleine collaboration avec les acteurs publics et privés concernés.

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