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Les AVC ischémiques sont causés par une interruption du flux sanguin au cerveau.
Les AVC ischémiques sont causés par une interruption du flux sanguin au cerveau. VSRao de Pixabay

Un nouveau traitement pour les victimes d’AVC permettrait de diminuer les séquelles

Vous êtes-vous déjà demandé comment notre cerveau arrive à apprendre et à mémoriser une multitude d’informations ? Avez-vous un proche qui a présenté des troubles de la mémoire ou de la motricité à la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC) (aussi appelé infarctus cérébral) ?

Si oui, et bien sachez que tout est en lien avec le glutamate, le principal neurotransmetteur excitateur du cerveau. Il est impliqué dans quasiment toutes les fonctions cérébrales, particulièrement celles relatives aux processus d’apprentissage et de mémorisation.

Le maintien du glutamate extracellulaire (situé à l’extérieur des neurones) à de faibles concentrations est primordial. En effet, l’augmentation des concentrations extracellulaires de ce neurotransmetteur conduit à la destruction des neurones. Ce phénomène se retrouve lors de diverses maladies neurologiques, telles que la maladie d’Alzheimer, la lésion cérébrale traumatique ou encore l’AVC.

L’AVC résulte de l’obstruction d’une artère cérébrale par un caillot sanguin, ce qui empêche un apport suffisant en oxygène et en nutriments à la région touchée. Au Canada, l’AVC représente la troisième cause de décès et le principal facteur d’invalidité chez les adultes, avec plus de 400 000 personnes vivant avec des séquelles psychologiques et physiques. Au Québec, environ 20 000 personnes par année subissent un AVC.

Chercheuse en biologie et grande passionnée de chimie, je viens de publier, avec le professeur Marc A. Gauthier et des chercheurs espagnols, un article sur ce sujet, « Sustained blood glutamate scavenging enhances protection in ischemic stroke », dans la revue Nature. En voici les résultats.

Des traitements peu efficaces

Actuellement, les traitements de l’AVC consistent à dissoudre le caillot qui bouche l’artère pour rétablir la circulation sanguine. Or, ces traitements sont souvent peu efficaces pour rétablir les fonctions cérébrales, et parfois inaccessibles.

Il est donc nécessaire d’identifier et de développer de nouvelles substances pharmacologiques qui vont permettre de réduire la taille de la zone cérébrale affectée et de préserver au maximum les activités intellectuelles et motrices des personnes victimes d’un AVC.

Extension de la destruction du tissu cérébral en absence de traitement efficace. Réalisé par Biorender.

Agir directement au cerveau : une piste prometteuse, mais…

De nombreux agents médicamenteux ont été développés pour réduire les niveaux du glutamate dans le cerveau ou bloquer les effets toxiques de celui-ci. Ces molécules ont fait leurs preuves dans les modèles animaux, mais ont abouti systématiquement à un échec lors des applications cliniques chez l’humain.

Ceci est dû, en grande partie, à la présence de la barrière hématoencéphalique (BHE). Cette barrière entre le sang et le cerveau protège le cerveau et empêche la pénétration de ces molécules.

Dans ce contexte, la BHE est devenue l’ultime obstacle pour les chercheurs. L’objectif étant de livrer les médicaments directement au cerveau, la tendance a été de développer divers systèmes de délivrance qui permettraient de franchir cette barrière. Cependant, il n’existe pas encore un système qui livre efficacement les agents pharmacologiques au cerveau.

Contourner la BHE avec l’effet siphon

Au lieu de nous compliquer la vie en développant des systèmes complexes de livraison, nous avons plutôt décidé de contourner la BHE. L’idée est d’attirer le glutamate à l’extérieur du cerveau par effet « siphon ». Notre approche a fait appel à une enzyme, la glutamate oxaloacétate transaminase (GOT), qui dégrade le glutamate contenu dans le sang. Cette diminution des concentrations sanguines en périphérie est compensée par la migration du glutamate cérébral « toxique » vers le sang.

De plus, afin d’optimiser l’effet de la GOT, nous avons attaché à sa surface la vedette de notre laboratoire, le polyéthylène glycol (PEG). Celui-ci « protège » l’enzyme et prolonge de 24 fois sa durée de « survie » dans l’organisme : de 6 heures à 6 jours ! L’avantage a été le maintien de l’effet siphon pour éliminer le pic du glutamate associé à l’AVC, tout en diminuant le nombre de doses données, ainsi que les risques d’effets secondaires.

Effet « siphon » de la GOT modifiée. Adapté de Zaghmi et al. 2020.

Effet du traitement chez le rat

Le maintien de l’effet « siphon » entraîne plusieurs avantages. Après une injection intraveineuse du traitement à des rats ischémiques (ayant subi un AVC), nous avons suivi et mesuré la taille de la zone cérébrale touchée par résonance magnétique nucléaire (RMN). La mesure de ce paramètre est importante car elle permet d’apprécier l’effet du traitement sur l’extension de la destruction du tissu cérébral.

Le résultat était surprenant : la GOT modifiée a réduit de 70 % la zone cérébrale touchée ! Ce pourcentage est très intéressant, car une réduction d’au moins 50 % a été définie comme seuil pour considérer et soumettre un traitement à des essais cliniques.

Par ailleurs, nous avons observé une préservation des fonctions motrices chez les rats ischémiques ayant reçu la GOT modifiée, contrairement aux rats contrôle recevant la GOT non modifiée ou une solution saline. Ce résultat suggère que le traitement par la GOT modifiée pourrait permettre de préserver les capacités motrices des patients.

Collectivement, ces résultats pourraient changer les stratégies médicales actuelles pour le traitement de l’AVC et pour d’autres pathologies, telles que les maladies neurodégénératives. Ceci permettrait ultimement d’améliorer la qualité de vie des patients.


Un remerciement spécial à Audrey-Maude Vézina pour son aide en vulgarisation scientifique

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