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Les cellules immunitaires libèrent des protéines appelées cytokines qui alertent le reste du système immunitaire de la présence d’un virus. www.scientificanimations.com, CC BY-ND

Traiter la Covid-19 en contrant le choc immunitaire

Ce n’est pas le virus qui tue, mais la réponse immunitaire.

La pandémie actuelle est unique, non seulement parce qu’elle est causée par un nouveau virus qui représente un danger pour tout le monde, mais aussi parce que la réponse immunitaire innée varie énormément et est imprévisible. Dans certains cas, elle est suffisamment forte pour tuer. Dans d’autres, elle est relativement bénigne.

Mes recherches portent sur l’immunité innée. Il s’agit du système de défense d’une personne qui la protège contre les agents pathogènes en commandant au système immunitaire adaptatif de produire des anticorps. Cette réponse par anticorps peut servir à l’élaboration d’approches vaccinales. Je travaille dans le laboratoire du prix Nobel Bruce Beutler et je suis l’un des coauteurs de l’article qui explique comment les cellules qui composent le système immunitaire inné reconnaissent les pathogènes et la manière dont une réaction démesurée de ces cellules pourrait être néfaste pour l’hôte. Cela est particulièrement vrai pour certains patients qui réagissent excessivement au virus responsable de la Covid-19.

La mort cellulaire — un sacrifice dans un jeu d’échecs

J’étudie le processus inflammatoire et la mort cellulaire, les deux principales composantes de la réponse innée. Les macrophages, une sorte de globules blancs, utilisent leurs capteurs pour reconnaître un agent pathogène et produire des protéines appelées cytokines, qui déclenchent ensuite l’inflammation et recrutent l’aide d’autres cellules du système immunitaire inné. De plus, les macrophages apprennent au système immunitaire adaptatif à reconnaître l’agent pathogène et à produire des anticorps.

Pour survivre à l’intérieur de leur hôte, les agents pathogènes peuvent supprimer la réponse inflammatoire en empêchant les macrophages de libérer des cytokines et d’alerter le reste du système immunitaire. Pour contrecarrer cette action du virus, les cellules infectées se suicident. Bien que néfaste du point de vue cellulaire, la mort de la cellule est bénéfique pour l’organisme, car elle stoppe la propagation de l’agent pathogène.

Ainsi, l’agent pathogène à l’origine de la peste bubonique, qui a tué la moitié de la population européenne de 1347 à 1351, était capable de désactiver les globules blancs des personnes atteintes et de proliférer à l’intérieur de ceux-ci, ce qui finissait par provoquer la mort de son hôte. Il est intéressant de noter que l’infection se développait différemment chez les rongeurs, chez qui seuls les macrophages infectés mouraient, limitant la prolifération de l’agent pathogène et leur permettant d’y survivre.

Cette réponse par désactivation est éminemment différente de la réponse violente du système immunitaire au SARS-CoV-2, le virus qui cause la Covid-19. Cela laisse à penser que la maîtrise de la réaction immunitaire innée est cruciale pour la survie des patients atteints de la maladie.

Gravure ancienne d’une charrette servant à transporter les corps des victimes lors de la dernière grande peste de Londres, qui s’est déroulée de 1665 à 1666. duncan1890/Getty Images

Le choc cytokinique

Voici comment une réaction excessive du système immunitaire peut mettre en danger la vie d’une personne qui lutte contre une infection.

Certaines protéines qui déclenchent l’inflammation, appelées chimiokines, alertent d’autres cellules immunitaires — comme les neutrophiles, qui sont des mangeurs de microbes professionnels — pour qu’elles se précipitent sur le site de l’infection afin de digérer l’agent pathogène.

D’autres cytokines — telles que l’interleukine 1b, l’interleukine 6 et le facteur de nécrose tumorale — guident les neutrophiles des vaisseaux sanguins vers les tissus infectés. Ces cytokines peuvent augmenter le rythme cardiaque, élever la température du corps, causer la formation de caillots sanguins qui emprisonnent l’agent pathogène et stimuler les neurones du cerveau pour moduler la température du corps, la fièvre, la perte de poids et d’autres réactions physiologiques qui visent à tuer le virus.

Lorsque le corps perd la maîtrise de la production de cytokines, les immunologistes parlent de choc cytokinique. Dans ce type de réaction, les vaisseaux sanguins se dilatent (vasodilatation), ce qui entraîne une baisse de la pression sanguine et endommage les vaisseaux sanguins. Dans les poumons, on assiste à des afflux de globules blancs, lesquels appellent en renfort des cellules immunitaires pour cibler et tuer les cellules infectées par le virus. Cette bataille crée une soupe de liquide et de cellules mortes et engendre la défaillance des organes.

Les conséquences du choc cytokinique, un élément central de la Covid-19, sont dévastatrices pour l’hôte.

Lorsque les cellules ne parviennent pas à mettre fin à la réponse inflammatoire, la production de cytokines rend les macrophages hyperactifs, et ceux-ci se mettent à détruire les cellules souches de la moelle osseuse, provoquant une anémie. Une production accrue d’interleukine 1b entraîne de la fièvre et une défaillance des organes. L’augmentation du facteur de nécrose tumorale provoque la mort massive des cellules tapissant les vaisseaux sanguins, qui deviennent obstrués. Finalement, le choc devient impossible à endiguer et irréversible.

Des médicaments contre le choc cytokinique

Une des stratégies pour les traitements contre la Covid-19 repose, en partie, sur la rupture du cercle vicieux du choc cytokinique. Pour ce faire, on peut utiliser des anticorps pour bloquer les principaux médiateurs du choc, comme l’IL6, ou son récepteur, présent sur toutes les cellules du corps.

Pour provoquer une inhibition du facteur de nécrose tumorale, on peut avoir recours à des anticorps approuvés comme Infliximab ou Adalimumab, ou à un récepteur soluble comme Enbrel (élaboré à l’origine par Bruce Beutler) qui se lie au facteur de nécrose tumorale et l’empêche de déclencher une inflammation. Le marché mondial des inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale s’élève à 22 milliards de dollars US.

Les médicaments qui bloquent diverses cytokines font actuellement l’objet d’essais cliniques afin d’étudier leur efficacité pour stopper la spirale mortelle de la Covid-19.

This article was originally published in English

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