Selon des études publiées par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), près de 15 millions de naissances prématurées sont répertoriées dans le monde à chaque année. Ainsi, plus d’un bébé sur 10 naît avant terme. Cette réalité est d’autant plus alarmante quand on sait que, par année, près d’un million d’enfants sont victimes des complications liées à la prématurité.
Les chiffres sont en augmentation ces dernières années dans les pays industrialisés. Aujourd’hui encore, la prématurité est en tête des principales causes mondiales de morbidité et de mortalité néonatale. Elle est la seconde cause de décès chez les enfants de moins de 5 ans.
Bien que ces chiffres soient alarmants, il faut savoir qu’un certain nombre de ces naissances prématurées peut être pris en charge et même évité. Néanmoins, face à cette pathologie destructrice, les chances de survie restent disparates d’un pays à l’autre sans compter que, pour certains survivants, les répercussions sur le développement et la qualité de vie sont conséquentes. Tout est une question, « d’être au bon endroit au bon moment » !
Par ailleurs, les options de préventions et de traitements cliniques quant à la prématurité sont restreintes et uniformisées. Les soins ne sont pas personnalisés.
En vérité, l’inadéquation des soins vient de la difficulté à cibler la cause exacte de ce mal : les infections et les maladies chroniques telles que le diabète, l’obésité ou encore l’hypertension peuvent en être la cause. Il existe autant de motifs de prématurité que de femmes et de types de grossesse !
Néanmoins, plusieurs études observent que la prématurité est étroitement liée à une réponse immunitaire brutale et persistante, principalement localisée dans l’utérus maternel. Cette réponse immunitaire intra-utérine est souvent causée par une infection microbienne chez la mère. L’infection est donc majoritairement associée aux naissances prématurées précoces (moins de 28 semaines) et représente près de 40 % des naissances prématurées spontanées.
Prévenir les naissances prématurées en réduisant l’inflammation
Les options thérapeutiques actuellement disponibles pour traiter les pathologies graves chez la femme enceinte sont à ce jour limitées et inadaptées. Elles passent entre autres par l’injection de progestérone afin de prévenir les risques d’accouchement avant terme, mais l’efficacité de ce moyen de prévention est limitée.
Quant aux infections systémiques ou localisées dans l’utérus, l’unique traitement demeure l’utilisation d’antibiotiques. Ceux-ci s’avèrent efficaces contre l’envahisseur, mais inopérants à long terme contre l’inflammation intra-utérine. Des médicaments de type anti-inflammatoire ont été proposés pour remédier à cette inflammation persistante. Cependant, leur utilisation n’est pas des plus optimales lors d’une grossesse.
À ce jour, force est de constater qu’il existe un cruel manque de choix thérapeutiques adaptés et ciblés pour prévenir les naissances prématurées. C’est pourquoi, dans notre étude, nous proposons l’utilisation d’agents anti-inflammatoires biologiques gestationnels. Il s’agit de molécules immunitaires naturelles et initialement présentes dans notre organisme, qui régulent l’activité et la résolution de l’inflammation.
La particularité de ces agents anti-inflammatoires biologiques est qu’ils font déjà partie intégrante du processus normal de la réponse immune chez la femme enceinte. Cependant, leur potentiel thérapeutique et préventif n’a pas encore été mis en avant dans la recherche de traitement contre les pathologies liées à l’inflammation durant la grossesse.
C’est dans ce contexte que notre laboratoire a démontré que, parmi ces régulateurs biologiques de la grossesse et de l’inflammation, certains agents immunitaires tels que LIF (Leukemia inhibitory factor) participent activement à la résolution du processus inflammatoire favorisant ainsi l’implantation et le maintien de l’embryon au sein de l’utérus.
Dans une première étude, nous avons démontré l’activité anti-inflammatoire de LIF sur des cellules immunitaires et des modèles cellulaires embryonnaires in vitro.
Ces résultats viennent corroborer des études publiées par d’autres groupes de recherche en 2005 qui avaient mis en évidence l’importance de LIF dans la réceptivité utérine et l’implantation embryonaire chez la souris. LIF favorise l’implantation embryonnaire au quatrième jour de gestation chez la souris en limitant la réponse immune dans l’utérus lors de l’arrivée de l’embryon.
Ainsi, nos recherches s’articulent davantage autour des facteurs biologiques gestationnels de la même famille que LIF tel que l’OSM (Oncostatine M). Notre hypothèse est que l’OSM possède également des vertus anti-inflammatoires, capables de modérer l’inflammation durant la grossesse et ainsi protéger le fœtus et la mère.
Sur une bonne voie contre l’inflammation
À ce jour, notre équipe a réussi à mettre en évidence le rôle de l’OSM et son effet anti-inflammatoire dans des modèles cellulaires de placenta humain (modèles cellulaires élaborés en laboratoire). Cet effet pourrait s’étendre aux cellules immunitaires (macrophages). Ces observations sont très encourageantes et prometteuses bien qu’elles soient pour le moment in vitro.
L’ultime confirmation serait de passer à un modèle in vivo. Cette perspective est envisagée grâce à l’utilisation de modèles de souris gestantes infectées par un agent pathogène bactérien et traitées avec des combinaisons de progestérone, LIF et/ou OSM.
Ces futures expériences nous permettrons d’évaluer la pertinence d’utiliser LIF et OSM pour protéger le placenta et l’embryon d’une inflammation causée par une infection bactérienne en plus d’un traitement antibactérien. Du même coup, nous serions en mesure d’établir si ces molécules peuvent éviter la naissance prématurée ou l’avortement spontané, ou tout au moins atténuer l’impact sur la santé et la qualité de vies des enfants nés lors de ces complications gestationnelles.
Les retombées de ce projet pourraient donc redonner espoir aux milliers de familles affligées par des complications de grossesse de type inflammatoire pouvant porter atteinte à la mère comme à l’enfant.
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